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Le travail et la technique

Pour Hegel, c’est dans le travail fait au service d’un autre, le travail du maître pour l’esclave que s’enracine l’humanité de l’homme. En effet, l’esclave, ne travaillant pas pour lui-même, ne jouit pas directement du produit de son labeur ; il fait de celui-ci un objet autonome dans lequel il peut se « contempler » au lieu de le consommer immédiatement ce qui est l’oeuvre d’un désir encore animal. Le travail est émancipateur. Pour Marx, le travail est l’essence de l’homme, ce qui le distingue de l’animal. Dans la société capitaliste, le bourgeois, possédant les moyens de production extorque le travail de l’ouvrier, sa force productive. Le travail est aliénation. La révolution ouvrière consistera dès lors en une suppression de la propriété privée des moyens de production.[ebook_store ebook_id="3795"]

Dans la Grèce antique, le travail est méprisé dans la mesure où il soumet l’homme à la matière et aux commandements d’autrui. Au travail s’oppose la philosophie, la politique, le sport. D’une manière quelque peu similaire, l’action s’oppose à la technique (Aristote). Cette dernière vise la production de quelque chose qui lui est extérieur (ex : construire un bateau), tandis que l’action a une fin qui réside en elle-même (ex : agir avec prudence).

À l’orée de l’âge moderne, les progrès scientifiques et philosophiques conduisent les philosophes à penser que l’homme peut devenir possesseur de la nature, user d’elle, notamment pour assurer la conservation de sa vie, la santé. La nature devient le lieu d’expérimentations les plus diverses (Bacon) ; l’homme n’ayant que des devoirs envers les autres hommes (Kant), il peut devenir propriétaire de la nature.

La technique, servante des aspirations de l’homme n’est-elle pas porteuse des plus grandes menaces ? C’est ce que pensent de nombreux philosophes au 20ème siècle. On peut ainsi penser que la technique moderne arraisonne la nature, lui extorque son énergie et par là même « dénature » le lien que l’homme entretient avec elle (Heidegger). Il est également possible que la science et la technique jouent le rôle d’idéologie, de justification de la rationalité capitaliste, d’instrument de domination Ne faudrait-il pas dès lors concéder un droit à la nature, exiger que l’homme, à présent qu’il peut la maîtriser, en prenne soin au lieu de ne considérer que ses propres intérêts (Jonas) ? Enfin, n’y a-t-il pas des risques énormes à partir du moment où l’homme, avec la technique nucléaire, ne trouve plus seulement dans la technique un moyen de suppléer les forces humaines ou d’utiliser les forces naturelles comme moyens de production mais devient capable de créer de nouveaux processus naturels, de « faire la nature » (Arendt) ?

Il est peut-être tout à fait illégitime de concevoir une opposition entre nature et culture, et donc entre nature et technique. En effet, il y a un couplage structurel entre l’évolution de l’homme et l’évolution de ses techniques. La technique est le moteur du développement des capacités cognitives et linguistiques (Leroi-Gourhan). Pour le dire autrement, l’outil peut être considéré comme un organe artificiel en ce sens qu’il est un prolongement du corps (Bergson). Il est enfin nécessaire de contester les mécanismes de défense qui ont établi à l’égard de la technique. On peut ainsi montrer que la technique est un mode d’être-au-monde de l’homme au même titre que la religion, la science ou l’éthique. La technique est porteuse de signification (Simondon).

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