Le travail de rédaction
Vous voici arrivé à la dernière étape de votre travail. Vous disposez de tous les éléments nécessaires : les réponses à des questions d'observation, un plan d'ensemble, des arguments, des preuves. Il vous reste à exprimer en un langage clair et précis les idées que vous venez de classer.
1 - LA RÉDACTION DU COMMENTAIRE
A - LA RÉDACTION DU DÉVELOPPEMENT
L’élaboration du développement doit venir avant celle de l’introduction et de la conclusion, qui en sont tributaires, car la moindre modification dans l’orientation du commentaire aurait des répercussions sur l’annonce du plan (introduction) ainsi que sur la synthèse finale (conclusion). Si vous travaillez en temps libre, vous avez intérêt à faire un brouillon, de manière à polir la forme. En temps limité, au contraire, vous rédigerez à partir du plan détaillé tel qu’il a été défini, mais lentement, pour parvenir d’emblée à une formulation satisfaisante et éviter les ratures. Il vous faut donc vous entraîner en cours d'année, et pas seulement à l’occasion des commentaires composés, à ce genre d’exercice qui suppose une véritable gymnastique : construisez les phrases les plus complexes avant de les écrire, soit mentalement, soit au brouillon, et prenez soin d’enchaîner logiquement les remarques et citations de chaque paragraphe comme vous le faites des parties et sous-parties. En rédigeant avec une sage lenteur, vous n’aurez aucun mal à procéder à des retouches et à des réajustements de dernière minute, vous exploiterez au maximum les indications que vous avez consignées sur le papier et vous pourrez éventuellement profiter des idées qui vous seront venues à l’esprit en chemin.
a) Les citations
Le commentaire composé étant une explication de texte, les citations en constituent un élément indispensable puisqu’elles fournissent les preuves de votre argumentation. Il vous faut donc éviter les simples allusions et les affirmations non justifiées, sans pour autant tomber dans un catalogue fastidieux de références a la page étudiée. Une fois encore tenez-vous-en à un juste milieu. - Les citations seront bien choisies et nombreuses puisqu’elles illustrent chaque idée générale, chaque remarque. Leur taille varie car elles correspondent à une phrase, à une expression ou à un terme isolé; mais en règle générale mieux vaut se dispenser de trop longs extraits et ne présenter que ce qui est nécessaire et suffisant pour étayer la démonstration. Compte tenu des dimensions restreintes des textes proposés, il est inutile d’indiquer les lignes de référence. - Bien entendu les citations seront exactes - ce qui suppose de votre part des vérifications constantes - et comporteront des guillemets. Vous indiquerez avec précision les modifications syntaxiques rendues nécessaires par leur insertion dans votre propos. Quand vous étudierez un poème ou une pièce classique, respectez la présentation typographique des vers ou mentionnez-les à la suite en les séparant par des traits obliques et en conservant les majuscules initiales, comme dans cet exemple emprunté au théâtre de Racine : «Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille. Viens, reconnais la voix qui trappe ton oreille. » ou : «Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille. / Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille. » - Enfin les citations seront autant que possible intégrées dans votre commentaire par un procédé quelconque. Vous ne recourrez qu’exceptionnellement aux solutions de facilité que constituent l’utilisation de parenthèses ou les deux points suivis d’une succession de mots décousus.
b) Les transitions
On donne ce nom à une phrase courte située à la fin d’un paragraphe ou au début du paragraphe suivant et qui, le plus élégamment possible, résume ce qui vient d’être dit et annonce la question qui va être abordée. Les transitions sont rendues nécessaires par l’organisation du devoir en éléments distincts (parties, sous-parties et paragraphes), mais elles ne sont pas indispensables quand, par exemple, le passage d’une idée à l’autre est évident. Il faut en tout cas, comme dans l’introduction, éviter les formules appuyées et maladroites telles que « Abordons maintenant tel problème... », puisque la principale qualité d’une transition est la souplesse.
B - LA RÉDACTION DE L’INTRODUCTION ET DE LA CONCLUSION
a) L’introduction
Bien qu’elle n’ait qu’un rôle formel, celui d’indiquer l’orientation d’ensemble du commentaire, elle doit être particulièrement soignée, car elle est la première à retenir l’attention du correcteur, qu’elle prévient d’emblée en faveur de votre devoir ou contre lui. Même s’il est traditionnel de ne pas y ménager d’alinéas, elle comporte trois éléments : elle circonscrit le sujet, le pose et annonce habilement le plan suivi. - Pour éviter une présentation trop abrupte du texte à un lecteur censé l’ignorer, il vous faut commencer par un préambule de deux ou trois phrases seulement (d’ailleurs l’introduction dans son ensemble doit être concise). Vous n’aurez pas de mal à trouver un point de départ si vous vous référez aux éléments que vous a fournis l’approche du texte (voir ci-dessus p. 46 sq.). En effet l’inscription de ce dernier dans son contexte vous permet suivant les cas : * de situer la page dans l’ensemble de l’ouvrage (ainsi l’amour d’Eugénie Grandet pour son infortuné cousin -texte 10); * de vous référer à la vie de l’auteur ou à son époque («Elsa au miroir» et la Résistance); * de montrer comment J’écrivain reprend un thème caractéristique de son époque («A une heure du matin» et l’importance de Paris dans la littérature du XIXe siècle - texte 8) ou plus général (la promenade de François Seurel et les aspirations de l’adolescence - texte 3). De la même façon, vous pourrez partir d’une réflexion sur les contraintes des genres littéraires pour présenter le texte, selon qu’il les respecte ou qu’il les bouscule (comme dans la poésie et le roman contemporains). Enfin un jugement critique, à condition qu’il soit pertinent et ne donne pas à l’examinateur l’impression que vous cherchez à étaler vos connaissances, constitue éventuellement un point de départ intéressant. - Il est ensuite facile de citer le sujet, soit en donnant le titre du texte (« À une heure du matin »), soit en rappelant celui de l’œuvre d’où il est tiré (L'Éducation sentimentale). Dans ce second cas, des indications permettant de localiser l’extrait lui-même (par exemple le portrait de Diphile dans le chapitre « De la mode») sont tout à fait nécessaires. -L’annonce du plan que vous avez adopté doit être précise : indiquez clairement les grandes étapes de votre commentaire, mais ni le détail de chacune d’elles ni sa conclusion pour ne pas déflorer le sujet et pour ménager ainsi l’intérêt de la suite. Cette annonce doit être en même temps habile : ne signalez pas votre démarche, comme on le voit faire trop souvent, de façon indiscrète («Nous étudierons dans un premier temps..., puis nous verrons... »); il suffit le plus souvent de quelques remarques présentées avec simplicité, l’idéal consistant en une phrase dont chaque élément annonce une partie, par exemple : «Dans ce portrait de Diphile, La Bruyère nous apparaît à la fois comme un observateur attentif, un styliste et un moraliste.»
b) La conclusion
Dernier élément du devoir, elle gagne à être soignée pour laisser le correcteur sur une impression favorable. Elle comporte deux parties, que vous ne distinguerez pas plus matériellement que les trois de l introduction : ■ Elle fait le point en rappelant la démarche du commentaire et les résultats auxquels celui-ci vous a permis d’aboutir (par exemple : «La Bruyère, dans la lecture du texte déjà proposée, est un observateur perspicace des mœurs de son temps, un artiste de talent et un moraliste “raisonnable”»). Il est bon d’accompagner cette synthèse finale d’un jugement précis et nuancé («La Bruyère met une technique incontestable au service d’une pensée conformiste puisqu’il se réfère implicitement au système de valeurs de la société où il vit, en refusant l’anormalité; il est plus novateur dans d’autres pages des Caractères»). - Sans que ce soit une nécessité absolue, la conclusion élargit les perspectives en lançant un nouveau sujet de réflexion amené tout naturellement par votre lecture (« Le portrait de Diphile nous conduit a réfléchir sur la démarche des écrivains classiques qui prétendent, malgré leur inévitable inscription dans l’Histoire, écrire du point de vue de l éternité, conception qu’une critique pas toujours innocente a souvent reprise sans même la discuter»). Cette ouverture finale montrera que vous êtes capable d’établir une comparaison avec d'autres textes ou d’envisager de nouveaux problèmes grâce à votre culture.
2 - LES QUALITÉS DE L'EXPRESSION
N’oubliez jamais que le commentaire composé est aussi un exercice de rédaction et que l’on vous juge également sur vos qualités d’expression. Cette remarque vaut aussi pour les réponses aux questions d’observation.
a) Comme dans les autres types de sujets proposés à l’écrit de l’épreuve anticipée, on attend de vous une orthographe (accentuation comprise) correcte. Si les examinateurs ferment les yeux sur une ou deux étourderies, ils pénalisent régulièrement les ignorances caractérisées et les négligences formelles quand elles se répètent.
b) De même vous devez soigner la ponctuation parce qu’elle donne aux textes écrits les possibilités expressives du langage oral et qu’elle facilite leur lecture.
c) Proscrivez les fautes de langue : termes impropres, locutions vicieuses, mauvaises constructions syntaxiques.
d) Recherchez, si possible, l’élégance du style. Vous y parviendrez en donnant à votre commentaire les qualités unanimement appréciées que voici : • La clarté : à cet effet, évitez, entre autres, les termes techniques et les néologismes linguistiques, sauf quand ils ont été par exemple consacrés par la pratique universitaire comme «connotation», «focalisation», « intertextualité », etc. Évitez aussi les cascades de compléments de noms, les phrases trop longues encombrées de subordonnées (mieux vaut un style parataxique un peu monotone que des périodes boiteuses ou obscures) et, sans tomber dans une syntaxe trop lourde, soulignez les articulations logiques de votre raisonnement. • La précision : elle suppose un vocabulaire étendu et varié susceptible de toujours fournir le mot juste. • La simplicité : évitez l’abus des épithètes, les images usées, les outrances, l’emphase, mais ne tombez par pour autant dans une familiarité déplacée, car le commentaire compose appelle un ton d’une certaine tenue, même s’il est naturel. Notez à ce propos qu’il est en principe déconseillé de s’exprimer à la première personne du singulier. • La concision : à égale distance de la prolixité et d’une brièveté excessive, elle permet l’expression précise et élégante de la pensée ; elle s’accommode mal des mots inutiles, des répétitions (sauf quand elles sont inévitables ou volontairement expressives) et des redondances.
3 - LA PRÉSENTATION MATÉRIELLE
a) Pour matérialiser en quelque sorte la composition de votre commentaire et faciliter le travail de correction, vous devez essayer de soigner le plus possible la présentation de votre devoir. Avant tout, écrivez lisiblement et sans ratures et utilisez de préférence une encre de couleur foncée. D’autre part, pour que votre lecteur puisse toujours s'y reconnaître, aérez la présentation : - en sautant une ligne entre l'introduction et le développe-ment, entre deux parties consécutives et entre le développe-ment et la conclusion; - en ménageant des alinéas au début des parties, des sous-parties et des paragraphes correspondant aux principales idées, mais ne donnez jamais de titres aux différentes sections du devoir, comme vous le faites au brouillon quand vous bâtissez votre plan.
b) Voici par ailleurs quelques conventions utiles à connaître : • on souligne les titres des œuvres et des recueils (Les Caractères, Contes du Jour et de la nuit), mais on met entre guillemets ceux des fragments, chapitres, poèmes, etc. : «De la mode», «Le Vieux» ; le premier mot des titres comporte une: majuscule, ainsi que le deuxième lorsque le premier est un article défini ou un adjectif: Une vie, Les Fleurs du mal; • les points de suspension figurant dans une phrase sont imputables a l'écrivain, mais, quand ils sont encadrés par des crochets droits, ils indiquent une coupure opérée par le commentateur : «cette fontaine [...] enfouie sous tant d'herbes folles qu'il! fallait chaque fois plus de temps pour la retrouver... » (texte 3) ; • quand vous avez besoin de fournir des explications, mentionnez-les entre parenthèses, en recourant éventuellement au; signe = : «Il (= le Vieux) a passé !» (texte 7); • quand vous devez modifier une partie de citation pour l'intégrer syntaxiquement dans votre commentaire, utilisez des crochets droits, par exemple : le poète éprouve le besoin impérieux «de [se] délasser dans un bain de ténèbres» (texte 8); • écrivez les chiffres en lettres, sauf les millésimes (1789) ; • n'utilisez aucune abréviation.
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