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Le sens (Fiche de révision)

 

Distinguer

Sens comme idée, concept représenté par un signe ou un ensemble de signes (ex. le sens d’un mot. d’une phrase, d’un geste). Problème : l’équivocité et l'univocité des significations. Sens comme foyer d’organisation d’activités intentionnelles : ex. l'amélioration des conditions de vie de l’homme comme sons de l'activité scientifique.

Problème : la possibilité de « représenter la philosophie comme visée d'un sens universel.

Sens comme caractère intelligible d’une chose permettant de justifier son existence (ex. le sens de la vie).

Problème : l’absurde comme négation du sens.

Sens et interprétation

Point de vue de l’herméneutique qui se pense comme la science ayant pour tâche de mettre en évidence l’importance de l’interprétation.

• Bien que ce concept ne suscite directement que très peu de sujets de baccalauréat, ne le considérez pas comme secondaire. Bien au contraire, la notion de sens éclaire une multiplicité de thèmes. • Prenez bien garde aux pièges et ambiguïtés de ce terme (exemple : le sens de l'histoire et le sens d'un concept). Hegel a souligné la pluralité des significations du mot «sens» (§ 1). • Distinguez bien la compréhension phénoménologique du sens illustrée par les travaux de Sartre ou Merleau-Ponty (§ 2) et l'herméneutique de Ricoeur (§ 4). Il s'agit de deux méthodes différentes pour dégager le sens du réel. • Si nous abordons le problème métaphysique du sens, il s'avère que le sens intelligible éclairant notre existence dans le monde ne va nullement de soi (§ 5) : on parle alors, avec Nietzsche, de nihilisme. Ce philosophe a décrit l'étape nihiliste qui est la nôtre (Conclusion).

I — Le concept de sens

Voici un terme d'une richesse étonnante et dont les acceptions se révèlent d'une grande diversité : le sens désigne, tout d'abord, une fonction sensorielle, la faculté d'éprouver une classe de sensations. Ainsi parle-t-on des organes des sens, du sens tactile ou auditif, par exemple. Mais le sens signifie aussi, en second lieu, ce que communiquent à l'esprit un mot ou un signe. Ici, le sens désigne la signification d'un phénomène. Enfin, le sens peut être défini, en une troisième acception, comme l'orientation d'un mouvement, comme l'ordre dans lequel un mobile parcourt une série de points. Ainsi parle-t-on du sens des aiguilles d'une montre. Cette pluralité de signification a été bien soulignée par Hegel dans les "Leçons d'Esthétique" : «Sens est en effet un mot curieux qui est... employé selon deux significations opposées. D'une part, il désigne en effet les organes qui président à l'appréhension immédiate; d'autre part nous appelons sens la signification d'une chose, son idée, ce qu'elle a d'universel. C'est ainsi que le sens se rapporte d'une part au côté immédiatement extérieur de l'existence et d'autre part à son essence intérieure. » (Hegel, "Leçons d'Esthétique")

II — Sens et projet

La philosophie ne retient guère le premier sens du terme (la fonction sensorielle) et porte essentiellement sa réflexion sur les deux autres acceptions du mot, c'est-à-dire la signification et l'orientation.

Ici — comme l'ont bien montré les existentialistes — c'est le projet humain, c'est-à-dire l'acte par lequel un sujet sort de soi et s'extériorise, qui éclaire la notion de sens. En effet, l'homme est un «pro jet», il se transcende vers le monde et y introduit ainsi une signification interne et une orientation. En eux-mêmes, les phénomènes sont neutres et vides de sens. Parler du sens d'un cours d'eau ou du sens d'une phrase, c'est toujours parler de la conscience, du pro jet humain se dépassant, hors de lui-même, vers ce qui n'est pas lui. Sous les principales acceptions du mot sens, nous retrouvons la notion fondamentale d'un être orienté vers ce qu'il n'est pas. « Le sens d'un cours d'eau, ce mot ne veut rien dire si je ne suppose pas un sujet qui regarde d'un certain lieu vers un autre. Dans le monde en soi, toutes les directions comme tous les mouvements sont relatifs, ce qui revient à dire qu'il n'y en a pas... De même encore, le sens d'une phrase, c'est son propos ou son intention, ce qui suppose encore un point de départ et un point d'arrivée, une visée, un point de vue.» (M. Merleau-Ponty, "Phénoménologie de la perception")

III — Comprendre et expliquer

La saisie du sens par le projet humain porte le nom de compréhension. Qu'est-ce que comprendre? C'est appréhender une signification immanente à la réalité humaine, c'est ressaisir, de l'intérieur, le sens de l'expérience vécue propre à un sujet. Si je désire, par exemple, expliquer la nuit du 4-Août 1789 (où les trois Ordres assemblés abolissent les privilèges), je dois appréhender intérieurement le vécu psychologique des agents historiques. Sans cet outil qu'est la compréhension, nul moyen d'expliciter le phénomène historique.

La compréhension du sens semble donc indispensable aux sciences qui étudient les phénomènes humains — les sciences humaines — telles la psychologie ou l'histoire. Au contraire, l'explication est requise pour les sciences de la nature, telle la physique. Expliquer, c'est trouver, de l'extérieur, un rapport entre deux choses. Comprendre, c'est, par intuition, coïncider avec des états vécus. On n'élucide pas la conduite des hommes à la manière dont on explique le comportement des fourmis ou les mouvements des électrons.

Bien avant les existentialistes, le penseur allemand Wilhelm Dilthey (1833-1911) avait distingué radicalement la compréhension du sens et l'explication : on explique la nature et on comprend l'homme. «Nous appelons compréhension le processus par lequel nous connaissons un «intérieur» à l'aide de signes perçus de l'extérieur par nos sens... le processus par lequel nous connaissons quelque chose de psychique à l'aide de signes sensibles qui en sont la manifestation.» (W. Dilthey, "Le monde de l'esprit")

IV — La méthode herméneutique

Jusqu'ici, c'est sur le «sens vécu» des phénomènes que nous nous sommes interrogés. Mais on peut s'attacher aussi au sens latent ou caché des choses et le distinguer du sens apparent. Ainsi, l'herméneutique, science de l'interprétation- déchiffre-t-elle ce sens caché ou travesti. C'est une méthode permettant d'interpréter, d'obtenir un sens plus cohérent et plus rationnel. Ainsi, la méthode freudienne rentre dans le cadre de l'herméneutique. Lorsque Freud, par exemple, introduit une distinction entre le sens manifeste, apparent, d'un rêve et son sens caché, latent, il réalise un travail d'interprétation : l'herméneutique freudienne dégage le sens caché du rêve en se référant au passé, à l'inconscient archaïque du sujet. Mais il est aussi une herméneutique qui se réfère au futur : ainsi fit Hegel, dans la "Phénoménologie de l'Esprit", lorsqu'il éclaira les phénomènes en se référant à la fin vers laquelle s'acheminent la conscience et l'Esprit. Chaque série du réel voit alors son sens explicité à partir de la dimension du futur. Paul Ricoeur, philosophe français contemporain, a bien mis en lumière l'existence de ces deux herméneutiques, psychanalytique et hégélienne : « La psychanalyse nous proposait une régression vers l'archaïque, la Phénoménologie de l'Esprit nous propose un mouvement selon lequel chaque figure trouve son sens non dans celle qui précède, mais dans celle qui suit; la conscience est ainsi tirée hors de soi, en avant de soi, vers un sens en marche, dont chaque étape est abolie et retenue dans la suivante.» (P. Ricœur, "Le conflit des interprétations", Seuil, 1969)

V — Le nihilisme : l'absence de sens

Nous avons jusqu'ici traité du sens sans aborder le problème métaphysique que soulève cette notion. En effet, nous avons envisagé le sens comme signification ou direction. Mais le Sens (avec une majuscule...), c'est la réalité intelligible qui semble justifier tout et éclairer notre existence dans le monde. Or ce Sens intelligible ne va nullement de soi. En particulier, il semble faire défaut durant une étape que Nietzsche a prophétisée et décrite de façon remarquable, celle du nihilisme européen, mal de notre temps. A un certain moment de l'histoire, au XXe siècle, apparaît, en effet, le phénomène du nihilisme (étymologiquement, du latin nihil : rien). Cet avènement est marqué par la mort de Dieu et des idéaux suprasensibles, par la dévaluation de toutes les valeurs, par la tyrannie de l'absurde. Désormais, il n'est plus de réponse à la fameuse question : à quoi bon? La notion de Sens de la vie disparaît. Dans la perspective de Nietzsche, le nihilisme sera dépassé quand naîtra le surhomme, créateur de nouvelles valeurs. « Que signifie le nihilisme? Que les valeurs supérieures se déprécient. Les fins manquent; il n'est pas de réponse à cette question : «à quoi bon ?» (Nietzsche, "La volonté de puissance") «Le nihilisme, en tant qu'état psychologique, se manifestera en premier lieu quand nous aurons cherché dans tous les faits le «sens» qu'ils ne comportent pas...» (Nietzsche, op. cit.)

Conclusion

Nietzsche a été un étonnant prophète. Le Sens comme valeur intelligible justifiant notre existence semble faire défaut durant l'étape nihiliste qui est la nôtre.

Le problème du sens, sur lequel insiste la philosophie contemporaine, est essentiel à toute philosophie, s'il est vrai que toutes les questions philosophiques se ramènent, directement ou indirectement, à celle du sens de la vie humaine.

I. DÉFINITIONS

- A - Différents sens du mot sens. Le mot sens présente des acceptions diverses que l'on peut ranger en trois grands groupes : 1) l'idée première est celle de sentir (sensation, sentiment, etc...) à laquelle se rattachent les expressions qui font du sens une manière de penser ou de juger (le bon sens, le sens moral, un homme sensé, etc...) ; 2) l'homme sensé est un homme dont les discours et les actions ont un sens, c'est-à-dire une signification positive (quel est le sens de ? = que veut dire ?); 3) les signes dont on comprend le sens orientent notre pensée ou notre action (cf. l'expression: aller dans le sens de quelqu'un) à la manière de la flèche qui indique un sens unique.

- B - Le non sens. L'expression «sens dessus dessous» fait une sorte de synthèse de ces différentes acceptions, puisqu'elle indique une mauvaise organisation spatiale qui est dépourvue de signification et choque le bon sens. L'essentiel, ce serait donc l'idée de signification et même de signification correcte: le faux sens, le contresens, le non sens, dans une traduction, sont autant d'erreurs. Toutefois, en philosophie, le non sens pose un problème particulier. Il est, en effet, facile de concevoir et même d'expliquer qu'on se trompe plus ou moins sur le sens, mais peut-on admettre l'absence de sens? L'homme ne serait-il pas nécessairement désorienté (ne sachant dans quel sens aller) s'il se trouvait dans un monde dépourvu de sens (sans signification)?

- C - L'homme à la recherche du sens. Il est certain que l'homme, être sensé, cherche à donner un sens à toute chose. Dans le monde humain où il fait ses premières expériences, tout a un sens, puisque tout est fait par l'homme en vue de certaines fins, et il est normal que nous commencions par concevoir le monde sur ce modèle et que nous cherchions la signification de tout: c'est l'état théologico-métaphysique dont parle Comte et la philosophie renonce difficilement à cette vision d'un univers plein de sens. Comte lui-même ne se satisfait pas de la «synthèse objective»: la loi des trois états et l'ordre des sciences ne prennent tout leur sens que dans la «synthèse subjective», c'est-à-dire lorsqu'on les envisage par rapport à l'Humanité.

II. PROBLÈMES

- A - Le sens de l'existence. Comte a bien montré, pourtant, qu'à la question «pourquoi», si naturelle à l'homme, la science ne répondait pas. Aux yeux de l'entendement, tout ce qui est est par quelque chose et pour rien. La raison peut bien s'efforcer de donner un sens à l'existence, ses tentatives sont condamnées à l'échec parce qu'elles traduisent des exigences subjectives auxquelles le réel demeure indifférent et n'expriment jamais que des « points de vue ». On le voit bien, par exemple, avec la théorie biologique de l'évolution : on peut en conclure que l'homme donne un sens à l'histoire des êtres vivants, mais on peut aussi en conclure, avec Nietzsche, que l'homme n'est qu'«un passage et un déclin» et que le sens de l'évolution c'est le Surhumain.

- B - Le sens de l'histoire. On peut en dire autant pour l'histoire des hommes eux-mêmes: Comte et Marx parlent tous deux d'un sens de l'histoire, mais ce n'est pas le même. Et si ce sens n'est pas imposé par quelque Providence, il reste que l'histoire sera ce que les hommes la feront, ce qui ne suffit pas à lui donner un sens. Car ce que Valéry disait des civilisations (« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles») est peut-être vrai de l'humanité tout entière. Mais la fin du monde donnerait-elle un sens à son existence ? Rien n'a de sens que pour un être qui sait dans quel sens il marche, et la seule certitude de l'homme, en ce domaine, est qu'il marche à la mort.

- C - Le sens de la vie. Faudrait-il donc donner un sens à la mort pour donner un sens à la vie ? C'est revenir toujours à l'état théologico-métaphysique. Il reste à l'esprit positif d'accepter l'existence comme un pur donné qui n'a de sens que par lui et pour lui. L'homme est peut-être, selon le mot de J.-P. Sartre, «une passion inutile» (cf. Camus et le "Mythe de Sisyphe"). Même s'il existe une nature humaine qui incline tous les hommes à donner un même sens à l'existence (cf. la notion de sens commun), c'est à chacun de prendre en charge sa propre destinée et de faire que «l'aventure humaine» (J. Château) à laquelle il participe ne demeure pas vide de signification. Comme le disait Platon: «Chacun est responsable de son choix. Dieu n'est pas responsable ».

CONCLUSION La fin considérée comme un terme détruit le sens que donne la fin considérée comme un but. Condamné à mourir, l'homme ne peut ordinairement donner un sens à sa vie qu'en vivant comme s'il était immortel.

CA PEUT SERVIR

Littérature : Dostoïevski, Les Frères Karamazov, L ’Idiot ; A. Jarry, le cycle de Ubu ; F. Kafka, Le Procès ; S. Beckett, Fin de Partie, En attendant Go dot: J.-P. Sartre, Le Mur-, A. Camus, L’Étranger, La Chute.

La tradition du roman policier : M. Leblanc, G. Simenon, J. Le Carré.

Peinture: les peintures d’Arcimboldo, de S. Dali, de Magritte (Ceci n’est pas une pipe). Cinéma: O. Welles, Le Procès ; S. Soderberg, Kafka.

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