Le Rivage des Syrtes de Julien GRACQ, 1951
Affectant la forme d'un récit de faits historiques rédigé par l'un des acteurs des événements, ce roman est une sorte de fable politique en même temps qu'un très remarquable exercice de style. Aldo, le narrateur, est un jeune patricien de la seigneurie imaginaire d'Or-senna, maintenant assoupie dans le souvenir de sa grandeur passée. Il est envoyé comme Observateur auprès des troupes que la cité maintient sur le rivage des Syrtes, face au Farghestan avec lequel elle est en guerre depuis trois siècles. Il y a longtemps que l'on ne se bat plus; le capitaine Marino, gouverneur de la citadelle de l'Amirauté, s'emploie, selon les ordres de son gouvernement, à éviter tout geste belliqueux. Dans l'atmosphère d'ennui et d'attente qui pèse sur les paysages déserts, Aldo se laisse fasciner par le mystère du Farghestan et entre peu à peu comme acteur dans une série d'événements qui, l'attrait de l'aventure et la soumission collective au destin aidant, conduisent à la reprise de la guerre. Entraîné par son amie Vanessa, qui est venue s'installer dans le palais familial de Maremma pour fuir la sagesse et le sommeil d'Orsenna, il s'aventure jusqu'à l'île de Vezzano d'où l'on aperçoit le cône blanc du Tângri, image de l'inaccessible Farghestan. Puis les ordres même d'Orsenna devenant flous, il pousse une patrouille navale vers les côtes interdites, et essuie trois coups de canon. Convoqué à Orsenna, Aldo n'est pas désavoué car tout le monde a été complice dans cette affaire, tout le monde a aidé. Même quand il a pensé faire le contraire. L'intérêt du roman est dans la peinture en quelque sorte intemporelle de phénomènes concernant les individus, les collectivités et la politique des États; la tentation des ruptures, la dilution des responsabilités, la fascination du tragique. Il est aussi dans la qualité poétique de son style qui semble refléter l'envoûtement mélancolique qui gouverne le destin d'AIdo et d'Or-senna.
Syrtes. Nom donné dans l'Antiquité à deux golfes formés par la Méditerranée sur la côte septentrionale de l'Afrique, où la navigation était réputée dangereuse. La Grande Syrte (auj. golfe de Syrte) s'étendait à l'est de Tripoli; la Petite Syrte (auj. golfe de Gabès) à l'ouest, au large de la côte tunisienne.
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