Le Maître de Santiago Henry de MONTHERLANT, 1947, Folio
Cette pièce en trois actes et en prose a pour thème le refus du monde. Elle appartient à la veine chrétienne du théâtre de Montherlant (cf. Port-Royal, Le Cardinal d'Espagne) L'action se déroule en Espagne, à Avila, en janvier 1519. Les derniers chevaliers de l'Ordre de Santiago doivent se réunir chez l'un d'eux, Don Alvaro Dabo, que son attachement à la chevalerie en déclin a fait surnommer le Martre de Santiago. Trois d'entre eux vont partir pour les Indes Occidentales dans l'espoir d'y faire fortune, et Don Bernai, dont le fils Jacinto aime Mariana, la fille de don Alvaro, veut persuader celui-ci de partir également pour doter sa fille (I, 2). Don Bernai lui présente l'entreprise comme une nouvelle croisade, mais ne fait que susciter sa colère contre les appétits que déchaîne le Nouveau Monde (I, 4). Et quand il invoque l'intérêt de leurs enfants, Alvaro se déchaîne contre les sentiments de sa fille (II, 1-2). Bernai imagine alors de faire intervenir le comte de Soria au nom du roi, et Mariana semble accepter cette ruse (II, 3), mais au moment où son père va céder à ce prétendu appel du roi (III, 3), elle dénonce la démarche de Soria comme une affreuse comédie inventée par Don Bernai (III, 4). Alvaro s'agenouille devant sa fille pour lui demander pardon de l'avoir méconnue, et, communiant avec elle dans une exaltation mystique, l'entraîne vers la vie monastique : Eh bien! périsse l'Espagne, périsse l'univers! Si je fais mon salut et si tu fais le tien, tout est sauvé et tout est accompli. (III, 5). À ceux qui ont jugé que Don Alvaro est un faux chrétien, Montherlant a répliqué, citations à l'appui, que son héros représente le christianisme authentique, dans une de ses nuances, et que ses paroles paraphrasent des paroles de l'Écriture ou d'orateurs sacrés (Le blanc est noir, 1948). Quant à son goût personnel pour les sujets catholiques, paradoxal puisqu'il n'a pas la foi, il s'en est expliqué ainsi : Un sentiment très fort, obsédant, de l'inanité et de l'absurdité de presque tout m'a dominé depuis ma jeunesse [...]. J'aime mettre en scène des personnages qui sont morts au siècle ou qui aspirent à l'être (Une pièce qui baigne dans le désespoir, 1957).