LE GÉNOCIDE DANS LA LITTÉRATURE ET LE CINÉMA
: L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes - Le génocide dans la littérature et le cinéma.
LE GÉNOCIDE DANS LA LITTÉRATURE ET LE CINÉMA
Vocabulaire :
- Génocide : terme forgé par Raphaël Lemkin, juriste américain d'origine polonaise pour qualifier « la pratique de l'extermination de nations et de groupes ethniques » selon un « plan coordonné et méthodique ».
- Holocauste : Emprunté à la Bible, il correspond à un « sacrifice où l'on brûle la victime entière ».
- Shoah : Mot hébreu qui signifie « anéantissement », « catastrophe ».
- Solution finale : https://fr.wikipedia.org/wiki/Solution_finale
- Nuit et brouillard : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_et_brouillard
Introduction :
Comment dire l'indicible ? Comment représenter l'irreprésentable de la Shoah ? Mots (littérature) et images (cinéma) semblent incapables de décrire l'horreur du génocide des juifs et des Tziganes. Pourtant, témoigner est un impératif moral absolu pour lutter contre l'oubli et la récidive. Un devoir de mémoire. Nous essayerons de montrer ici que les romans et les films sur la Shoah ont suivi le rythme de l'histoire de la mémoire du génocide.
Problématique : Quelle est la légitimité de l'art confrontée à l'horreur ultime ? Peut-on donner à l'indicible de la barbarie du génocide un corps romanesque ? Toute « littérature » n'est-elle pas impossible après Auschwitz, comme l'affirmait Adorno ? L'art a-t-il le pouvoir de sortir la souffrance de l'abîme et de l'oubli ? L'inouï peut-il être ouï grâce à la littérature et au cinéma ? Enfin, dans quelle mesure et sous quelle forme un artiste est-il en droit de représenter la Shoah ?
I) Témoigner de l'horreur, une volonté précoce mais difficile
1) Ecriture et cinéma pendant la guerre
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Dès 1942, les habitants des ghettos juifs de Pologne écrivent pour laisser une trace de leurs souffrances et pour fournir des éléments de preuve du génocide :
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« Chroniques quotidiennes du ghetto de Lodz » : des milliers pages de témoignages archivées et publiées en 2008 en 5 volumes. Lodz, ville de Pologne, premier grand ghetto institué par les nazis en 1940 (avant celui de Varsovie). Sur les 204 000 habitants, seules 10 000 personnes survivront à la libération du ghetto. Les autres périront de maladies, privations ou exterminés à Auschwitz ou Chelmno.
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« Les voix sous la cendre », 2005 : Manuscrits-témoignages des Sonderkommandos (juifs forcés de travailler dans les chambres à gaz) d'Auschwitz, cachés par leurs auteurs et retrouvés après leur mort => https://www.livredepoche.com/livre/des-voix-sous-la-cendre-9782253115250. Adaptation cinématographique : « Le fils de Saul » de László Nemes en 2015.
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Les Soviétiques filment les traces des exactions commises à l'Est par les nazis, notamment la mise à jour des fosses communes de milliers de cadavres : à des fins de propagande (haine contre l'idéologie fasciste) et pour alerter l'opinion internationale = http://filmer-la-guerre.memorialdelashoah.org/sovietiques/documenter/documenter.html#filmer
2) Après la libération des camps : un récit inaudible, littéralement "in-ouï".
En 1945, les images américaines et soviétiques de la libération des camps sont diffusées au cinéma : le monde découvre l'horreur concentrationnaire :
- https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001102/la-decouverte-des-camps-de-la-mort.html
- https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/auschwitz/video-le-27-janvier-1945-le-camp-d-auschwitz-etait-libere_807657.html
- https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001830/les-troupes-sovietiques-liberent-le-camp-d-oswiescim-auschwitz.html
Ces films sont présentés comme des preuves au procès de Nuremberg.
Entre 1945 et 1948, près de 400 « livres du souvenir » (= « yizker-biher» en Yiddish) sont écrits collectivement par des survivants des ghettos. Dans ces ouvrages sont inscrits les noms des victimes de la Shoah.
Mais le temps est à l'oubli, au refoulement/déni du traumatisme = ère de l'amnésie de la Shoah. La reconstruction économique et sociale est la priorité. Le monde veut panser ses plaies. Il s'agit de tourner la page.
Dès 1947, parmi les plus célèbres témoignages de disparus, le journal d'ANNE FRANK (1929-1945), publié dès la fin de la 2de GM par son père, unique rescapé de sa famille déportée. Histoire d'une jeune fille qui vivait cachée à Amsterdam entre 1942 et 1944. Témoignage singulier car Anne ne parle pas directement de la déportation et de l'extermination des juifs mais de ses conditions d'enfermement dans l' « Annexe » de l'usine de son père (cohabitation avec les adultes, puberté, éveil à l'amour, prise de conscience de sa judéité, etc.). Journal intime d'une enfant morte. Le livre s'arrête brusquement quand la police hollandaise découvre la cache de la famille Frank. Anne Frank devient le symbole du sort réservé aux juifs d'Europe, et son récit marque la mémoire collective.
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https://drive.google.com/file/d/11PuWLOywOs40YCHgtS_vfqqxs1JKltkD/view?usp=sharing |
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https://drive.google.com/file/d/14lxzjTkeqSVKoSIBnKY3_u90aTcy-X3t/view?usp=sharing |
Toujours en 1947 : « Si c'est un homme » de Primo Levi. Il décrit le processus de déshumanisation des prisonniers dans les camps, et évoque la culpabilité des survivants. Lire avec les élèves les chapitres 6, 8, 9. Ouvrage de référence de la littérature concentrationnaire.
https://drive.google.com/drive/folders/1lASK_ZqxePVuVax9_77bXe1LdUc34kuo?usp=sharing |
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Les livres d'Anne Frank et de Primo Levi ne connaîtront qu'un succès limité à leur sortie en 1947. C'est seulement au début des années 60 que ces ouvrages trouveront un très large lectorat.
II) Le réveil littéraire et cinématographique
1) L'amnésie avant le retour du refoulé
Dans les années 1948-1955, les récits littéraires se tarissent faute de lecteurs et de témoignages. Le vécu du survivant n'est pas tant indicible qu'inaudible.
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En 1949, Jean Cayrol (déporté à Mauthausen) dans « D'un romanesque concentrationnaire » forge le néologisme d'une littérature « lazaréenne ». Lazare, ressuscité par Jésus, revenu du monde des morts comme Ulysse, comme Orphée. La littérature concentrationnaire est autobiographique, parole de la victime des camps. Témoin direct. Seul le survivant est légitime à témoigner comme Primo Lévi, Robert Antelme, Anne Franck. Rejet d'une fictionnalisation des camps. Rejet d'une romantisation de la Shoah. Refus de la mise en scène, de la composition. Valorisation de l'écrit-témoignage. Qu'on ne fasse pas « style » avec un tel sujet. Romancer le camp, c'est le « désamorcer », l'appauvrir, le ré-humaniser, c'est trahir la mémoire de ceux qui l'ont vécu. Cayrol dénie donc à quiconque le droit de fictionnaliser l'expérience concentrationnaire. Pour Cayrol, pour Lanzmann également, seul le témoin, la victime, est autorisé à parler. Pour Cayrol, c'est une insulte que d'oser faire du camp de concentration « une image, une fiction, une fable ».
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En 1952, contre l'interdit de Cayrol, Robert Merle (qui n'a pas connu la déportation) publie « La mort est mon métier ». Scandale. Le roman donne la voix à un bourreau des camps à travers son « héros »: Rudolf Lang. « Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'état. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux. » (p. 11, préface de « La mort est mon métier »). Donner la voix et le point de vue d'un criminel nazi. Merle se heurte l'interdit de la fictionnalisation des camps. On reprochera à Merle de n'avoir, de l'univers concentrationnaire, qu'une connaissance indirecte, livresque, historique.
Contre l'interdit de la fictionnalisation de la Shoah, Merle fait le choix d'une narration homodiégétique (le narrateur est aussi un personnage de l'histoire qu'il raconte). Apparition de la parole du nazi, d'un narrateur mais qui est un monstre psychorigide, sans empathie, glacial. Le narrateur. Aucun sentiment, ni de remords, ni de culpabilité. Le plus froid des monstres froids. Le meurtrier méticuleux, le « monstre » nazi qu'est Lang glace d'effroi le lecteur. Le roman se clôt par la condamnation à mort du narrateur par le tribunal de Nuremberg.
Résumé du livre: |
Rudolf Lang, issu d'une famille modeste. Père autoritaire qui le destine à la prêtrise. Rudolf rêve d'intégrer l'armée allemande. Il adhère au parti nazi dont il gravit peu à peu les échelons hiérarchiques. Himmler le charge de régler le problème Juif en Europe (la Solution Finale) et le nomme à Auschwitz en Pologne. L'histoire de Merle s'inspire de celle de Rudolf Hoess qui sera condamné à Nuremberg. Au fur et à mesure du développement du camp, Himmler lui demande de supprimer 500000 "unités" par an. Lang va s'attacher à cette mission : tuer le plus grand nombre de Juifs et brûler le plus rapidement possible les cadavres. Il fait construire des fausses douches, des fours crématoires et développe l'utilisation des gaz asphyxiants. Après la défaite et la chute d'Hitler, Lang est condamné à mort par pendaison. Le roman s'achève à la lecture de sa condamnation. Durant son procès, Lang se justifiera en disant avoir seulement suivi les ordres de ses supérieurs hiérarchiques. |
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En 1956, « Nuit et Brouillard » d'Alain Resnais, premier film français évoquant le système concentrationnaire fasciste, choque par son réalisme, sa violence : des bulldozers poussent les cadavres dans des fosses, des montagnes de cheveux et d'objets personnels des victimes témoignent de l'extermination. Documentaire qui montre les conséquences des dispositions dites « Nuit et brouillard » en 1941. L'extermination des juifs a été planifiée de manière rationnelle, froide, technique. Le texte du documentaire est écrit par Jean Cayrol (lui-même ancien déporté) qui évoque la torture, la violence, l'humiliation, l'extermination subies par les déportés. Le film sera critiqué en ce qu'il distingue mal les « camps de concentration » et les « camps d'extermination ».
"Nuit et Brouillard" d'Alain Resnais: Quels ont été son intérêt et son rôle dans la construction de la mémoire du génocide ? |
https://drive.google.com/file/d/15e58bv6vBdzqmRg9nYEN-gA0BWf89cDx/view?usp=sharing |
2) Le réveil mémoriel
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Le procès et la condamnation à mort d'Eichmann, en 1961, libère la parole. Ainsi, Léon Uris écrit Exodus (1961), adapté au cinéma la même année, et Primo Levi sort La Trêve (1963), récit de son retour en Italie après sa déportation. « Si c'est un homme » est réédité et connaît un succès mondial. Idem La Nuit, d'Elie Wiesel.
Résumé de « La Nuit » d'Elie Wiesel (ƚ 2016): |
Récit autobiographique de la déportation à Auschwitz puis à Buchenwald d'Elie Wiesel alors âgé de 15 ans. Sa mère et sa sœur sont envoyées directement dans la chambre à gaz. Son père, Sholmo, et lui-même sont sélectionnés pour travailler dans le camp. En janvier 1945, devant l'approche de l'armée rouge, le camp est évacué, au cours de ce qui sera connu comme les marches de la mort. Sholmo ne survit pas. Elie culpabilise de ne pas avoir pu protéger son père et perd la foi. Le 11 avril, le camp de Buchenwald est libéré par l'armée américaine.
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En 1977, la série télévisée américaine Holocaust, réalisée par Marvin Chomsky avec Meryl Streep, connaît un large succès populaire. Une vaste politique mémorielle qui se concrétise grâce au succès de cette série. Le génocide juif entre dans la mémoire collective. Malgré un succès considérable, elle suscite les critiques des rescapés. Pour C. Lanzmann, on le sait, la fiction de la Shoah est un crime. Il critiquera violemment la série Holocaust. Elle est diffusée en France en 1979, pendant le procès de Cologne, afin de répondre aux premiers propos négationnistes.
Négationnisme |
Les « assassins de la mémoire » : Terme qui désigne un courant idéologique, né dans les années 1970, et qui persiste à nier l'existence des chambres à gaz et la réalité de la « solution finale ». Les pseudo-historiens qui s'en réclament se définissent eux-mêmes comme des révisionnistes (terme qui désigne les partisans d'une autre interprétation de l'Histoire), alors qu'ils ne sont en fait que des falsificateurs puisqu'ils déforment ou refusent de prendre en compte les nombreuses sources historiques existantes. |
III) La Shoah : un sujet enfin universel
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En 1985 sort le film Shoah, de Claude Lanzmann. Ce documentaire de plus de 9 heures est constitué de témoignages de victimes, des survivants, des Sonderkommando, de bourreaux (filmés à leur insu) et de simples villageois témoins du génocide. Sans image d'archives, il cherche à raconter l'histoire du génocide juif par le biais de témoignages inédits. Parce qu'il n'existe pas d'images de l'extermination, Lanzmann refuse toute « reconstitution ». Le documentaire raconte le déroulement de l'extermination : sélection au travail, épouillage, coupe des cheveux, déshabillage, salles de douche, jusqu'à l'évacuation des corps, d'abord ensevelis, puis brûlés dans les crématoriums.
Témoignage d'Abraham Bomba, coiffeur à Treblinka (Pologne) : |
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Claude Lanzmann retrace la vie terrifiante dans les camps d'extermination Archive INA : |
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Sur l'affiche du film, le conducteur de la locomotive qui acheminait les Juifs vers les camps d'Auschwitz et de Treblinka. Le film révèle aussi l'ampleur de l'entreprise d'extermination menée par les nazis et sa « rationalisation » en une gigantesque machine à tuer parfaitement organisée. Industrie de la mort. Machine à broyer de l'humain. Répondre au « comment » plutôt qu'au « pourquoi » de la Solution finale. Parler de la mort de millions de personnes sans montrer aucun cadavre. Ce refus catégorique de la fiction, que défend C. Lanzmann, doit se comprendre comme une éthique. Le réalisateur conçoit en effet son film comme un devoir de mémoire et de fidélité, qui exige de donner à entendre et à voir la Shoah de manière particulière.
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Entre 1985 et 2000, très nombreux films consacrés à la Shoah, dont La Liste de Schindler (1993). Claude Lanzmann s'oppose violemment à Steven Spielberg dont le film connaît un succès considérable : « la fiction est une transgression, il y a un interdit de la représentation de la Shoah » écrit-il en 1994 dans Le Monde.
En 1994, Georg Semprun (« L'écriture ou la vie ») réhabilite la littérature fictionnelle afin d'entretenir la mémoire du génocide. La disparition des derniers témoins directs autorise le rôle de la fiction à entretenir la mémoire de l'Holocauste.
La Vie est belle (1997) = (Grand Prix du Jury à Cannes en 1998). Présenter la Shoah sous forme de fiction humoristique. Vraie prise de risque artistique. Titre provocateur. Histoire d'amour entre un père, Guido, et son fils, Giosué. Fable sur la Solution Finale. Déporté dans l'enfer des camps, Guido décide de cacher la vérité à son fils. Il lui fait croire que ce camp n'est qu'un jeu de groupe avec ses règles et ses arbitres (les kapos) dont le but serait de gagner un char d'assaut ; il réinterprète pour lui les conditions de vie. La gravité est contrebalancée par le rire, l'horreur par l'absurde et la barbarie par le comique. Le spectateur n'est pas dupe et perçoit immédiatement la dureté et l'inhumanité du camp. C'est de ce décalage systématique entre les conditions de vie dans ce lieu de mort et leur interprétation rassurante que naît l'humour noir. Le film recevra un accueil triomphal du public.
Critiques du film de Benigni : présenter « une histoire dédramatisée » de la Shoah crée un sentiment de malaise. La mise en danger de la mémoire constitue le principal argument pour rejeter une œuvre de fiction sur le génocide juif. Instrumentalisation de la Shoah à des fins de comédie. Claude Lanzmann estime que Roberto Benigni ne sait pas ce qu'il fait. Pour lui, il est impossible de faire une fiction sur la Shoah au risque de s'exposer à une dangereuse banalisation du Mal. Travestissement de la réalité, transgression d'un tabou par la réalisation d'une fiction humoristique – les accusations ne manquent pas pour faire de La Vie est belle un film criminel ! Certains iront jusqu'à parler de révisionnisme, de sacrilège mémoriel. On a même reproché au réalisateur des invraisemblances historiques, notamment le fait que les enfants étaient séparés des parents dans les camps.
Qu'est-ce que le révisionnisme ? (Larousse) |
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9visionnisme/69137 |
Contre ces critiques = le rire est la meilleure arme contre le mal : "Je respecte les silences sur l'Holocauste. Je comprends très bien que je puisse choquer les survivants. Mon père a été dans les camps de travail pendant la Seconde Guerre mondiale. Il ne pouvait pas m'en raconter les détails sans pleurer. Le jour où il a su en rire, il n'a plus fait de cauchemars. Lorsqu'on l'interrogeait sur la mort, il en parlait toujours de façon comique." Rire pour ne pas mourir. Pour lutter contre l'oubli et la mort des témoins directs, la fiction paraît nécessaire. La réalité est transfigurée, mais jamais niée. L'arrestation et la déportation sont évoquées dans toute leur horreur : brutalité des SS, promiscuité, absence d'hygiène, de nourriture et d'eau, etc.
Répondant aux accusations de négationnisme, Benigni répond : « Je ne conteste à aucun moment l'existence des camps de concentration, bien au contraire. On m'a reproché de montrer un gamin sauvé de la chambre à gaz, ce qui était quasi impossible. Est-ce parce que je choisis d'en sauver un que je nie l'épouvante de l'Holocauste ? Y a-t-il une échelle dans l'horreur ? Je ne sais pas, mais avec "La vie est belle", j'étais à mon niveau maximal de tragique. »
Le film de Benigni n'est pas un film historique encore moins révisionniste ou négationniste. Ne pas montrer l'horreur des camps, c'est la laisser incommensurable : « Il n'y a rien de plus puissant et de plus terrible que d'évoquer la terreur. Comme dit Edgar Allan Poe, si, parvenu au bord du précipice, on ne regarde pas, l'horreur est incommensurable. Si on la montre, elle devient telle qu'on la montre. D'après ce que j'ai lu, vu et ressenti dans les témoignages des déportés, je me suis rendu compte que rien ne pouvait approcher la réalité de ce qui s'est passé. »
Analyse et critique du film « La vie est belle » : |
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Encore beaucoup de films après l'an 2000 : Le Pianiste (2002) ou La Rafle (2009). Le film hongrois Le Fils de Saul (2015), qui met en scène le quotidien d'un sonderkommando, obtient le Grand Prix du festival de Cannes. Le sujet devient universel. La Shoah imprègne la mémoire collective. Le « Plus jamais ça » gagne les consciences.
Les Bienveillantes, roman de Jonathan Littell = Prix Goncourt et le Grand Prix du roman de l'Académie française 2006. Récit du génocide des Juifs et Tziganes du point de vue d'un officier SS, Maximilien Aue <= Héros abusé dans son enfance, névrosé, homosexuel, sexualité perverse.
Les reproches faits à Robert Merle sont également ceux adressés à Jonathan Littell. Le narrateur du livre, un criminel de guerre nazi, justifie ses crimes en les rationalisant et en les relativisant. Le lecteur est appelé à fraterniser avec le bourreau SS. Charlotte Lacoste, critique de Litell, parlera même d'une « procès en réhabilitation du bourreau » dont on cherche à « redorer le blason », qui ouvre une « ère du nazisme décomplexée »
Pour défendre Littell, on pourra dire qu'il nous aide à comprendre que « le bourreau n'est pas quelqu'un qui vient de l'au-delà. Mais d'ici. » (Élie Wiesel). Il est commode de tenir les SS pour des « monstres », des barbares, des inhumains <= Modalité du déni. La littérature concentrationnaire ne raconte pas ce que des monstres ont fait à des hommes mais ce que des hommes ont fait à des hommes. L' « inhumanité » du bourreau est humaine et c'est cela qui nous interroge et nous dérange.
Conclusion : Est-il encore possible de faire de la poésie après Auschwitz ? (Adorno)
Lien à lire avec les élèves :
SOURCES :
https://www.annabac.com/revision-bac/le-genocide-dans-la-litterature-et-le-cinema
https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2002-1-page-38.htm
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