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Le discours d’Alexandrie de Gamal Abdel Nasser (27 juillet 1956)

Le discours d’Alexandrie de Gamal Abdel Nasser (27 juillet 1956)

La pauvreté n'est pas une honte, mais c’est l’exploitation des peuples qui l’est. Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l’Égypte. La compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120 000 Égyptiens, qui ont trouvé la mort durant l’exécution des travaux. Nous irons de l’avant pour détruire une fois pour toutes les traces de l’occupation et de l'exploitation. Après cent ans chacun a retrouvé ses droits, et aujourd’hui nous construisons notre édifice en démolissant un État qui vivait à l’intérieur de notre État ; le canal de Suez pour l’intérêt de l’Égypte et non pour l'exploitation. Nous veillerons aux droits de chacun. La nationalisation du canal de Suez est devenue un fait accompli ; nos fonds nous reviennent, et nous avons 35 millions de livres en actions. En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet, le même jour nous nationalisons la Compagnie du canal de Suez. Nous réalisons ainsi une partie de nos aspirations et nous commençons la construction d’un pays sain et fort. Aucune souveraineté n’existera en Égypte à part celle du peuple d’Égypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l’industrialisation, et un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. Nous réaliserons, en outre, une grande partie de nos aspirations et construirons effectivement ce pays, car il n’existe plus pour nous quelqu’un qui se mêle de nos affaires. Nous sommes aujourd’hui libres et indépendants. Aujourd'hui, ce seront les Égyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du canal, qui prendront consignation de ses différentes installations et dirigeront la navigation dans le canal, c’est-à-dire dans la terre d'Égypte.

Journal d’Égypte, 27 juillet 1956

Établissez la chronologie du contexte historique dans lequel s’inscrit ce texte. Quelles ont été les implications de ce discours à court, à moyen et à long terme ?

Chronologie.

Octobre 1951 : L’Égypte abroge le traité anglo-égyptien de 1936 et exige l’évacuation complète de son territoire. 26 juillet 1952: Abdication du roi Farouk et prise du pouvoir par les Officiers libres. Février 1954 : Nasser au pouvoir. Octobre 1954: Le Royaume-Uni accepte d’évacuer la zone du canal de Suez (évacuation achevée le 18 juin 1956). Avril 1955 : Nasser à la conférence de Bandoeng. 19 juillet 1956: Les États-Unis et le Royaume-Uni refusent d’aider l’Égypte à construire le barrage d’Assouan. 29 octobre-5 novembre 1956: Opérations militaires menées par Israël, la France et le Royaume-Uni. Échec, sous la pression américano-soviétique. Cette chronologie est complexe. Elle permet pourtant d’apprécier les implications du discours d’Alexandrie. A court terme, il s’agit d’une riposte au refus anglo-américain de financer la construction du barrage d’Assouan, symbole de la renaissance égyptienne. Par ce discours, Nasser défie le Royaume-Uni, l’ancienne puissance colonisatrice et son alliée, la France, qui détenait une part des actions de la Compagnie du canal de Suez. Cette décision est sans nul doute la cause immédiate du déclenchement de la crise de Suez d’octobre-novembre 1956. A moyen et à long terme, ce discours est tout aussi important. Nasser y affirme son souci de rendre à l’Égypte sa dignité, par des mesures symboliques (les pilotes égyptiens dans les eaux du canal) et économiques, car Nasser veut rendre à l’Égypte son indépendance économique face aux spoliations étrangères. Il se montre ainsi plus hardi que les participants de la conférence de Bandoeng, qui avaient défini sur des bases essentiellement politiques les principes devant régir les relations entre les États. Nasser élargit à l’économie le champ d’application de ces principes en prenant le premier une mesure de nationalisation qui inspirera de nombreux chefs d’État, dont le colonel Kadhafi qui fit de même en 1971 pour le pétrole de Libye. C’est dans l’utilisation de l’arme économique que se situe le caractère novateur du texte.

 

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