Le devoir chez Kant
Dans la Critique de la raison pratique, Kant analyse les conditions de la moralité. Si l'homme, comme être faisant partie de la nature, peut être déterminé par ses penchants, ses inclinations, il se distingue cependant des autres créatures par la possibilité de se fixer à lui-même un devoir, grâce à la raison, devoir auquel il pourra librement obéir.
Problématique
Les caractéristiques du devoir moral marquent bien la condition particulière de l'homme dans le monde, il n'a rien d'agréable, et cependant nous lui obéissons, quelquefois contre nos intérêts. L'origine du devoir, qui manifeste la dignité de l'homme, c'est sa liberté, son pouvoir de dépasser les influences de la nature. L'instrument et la source de ce pouvoir est la raison, qui nous dicte ses exigences.
Enjeux
Par la raison et la liberté, l'homme occupe une place particulière dans le monde. L'expérience universelle du devoir, que tous les hommes connaissent d'une façon ou d'une autre, est la marque de cette originalité.
Le devoir
Devoir ! nom sublime et grand, toi qui ne renfermes rien en toi d'agréable, rien qui implique insinuation, mais qui réclames la soumission, qui cependant ne menaces de rien de ce qui éveille dans l'âme une aversion naturelle et épouvante, pour mettre en mouvement la volonté, mais poses simplement une loi qui trouve d'elle-même accès dans l'âme et qui cependant gagne elle-même, malgré nous, la vénération (sinon toujours l'obéissance), devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiqu'ils agissent contre elle en secret ; quelle origine est digne de toi, et où trouverait-on la racine de ta noble tige, qui repousse fièrement toute parenté avec les penchants, racine dont il faut faire dériver, comme de son origine, la condition indispensable de la seule valeur que les hommes peuvent se donner à eux-mêmes ? Ce ne peut être rien de moins que ce qui élève l'homme au-dessus de lui-même (comme partie du monde sensible), ce qui le lie à un ordre de choses que l'entendement seul peut concevoir et qui en même temps commande à tout le monde sensible et avec lui à l'existence, qui peut être déterminée empiriquement, de l'homme dans le temps, à l'ensemble de toutes les fins qui est uniquement conforme à ces lois pratiques et inconditionnées comme la loi morale. Ce n'est pas autre chose que la personnalité, c'est-à-dire la liberté et l'indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière, considérée cependant en même temps comme un pouvoir d'un être qui est soumis à des lois spéciales, c'est-à-dire aux lois pures pratiques données par sa propre raison, de sorte que la personne, comme appartenant au monde sensible, est soumise à sa propre personnalité, en tant qu'elle appartient en même temps au monde intelligible. Il n'y a donc pas à s'étonner que l'homme, appartenant à deux mondes, ne doive considérer son propre être, relativement à sa seconde et à sa plus haute détermination, qu'avec vénération, et les lois auxquelles il est en ce cas soumis, qu'avec le plus grand respect. [...] Pour cette raison, toute volonté, même la volonté propre à chaque personne, dirigée sur la personne elle-même, est astreinte à la condition de l'accord avec l'autonomie de l'être raisonnable, [...] par conséquent à ne jamais employer le sujet simplement comme moyen, mais conjointement avec elle-même comme fin.
- soumission : fait de se soumettre, d'accepter d'obéir à un commandement. C'est cependant à soi-même que l'on obéit, avec le devoir, puisque c'est notre propre raison qui nous commande.
- penchants : les désirs, les inclinations, peuvent s'opposer passivement ou activement au devoir. Ils peuvent quelquefois être victorieux, mais si nous nous référons au devoir, ils agissent alors malgré nous.
- fins : les buts que nous fixe la raison, sur un plan à la fois individuel et collectif. personnalité : ce qui caractérise l'homme en propre, ce qui résulte en lui des exigences de la moralité.
- lois pratiques : les lois de la moralité. S'opposent ici aux ois de la nature, connues par l'entendement, mais qui n'interfèrent pas avec la moralité, toujours de ce fait "inconditionnée".
- monde intelligible : le monde qui échappe aux règles du déterminisme naturel, et qui n'est de ce fait accessible qu'à, la raison. Il n'y a pas de connaissance métaphysique de ce monde intelligible, si ce n'est pour nous le sentiment d'en faire partie, par expérience de la liberté de notre volonté.
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