Le Cardinal d’Espagne d'Henry de MONTHERLANT
Le Cardinal d’Espagne d'Henry de MONTHERLANT, 1960, Folio.
• Dans cette pièce en trois actes et en prose, Montherlant reprend un thème fréquent dans son œuvre (cf. La Reine morte, Le Maître de Santiago), celui du conflit entre le goût du pouvoir et l'aspiration au dépouillement, entre le sens du service et le sentiment du néant. • Le héros est le cardinal Cisnéros, devenu régent d’Espagne pendant l’enfance du futur Charles Quint, du fait de l’incapacité de sa mère, la reine Jeanne la Folle, fille du roi Ferdinand V et veuve de Philippe le Beau. Au premier acte, en 1517, le cardinal s'apprête à remettre l'Espagne au jeune roi Charles. Il apparaît dans toute son autorité, persuadé, à quatre-vingt-deux ans, qu’il sert Dieu en servant l’État, indifférent aux haines que suscite son despotisme, particulièrement dur avec son petit-neveu Cardona, capitaine de sa garde, qui désire se retirer de la cour, et cabré quand celui-ci lui reproche d’avoir, à son âge, un tel goût du pouvoir : A quoi bon étreindre d’une main si ferme, puisque la main d’un moment à l’autre va s’ouvrir? (I,7). Il est encore, selon la comparaison de l’auteur, levantado, la tête levée, comme le taureau dans le premier tiers de la corrida. Au deuxième acte, Cisnéros est parado, arrêté, par la reine Jeanne lorsqu’il vient la préparer à recevoir son fils. La reine, qui vit cloîtrée depuis son veuvage, anéantit l’assurance du cardinal et lui révèle qu’il a perdu son âme pour une cause vaine (II, 3). Au troisième acte, on le retrouve aplomado, alourdi. Il se déclare lui-même transpercé : La reine m’a mis devant ma part la plus profonde, celle que je n'ose regarder... Cet examen détruit ses forces, et le conduit à un malaise que ses ennemis prennent pour l’approche de la mort (III, 2-3). Le cardinal se domine pourtant et reprend son rôle de maître, car il veut vivre pour rencontrer le roi avant de mourir. Arrive alors une lettre du roi qui lui signifie sa disgrâce. Il tombe foudroyé, en présence de Cardona, qui juge qu’il était bien comme les autres, et d’un courtisan qui conclut sur la vanité de tout : Un jour on ne le jugera même plus. • On considère généralement que cette pièce, par sa forme dépouillée, constitue un modèle de tragédie moderne.