Databac

LAOGAI

LAOGAI

Laogai est la contraction de deux mots chinois, laodong gaizao, qui signifient « réforme par le travail ». Considéré par certains comme l’équivalent chinois du Goulag, le Laogai est un système de répression et d’enfermement qui fut conçu et mis progressivement au point par le Parti communiste chinois (PCC) dès la fin des années 1930. L’originalité du Laogai par rapport au Goulag réside dans l’intense travail de propagande exercé à l’encontre des détenus, qui sont censés devenir des hommes nouveaux par le biais de l’étude, de la critique et de l’autocritique, ainsi que du travail forcé. L’absence de transparence du système carcéral chinois rend difficile l’évaluation de l’ampleur de la répression. Selon le dissident Harry Wu (1937-), qui a subi dix-neuf ans de Laogai pour avoir été considéré comme « droitier » durant le mouvement des Cent Fleurs, un total de 50 millions de Chinois auraient effectué un séjour au Laogai entre 1949 et 1999 et une vingtaine de millions de personnes y seraient mortes. Ces chiffres sont contestés par les spécialistes occidentaux qui les révisent à la baisse, mais estiment qu’il restait entre trois et six millions de Chinois au Laogai à la fin du xxe siècle.

Placé sous la double direction des ministères de la Justice et de la Sécurité publique, le Laogai a accueilli différents types de prisonniers en un demi-siècle. La terreur instaurée au début des années 1950 pour installer le pouvoir a surtout visé les « ennemis historiques » : anciens membres du Guomindang, propriétaires terriens, capitalistes et toutes personnes soupçonnées de vouloir restaurer l’ancien système. Durant la Révolution culturelle, le crime politique est devenu l’offense majeure et a provoqué un afflux de « contre-révolutionnaires » dans les camps. À partir de 1978, avec la mise en place des réformes économiques par l’équipe de Deng Xiaoping, la majorité des prisonniers politiques ont été libérés. En 1994, une nouvelle loi sur les prisons a visé à améliorer le traitement des prisonniers par leurs gardiens. Il semble que cette loi n’ait entraîné que quelques modifications cosmétiques. À compter de 1997, le concept de « contre-révolutionnaire » a commencé à disparaître au profit d’une notion jugée plus acceptable aux yeux de la communauté internationale, qui est celle de « mise en danger de la sécurité de l’État ». De même, le terme de jianyu, prison, a tendu à se substituer progressivement à celui de Laogai, trop négativement connoté. Il restait officiellement plus de 2 000 prisonniers politiques incarcérés en 1999. Ces chiffres sont toutefois également invérifiables car il faut ajouter aux camps de Laogai les établissements de laojiao (« rééducation par le travail »), qui abriteraient quelque 250 000 prisonniers. Alors que les peines de Laogai sont prononcées par un tribunal et font l’objet d’un procès, celles du laojiao sont des peines administratives qui peuvent être arbitrairement prononcées dans n’importe quel commissariat de police. Ces peines ne doivent théoriquement pas excéder trois ans d’incarcération.

Les camps de travail sont répartis sur l’ensemble du territoire chinois. Les plus importants se trouvent sur la ceinture nord-nord-ouest de la Chine, au Qinghai, au Xinjiang et en Mongolie-Intérieure. Mais on trouve également d’importantes usines ou « fermes d’État » qui se doublent de camps de Laogai dans toutes les provinces du pays. On sait maintenant que les productions de thé au Zhejiang, de machines-outils et objets de consommation courante dans les grandes villes de Shanghai, Pékin et Tianjin, de fleurs artificielles dans la province du Guangdong, sont en partie issues du Laogai et destinées à l’exportation. Le dissident Harry Wu a aussi dénoncé le commerce des transplantations d’organes recueillis sur des condamnés à mort venant d’être exécutés. Au tournant du siècle, la Chine exécuterait en moyenne 1 500 à 2 000 personnes par an.