langue/discours
langue/discours
Langue : ensemble des signes qui permettent de communiquer. Discours : message construit. Commentaire Dans l'opposition langue/discours empruntée à la linguistique, la langue est la matière première du discours. Banque de données inépuisable, elle permet à un individu de produire une infinité de discours pour communiquer. Citations Le discours implique d’abord la participation du sujet à son langage à travers la parole de l’individu. Utilisant la structure anonyme de la langue, le sujet se forme et se transforme dans le discours qu’il communique à l’autre. La langue commune à tous devient, dans le discours, le véhicule d’un message unique [...]. (Julia Kristeva, le Langage, cet inconnu.}
« Chien méchant » est agressif, « Chien dangereux » est philanthropique ; « Chien de garde » est apparemment objectif. Autrement dit encore, à travers un même message, nous lisons trois choix, trois engagements, trois mentalités, ou, si l'on préfère, trois imaginaires, trois alibis de la propriété ; par le langage de sa pancarte — par ce que j'appellerai son discours, puisque la langue est la même dans les trois cas —, le propriétaire de la villa s'abrite et se rassure derrière une certaine représentation, et je dirai presque un certain système de la propriété : ici sauvage (le chien, c'est-à-dire, bien sûr, le propriétaire, est méchant), là protecteur (le chien est dangereux, la villa est armée), là enfin légitime (le chien garde la propriété, c'est un droit légal). [Roland Barthes, Essais critiques, IV, « la Guerre des langages ».]
Discours. En un sens très large, le mot désigne un ensemble organisé de phrases qui constituent un tout cohérent. C’est en ce sens que l’on parle d’analyse du discours. Discours est alors synonyme de texte. Mais discours est susceptible d’autres sens particuliers. Dans une tradition qui remonte à la rhétorique, le discours est un ensemble de phrases prononcé, et il a donc à voir avec l’oral. Un discours a pour but de persuader, et se range dans les trois genres judiciaire, délibératif ou épidictique. On peut citer comme types de discours la harangue, le sermon, l’homélie, la proclamation, le réquisitoire, etc. Selon les préceptes de la rhétorique dans la partie de la disposition, un discours comprend plusieurs parties. A l'exorde, début du discours, succèdent la narration, ou exposé des faits, la confirmation, qui constitue la partie centrale du discours et expose les arguments pour et contre (il s’agit alors de la réfutation) et la péroraison, conclusion du discours, qui doit le résumer et émouvoir l’auditoire. En un autre sens, certains linguistes à la suite de E. Benveniste opposent le discours marqué par la première et la deuxième personnes, c’est-à-dire les personnes du dialogue, le présent, le passé composé et le futur, à l’histoire, marquée par la troisième personne et le passé simple. La différence est d’ordre énonciatif, le discours, et non l’histoire, impliquant directement la deixis. Enfin, en narratologie, lorsqu’on analyse la texture du roman, on distingue souvent le récit ou diégèse, la description, et le discours qui désigne les paroles et les pensées des personnages.
Discours rapporté. Représentation dans un énoncé d’une parole à mettre sur le compte d’une énonciation différente de celle qui gouverne l’énoncé global. Cette parole peut être la parole intérieure par laquelle on transcrit souvent la pensée. Le discours rapporté est très fréquent dans le roman, mais se rencontre également au théâtre lorsqu’un personnage rapporte les paroles ou les pensées d’un autre, absent de la scène. Le discours rapporté connaît trois modes : le discours (ou style) direct, le discours (ou style) indirect, et le discours (ou style) indirect libre. Le discours direct propose la représentation fidèle (ou supposée telle) des paroles de l’autre énonciateur :
Il demanda son fils, et le prit dans ses bras : « Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes, J’ignore quel succès le sort garde à mes armes; Je te laisse mon fils pour gage de ma foi. » (Racine, Andromaque) Cet autre énonciateur peut être identique au premier, dans une autre énonciation : Et sur le pont des Reviens-t-en Si jamais revient cette femme Je lui dirai Je suis content (Apollinaire, La Chanson du Mal-Aimé) Ce discours rapporté suppose un changement d’énonciateur, et c’est par rapport à ce nouvel énonciateur que, pour ces paroles rapportées, se définissent jeu des pronoms et des temps. S’il rompt ainsi la narration principale, il permet de dégager la responsabilité du narrateur, qui s’efface devant cette parole seconde, et peut offrir expressivité et vivacité : — Allons, adieu ! soupira-t-il. Elle releva sa tête d’un mouvement brusque : — Oui, adieu..., partez ! Ils s’avancèrent l’un vers l’autre; il tendit la main, elle hésita. — A l’anglaise donc, fit-elle, abandonnant la sienne, tout en s’efforçant de rire. (Flaubert, Madame Bovary) Le discours indirect laisse cette parole sous la responsabilité du narrateur, grâce à la subordination. Il n’y a donc pas de changement du repère énonciatif, ce qui préserve l’unité de ton, et permet l’analyse et l’interprétation des paroles. Mais plus que pour représenter des paroles, il est utilisé pour représenter la pensée : Et pourtant j’ai pensé depuis que si M. Vinteuil avait pu assister à cette scène, il n’eût peut-être pas encore perdu sa foi dans le bon cœur de sa fille [...] (Proust, Du Côté de chez Swann). Il n’a cependant pas l’expressivité du discours direct, et ne peut tout représenter (apostrophes, interjections, phrases sans verbe...) Le discours indirect libre tient des deux types précédents, puisque, bien qu’il ne propose pas de subordination et puisse avoir l’expressivité du discours direct, il connaît le changement de repère énonciatif du discours indirect. Peu développé avant le xviiie siècle, encore que La Fontaine en fasse un usage fréquent, il est en particulier employé dans le roman à partir du xixe :
Il se la figurait travaillant le soir auprès d’eux sous la lumière de la lampe; elle lui broderait des pantoufles; elle s’occuperait du ménage; elle emplirait toute la maison de sa gentillesse et de sa gaieté. (Flaubert, Madame Bovary) Il faut pourtant noter que la parole, extérieure ou intérieure, est un type d’action comme un autre susceptible d’être traduit par des termes de parole ou des termes psychologiques : approuver, blâmer, être angoissé, se réjouir, etc., qui s’insèrent directement dans le récit. On parle alors de discours narrativisé pour la parole : [...] il demandait au médecin des nouvelles de ses malades, et celui-ci le consultait sur la probabilité des honoraires. Ensuite, on causait de ce qu’il y avait dans le journal. (Flaubert, Madame Bovary) et de psycho-récit pour la pensée : Puis il s’indignait de ne penser ainsi qu’à soi, et les souffrances qu’il avait éprouvées lui semblaient ne mériter aucune pitié puisque lui-même faisait si bon marché de la vie d’Odette. (Proust, Du Côté de chez Swann)
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