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«LANCELOT»

«LANCELOT» [ou «Lancelot-Graal»]

Nom donné à un ensemble romanesque composé par un auteur inconnu au début du XIIIe siècle (entre 1215 et 1235 environ). Contrairement aux grands romans du XIIe siècle (Yvain et Perceval, chefs-d’œuvre de Chrétien de Troyes, et les Romans de Tristan, de Béroul et de Thomas), le Lancelot-Graal est en prose (considérée sans doute par l’auteur comme un outil plus précis et plus souple pour le déroulement d’un récit). Quoi qu’il en soit, le succès de cette œuvre narrative en prose sera décisif pour l’évolution ultérieure du roman : délaissant l’aspect volontiers symbolique et stylisé des personnages, le genre romanesque tend à se rapprocher désormais de la réalité, de l’observation, de l’analyse des caractères. Le « cycle » comprend, pour l’essentiel, les trois parties suivantes :

- le Lancelot propre (1215-1225 environ) ; -La Quête du Graal (1225-1230 environ) ; - La Mort du roi Arthur (1230-1235 environ).

Son thème, sans doute le plus riche et le plus haut de toute la littérature romanesque du Moyen Âge, est celui que Chrétien de Troyes avait abordé, mais sans le mener jusqu’à son terme, dans Perceval ou le Conte du Graal (vers 1182) ; le graal, dans ce Lancelot en prose est essentiellement la sainte coupe où Joseph d’Arimathie recueillit jadis le sang de Jésus crucifié. Et ici, c’est Lancelot, preux entre les preux (bien que, chez Chrétien de Troyes, il « ait affaire ailleurs ») qui se voit destiné à conquérir le calice sacré. Mais cette quête implique le renoncement total au monde et doit être l’œuvre d’un héros pur. Or, l’amour de Lancelot pour la reine Guenièvre, épouse du roi Arthur, l’a rendu indigne ; et c’est son fils, Galaad, le chaste, qui accomplira la quête du calice sacré. Quant à Lancelot et à la coupable reine Guenièvre, leur péché va entraîner la lente désagrégation et l’écroulement final de la puissance des chevaliers arthuriens. Le roi lui-même mourra, transpercé par la lance du traître Mordret. Seul au milieu de ces héros désabusés, sombres (et comme déjà conscients de l’incompréhensible châtiment collectif auquel ils sont promis), resplendit le personnage du jeune chevalier vierge, Galaad, qui traverse les pires péripéties en se jouant. C’est une des plus étranges créations de toute la littérature de fiction au Moyen Âge. L’étonnant, ici, est bien qu’il apparaisse dans le cadre de ces romans courtois qui, au siècle précèdent, inventèrent la notion de la dame et ce qu’on a appelé le culte de l’amour. Ainsi le XIIIe siècle apporte aux récits chevaleresques une orientation nouvelle : ce n’est plus l’amour seul désormais, qui sera le thème fondamental, mais le conflit entre l’amour terrestre et l’amour mystique.

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