lamaïsme
lamaïsme (du tibétain lama, qui est un titre donné aux moines de rang supérieur), religion du Tibet et de certaines régions d’Asie centrale, de Sibérie, du Sikkim et du Bhoutan, issue du bouddhisme mahayana. Le Tibet, contrée presque inaccessible des plateaux et des hautes vallées de l’Himalaya, était un pays étrange, qui était jusqu’en 1950 conservateur de ses traditions, très religieux, hostile aux étrangers, ce qui fait qu’il a gardé longtemps un complet isolement. La population, d’origine mongole, avait une religion primitive (bon po) fortement teintée de chamanisme, et d’influences iraniennes, honorant des dieux d’aspect terrible et craignant des démons qui personnifient des éléments naturels d’un pays hostile à l'homme. Ce fonds magique est toujours à la base des cultes du Tibet oriental et a imprégné en grande partie le bouddhisme tibétain dans sa forme de lamaïsme. C’est au VIIe s. que, pour la première fois, le bouddhisme fut introduit au Tibet par deux princesses, l’une népalaise, l’autre chinoise, qui épousèrent le roi Srong Tsan Gain Po, devenu légendaire. Elles apportaient avec elles des reliques, des livres, des statues et des peintures, et convertirent le roi. Des missionnaires bouddhistes les suivirent sans doute, et on construisit des temples. Le bouddhisme venu au Tibet était celui du mahayana, dont le polythéisme s'enrichit de nouveaux dieux et déesses, mais le pays, incliné vers les pratiques magiques, s’éloignait déjà du bouddhisme lorsque vint Padma-Sambhava (vers 750), qui est considéré comme le grand fondateur de la religion tibétaine. Il prêcha les nouvelles doctrines venant de l’Inde, dites «véhicule tantrique» (tantrisme), fonda des monastères et la secte des «bonnets rouges», qui attira une bonne partie de la population. Mais, peu à peu, les tenants de l’ancien culte bon po reparurent et persécutèrent les bouddhistes. Ils allaient triompher lorsqu’on 1040 le roi fit venir du Bengale un moine indien, Atiça, chargé de traduire en tibétain les livres saints du bouddhisme; d’autres missionnaires le suivirent, et des sectes naquirent. De nouveaux monastères furent bâtis, mais bientôt les vieilles pratiques magiques nécessitèrent encore de sérieuses réformes. Celles-ci furent faites cette fois par un moine tibétain, Tsong Kapa (fin du XIVe s.) qui rétablit la discipline monastique, exigeant le célibat et le port de la robe jaune, ainsi que celui du bonnet jaune, d’où le nom de «bonnets jaunes» (gelugpa), donné à la secte par opposition à celle des «bonnets rouges» (nyngmapa, «les anciens»); elle fut appelée aussi «secte vertueuse»; elle prédominait au Tibet et lui a donné sa religion officielle définitive, le lamaïsme, qui est un bouddhisme mahayana très fortement teinté de tantrisme. Ce grand réformateur que fut Tsong Kapa, qui a donné une certaine expansion au lamaïsme dans les régions environnant le Tibet, a aussi pourvu son pays d’une forme très spéciale de gouvernement qui a duré jusqu’à l’invasion chinoise de 1950, en reconnaissant pour chef à la fois spirituel et temporel le dalaï-lama, considéré comme un «bouddha vivant». Le pouvoir du dalaï-lama fut affirmé définitivement lorsque fut vaincu le dernier souverain bon po. Le cinquième dalaï-lama, Lob San Gan Po, devint le pape du lamaïsme et fit construire à Lhassa, au XVe s., la forteresse-monastère du Potala, qu’on appelait le Vatican tibétain. Le dalaï-lama, qui est actuellement réfugié en Inde, reste le chef spirituel incontesté et, pour les Tibétains non soumis, demeure encore le vrai souverain, car, depuis trois siècles, le pays s’était façonné à cette forme théocratique de gouvernement, la religion y jouant un rôle considérable. Un autre pontife ayant une grande part aux affaires de l’État est le tashi, ou panchen-lama, qui vit au grand monastère de Tashi long Po et qui est aussi considéré comme la réincarnation d’un bodhisattva. Dans les différents groupes qui ont souvent été en conflit, les grands sages, maîtres ou lama sont considérés comme étant la réincarnation d’un bodhisattva. Ils sont reconnus tout jeunes à certains signes et sont élevés et vénérés dans leurs monastères, ce sont les Tulku. Cependant, le bouddhisme tibétain est très éloigné du bouddhisme primitif. Il comprend un panthéon complexe, avec des entités métaphysiques et des divinités monstrueuses d’aspect effrayant, de caractère à la fois mystique et magique. Comme son nom l’indique, le lamaïsme est avant tout une religion monastique suivant l’enseignement primitif du Bouddha. Il y avait des villages entièrement occupés par des moines, des monastères de plus de vingt mille moines. Lhassa la ville sainte, les oratoires, les shortens, les moulins à prières invitaient partout les montagnards à la dévotion. Les monastères sont souvent des universités bouddhistes où l’on étudie la littérature sacrée, mais cela n’empêche pas que les pratiques magiques (si inhérentes à ces lieux inaccessibles et mystérieux) soient encore bien souvent d’un usage courant et s’appliquent au rituel, à la médecine et à l’expulsion des démons. C’est pourquoi des danses, des masques, des images, des objets spéciaux et des instruments de musique donnent un aspect très particulier au décor de la vie religieuse tibétaine. C’est le lamaïsme qui a créé cette forme curieuse de dévotion qu’est le moulin à prières, lequel développe en tournant des formules rituelles, incantations méritoires enroulées à l’intérieur ; les petits sont mus à la main, tandis que les grands, situés le long des chemins, sont déroulés par le vent ou l’eau. Le lamaïsme, comme le tantrisme, s’appuie sur les tantra, ou livres secrets, ésotériques, les mantra. ou formules incantatoires, et les mandata, diagrammes mystiques et symboles cosmiques. Il fait aussi une large place à la çatki, ou énergie féminine. Le salut est atteint par la pratique du culte, mais aussi par le yoga, de forme tantrique, qui cherche à trouver dans la contemplation une évocation visuelle de la divinité. Les divinités comprennent plusieurs catégories : d’abord les bouddha (dont un, primordial, Vajradhana ou Vajrasat-tva), les bodhisattva et les grands lama vénérés, ainsi que les anciens dieux du panthéon brahmanique; puis les divinités autochtones, les Tara, les grands magiciens, les démons masculins et féminins aux formes lénifiantes (Yamantaka, Hevajra, Hayagriva, Lhamo, etc.), les Dakini qui ont une grande puissance magique. L’une d’entre elles, Maria, à la fois sorcière et génie tutélaire porte un collier de crânes et un tablier fait de plaquettes d’os humains. Les Yidam, les Yogini, bien que divinités protectrices, sont d’un aspect terrible. La très abondante littérature lamaïque comprend surtout des volumes du Vinaya (droit canon) et des commentaires et interprétations d’une science ésotérique. Ils forment une très abondante littérature, le Kanjur (textes) et le Tanjur (commentaires). Toutes les divinités font l’objet d’intéressantes représentations artistiques, peintes ou sculptées. La peinture tibétaine, originale, s’exprime dans des fresques et surtout dans des bannières, ou tanka, dont l’iconographie très précise se réfère à des modèles anciens indéfiniment répétés, de même que les fresques des Temples. Tous ceux qui collaborent à ces œuvres font ainsi un acte de dévotion : tissage du coton, préparation des couleurs, dessin, etc. Tout est entouré d’un certain rite ; l’ordonnance même de la composition répond à des précisions hiérarchiques et sacrées. La sculpture représente des divinités, le plus souvent de formes violentes et dynamiques avec de nombreux bras, des têtes d’animaux, exprimant souvent un symbolisme sexuel; tout l’art tibétain est imprégné de magie ; les figures représentées doivent permettre la visualisation de la divinité. La représentation presque abstraite des mandala, s’ordonnant méthodiquement de l’extérieur au centre, doit être la base d’une méditation profonde sur l’union du microcosme et du macrocosme. Il existe au Tibet une grande variété d’objets rituels décorés, des masques et des instruments de musique de caractère éminemment religieux. Il arrive fréquemment que des os humains soient utilisés pour leur valeur magique, telles ces calottes crâniennes, en général richement ornées, qui servent de coupes à libations (kapala), ainsi que les tambours à boules fouettantes ou damraru. Le lamaïsme s’était largement répandu en Mongolie. Il subsiste dans les petits États himalayens et parmi les réfugiés tibétains.