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LACLOS (CHODERLOS DE)

LACLOS (CHODERLOS DE)
Pierre Choderlos de Laclos, général et littérateur français, né à Amiens en 1741, mort à Tarente en 1803, est secrétaire des commandements du duc d'Orléans (futur Philippe Égalité, qui votera la mort de son cousin Louis XVI). Cet érudit, aussi immoral dans ses ouvrages que spirituel dans le monde, contribue à la création de la Garde nationale. Pendant la Révolution, il suit le duc d'Orléans à Londres, puis revient à Paris comme rédacteur du Journal des Jacobins en 1791 ; arrêté en même temps que Philippe Égalité mais délivré par le 9 thermidor, il échappe à la guillotine et meurt en 1803, alors qu'il est inspecteur général d'artillerie en Italie, dans l'armée napoléonienne. Il est l'auteur de poèmes mais surtout du roman épistolaire Les Liaisons dangereuses, chef-d'œuvre d'écriture élégante et classique, de cynisme et de psychologie, dont les personnages soumettent mutuellement, jusqu'à la cruauté, leurs passions amoureuses à leur sensualité.
Romancier, né à Amiens. L’officier d’artillerie de Laclos, plus tard général aux armées de la République sous le nom de « Delaclos », auteur de poèmes prétendument galants (et en fait un peu naïfs, nous dit Roger Vailland, son biographe tout à la fois enthousiaste et lucide), également librettiste d’opéra et compilateur de plusieurs manuels de stratégie, reste à juste titre pour la postérité l’auteur d’un seul livre, Les Liaisons dangereuses (1782). Ce roman fit scandale, par le cynisme de ses « scènes d’alcôve » ; mais, aussi, par sa conclusion qui constituait un réquisitoire contre la noblesse désoeuvrée et « rouée » de son temps. Ce que disait aussi sans la moindre équivoque le sous-titre : Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres. (Par bonheur le livre n’est pas seulement précieux pour notre «instruction », et vaut par l’art du conteur:, aigu, nerveux, exempt de toutes les boursouflures sentimentales qui rendent illisibles aujourd’hui tant d’œuvres de l’époque prérévolutionnaire). Laclos, qui avait épousé Solange Duperré, sœur d’un amiral, sera pour sa part le plus fidèle des époux. Il meurt, en Italie, à Tarente, de la dysenterie qui décime l’armée française d’occupation. Depuis plus de vingt ans que ses Liaisons dangereuses étaient publiées, il n’avait pas voulu en exploiter le succès. Valmont, noble fortuné, n’a d’autre métier que de se distraire et selon la méthode alors habituelle aux « roués ». Son ancienne maîtresse, la marquise de Merteuil, une fausse dévote, inspire et dirige de loin ses activités multiples en ce domaine. Elle lui fait honte, comme d’une infraction à leur code du libertinage, d’avoir éprouvé par maladresse une certaine réaction affective du fait que sa nouvelle victime désignée, la jeune présidente de Tourvel, avait semblé ne pas vouloir se rendre. L’exigeante marquise attend de lui qu’il reprenne son sang-froid ; et qu’au plus vite il mène cette entreprise à bon port, c’est-à-dire jusqu’à la chute. Au surplus elle a déjà, toute prête, une autre proie à lui désigner : Cécile de Volanges. C’est la très jeune fiancée d’un homme qui a, naguère, abandonné la marquise, et dont elle compte se venger ; aussi Valmont devra-t-il non seulement séduire et déniaiser, mais plus encore dégrader et avilir cette jeune fille à peine sortie du couvent. Valmont, plein de zèle, exécute point par point ce double programme ; mais la trop sincère présidente de Tourvel, à peine a-t-elle cédé, sent naître une touchante affection pour son vainqueur, qui, en retour, semble s’attendrir et se prendre à son jeu. Mme de Merteuil condamne à nouveau la défaillance de son complice, le somme de rompre ; il doit, pis encore, adresser une lettre odieusement offensante à la présidente, laquelle tombe malade et ne peut survivre à ce coup. Dès lors, Valmont se révolte contre sa criminelle inspiratrice; bientôt la brouille est irrémédiable ; mais, dépitée, la marquise de Merteuil révèle au fiancé de la tendre Cécile, Danceny, le rôle ignoblement impudique qu’on a fait jouer à l’ignorance de la jeune fille. Danceny tue Valmont en duel, et’ le hasard voudra que Mme de Merteuil soit accidentellement défigurée. Cette double Moralité témoigne des intentions morales de l’auteur, lequel en outre termine son roman par une très nette mise en garde : Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ! Il semblerait, en effet, que Laclos, styliste rigoureux - mais bien plus par tempérament que par recherche -, ait écrit là un chef-d’œuvre proprement littéraire sans mesurer sa valeur sur ce point. Qu’il ait voulu d’abord « instruire » [comme il le proclame dans le sous-titre de son livre), nous pouvons en trouver la confirmation dans l’autre ouvrage (voir la bibliographie ci-après) qui l’occupa longtemps, et dont il n’était pas médiocrement fier, l’audacieux et prophétique traité De l’éducation des femmes.


LACLOS Pierre Ambroise François Choderlos de. Général et écrivain français. Né à Amiens (Somme) le 18 octobre 1741, mort à Tarente (Italie) le 5 septembre 1803. Il fut sans doute élevé dans l’une de ces académies où l’on apprenait un peu les humanités mais surtout l’équitation, la danse et les armes. Le 23 janvier 1760, il fut reçu élève du Corps Royal d’artillerie et promu sous-lieutenant l’année suivante. Le 15 janvier 1862 on l’affecta avec le grade de lieutenant à la Brigade des Colonies qui devint, à la suite du traité de Versailles, le régiment de Toul-artillerie. En 1769, il fut transféré à Grenoble où, selon Stendhal, les jeunes gens « recevaient des cadeaux de leurs maîtresses riches et, avec cet argent, s’habillaient magnifiquement et entretenaient leurs maîtresses pauvres ». C’est dans cette joyeuse ville de garnison qu’il connut les modèles des personnages de son futur roman et écrivit ses premiers poèmes dont Souvenirs et Êpître à Eglé qui parurent dans l’Almanach des muses de 1773. Il écrivit aussi des contes en vers : La Procession et Le Bon Choix. En 1775, son régiment alla cantonner à Besançon et, pour tromper l’ennui, Laclos composa les paroles de deux opéras, La Matrone et Ernestine; ce dernier fut joué aux Italiens en 1777 avec une musique du chevalier Saint-George, mais, qualifié de « chef-d’oeuvre de platitude et de mauvais goût », dut quitter presque aussitôt l’affiche. Aucune de ces deux oeuvres ne nous est parvenue. Le 30 avril 1779, Laclos fut détaché à Rochefort avec mission de surveiller la construction du fort de l’île d’Aix. Ce travail lui laissait de longues journées vides qu’il employait à la relecture de ses ouvrages préférés : La Vie de Marianne, Clarisse Harlowe, Tom Jones et La Nouvelle Héloïse. Ses loisirs et son goût pour la littérature lui donnèrent l’idée d’écrire un roman qui serait à la fois un moyen de peindre les moeurs du monde et de s’imposer dans le monde. Il y travailla de juillet 1780 à septembre 1781 puis obtint six mois de congé. Il utilisa ce congé pour mettre au point la publication de son livre auquel il venait de donner pour titre : Les Liaisons dangereuses. La première édition de l’ouvrage fut tirée à deux mille exemplaires et parut en avril 1782. Le succès fut immédiat et on dut imprimer une nouvelle édition un mois plus tard. Du vivant de Laclos, c’est-à-dire en une vingtaine d’années, cinquante éditions au moins furent vendues. Cet immense succès tint d’abord au scandale suscité par la conduite des personnages de ce roman dont tout le monde cherchait les « clefs ». Il a fallu par contre beaucoup de temps pour que le livre prenne sa vraie place au premier rang des romans français, encore que les manuels de littérature continuent soit a l’ignorer, soit à l’escamoter en quelques lignes. C’est que son pouvoir de « scandale » ou plus exactement sa force révolutionnaire dans le monde de l’intelligence et du sentiment demeure entière. Bien qu’officiellement condamné, son livre ne valut aucun ennui à Laclos qui fit dès lors figure de grand homme dans sa province et se vit élire à l’Académie de La Rochelle le 22 juin 1785. Il se mit à fréquenter le plus brillant salon de la ville, le salon Duperré, et séduisit la jeune Marie-Solange Duperré dont il eut un enfant naturel baptisé le 1er mai 1784 sous le nom d’Etienne Fargeau. En 1785, l’Académie de Châlons-sur-Marne ayant proposé comme sujet de concours : « les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes », il entreprit la composition d’un ouvrage intitulé : L'Education des femmes, mais ne l’acheva pas. Il y reprend les théories de Rousseau sur la « nature » dont il fait l’apologie et fait montre d’un moralisme étonnant chez un auteur considéré comme libertin. En 1786, l’Académie Française ayant mis au concours un éloge du maréchal de Vauban, il écrit une lettre, très révolutionnaire pour l’époque, dans laquelle il explique ce qu’un pareil éloge a d’excessif et de déplacé, puis, pour répondre à l’éloge composé par Lazare Carnot, fait paraître ses Considérations sur l'influence du génie de Vauban. Ce texte provoque la fureur du Ministre de la Guerre qui demande le renvoi de Laclos à Toul pour qu’il y apprenne la discipline militaire. Laclos, qui, le 3 mai 1786, venait d’épouser sa maîtresse Marie Duperré, arrive à Paris pour plaider sa cause et essayer de se justifier, mais le Ministre ne se laisse pas attendrir. Le bref exil qui lui était imposé fut très profitable à Laclos, car il lui permit de se lier avec le vicomte de Noailles qui l’introduisit auprès du duc d’Orléans. Le duc facilita son retour à Paris et l’engagea comme secrétaire surnuméraire de ses commandements. Cet emploi valut à Laclos de rencontrer tous les futurs grands hommes de la Révolution, de Mirabeau à Talleyrand, et lui donna une influence sans cesse grandissante sur le duc. Nommé commissaire à l’assemblée électorale des citoyens nobles de Paris, il fut dès lors l’un des principaux instigateurs de la politique de la Maison d’Orléans qui tentait d’obtenir la déchéance de Louis XVI et la régence du royaume. Il entra au club des Jacobins dont il rédigea en grande partie le Journal et en devint l’un des orateurs les plus en vue. Il était passionnément démocrate et fut le premier a lancer l’idée de l’assistance judiciaire gratuite. Le 29 août 1791, le conseil exécutif le nomma commissaire auprès de l’armée de Luckner avec mission de prévenir la défection ou la trahison possible de ce Maréchal. Il trouva l’armée dans le plus grand désordre et s’occupa de la réorganiser. On a oublié que c’est justement au travail de réorganisation de l’artillerie auquel il s’employa à ce moment que Dumouriez dut de remporter la victoire de Valmy. Après cette victoire Laclos fut promu maréchal de camp et nommé chef d'état-major de l’armée des Pyrénées, puis gouverneur général des Etablissements français de l’Inde, mais la trahison de Dumouriez lui valut d’être arrêté comme suspect, le 31 mars 1793. Il venait de proposer à l’Assemblée un boulet de son invention : le boulet creux dont la puissance d’explosion était très supérieure aux boulets employés jusqu’alors. Il fut relâché sous condition le 10 mai et chargé d’expérimenter son invention pour en mettre au point l’utilisation. Il créa dans ce but, avec Berthollet, Fabre et Bellot, un champ d’expérience au Petit-Meudon, mais fut arrêté à nouveau le 4 novembre comme ancien confident du duc d’Orléans. Le 9 thermidor le sauva et Barras le fit relâcher le 2 décembre 1794 après treize mois d’incarcération. Il présenta alors devant le Comité de Salut Public un mémoire intitulé De la guerre et de la paix où il exposait entre autres la nécessite de pousser la guerre jusqu’à ce que fussent conquises toutes nos frontières naturelles. Du traité de Bâle jusqu’au 18 brumaire, il fut Conservateur des Hypothèques. Vieilli, déçu, il rêvait d’écrire une contrepartie de son roman « pour rendre populaire cette vérité qu’il n’existe de bonheur que dans la famille ». Le sort ne lui permit heureusement pas de mener à bien ce projet. Carnot le fit réintégrer dans l’armée avec le grade de général de brigade et il fut affecté a l’armée du Rhin où, sous les ordres de Moreau, il commanda l’artillerie. Il fit ensuite partie de l’armée d'Italie et de retour à Paris après la paix de Lunéville dirigea des exercices de tir et proposa un nouvel affût. Affecté en 1803 au corps de Naples que commandait Murat, il se vit confier la défense de Tarente. Il y arriva ravagé par la fatigue et la dysenterie pour y mourir quelques jours plus tard. On a tout oublié de la carrière du général Laclos et de son rôle durant la Révolution, c’est que ses Liaisons dangereuses sont à elles seules une incomparable révolution dans l’histoire de la littérature et de l’évolution des idées et des sentiments. Au contraire de l’amour-passion qui s’exprime dans le mythe de Tristan et Yseult, Laclos invente l’amour-regard qui, débarrassé de la passion, joue le jeu de rameur. Le plaisir ne jaillit plus du transport ou de l’abandon mais du spectacle, du jeu délibéré et de la conscience de ce jeu, dont toutes les péripéties sont soigneusement réglées d’avance. Cette volonté de lucidité et de détachement qui empêche l’être de se trouver dans la situation d’objet crée un nouvel érotisme et une nouvelle conscience.
♦ « Il n'y a point d'ouvrage en effet... où le désordre des principes et des moeurs de ce qu'on appelle la bonne compagnie et de ce qu'on ne peut guère se dispenser d'appeler ainsi, soit peint avec plus de naturel, de hardiesse et d'esprit... » Grimm. ♦ « Le célèbre Laclos, que je connus vieux général d'artillerie, dans la loge de l'état-major à Milan et auquel je fis la cour à cause des Liaisons dangereuses... » Stendhal. Ce livre, s’il brûle, ne peut brûler qu’à la manière de la glace. » Baudelaire. ♦ « C'est le spectacle de ce superbe assemblage lâché à la chiasse du plaisir qui est nouveau, de l'égalité de la femme et de l’homme dans l'exercice de leurs passions. » Jean Giraudoux. ♦ « Par leurs deux personnages significatifs Les Liaisons sont une mythologie de la volonté; et leur mélange permanent de volonté et de sensualité est leur plus puissant moyen d'attraction. » André Malraux.


LACLOS, Pierre Choderlos de (Amiens, 1741-Tarente, 1803). Officier et écrivain français. Il doit sa célébrité à son roman épistolaire Les Liaisons dangereuses (1782), véritable traité du mal décrit avec la finesse d'un grand clinicien.