LABICHE Eugène
LABICHE Eugène
1815-1888
Auteur dramatique, né à Paris. Fils d’industriel, il fait son droit ; puis, bientôt, se met à écrire : un roman d’abord, que va suivre une « comédie à vaudevilles ». En quelque cent ouvrages, seul ou en collaboration avec les obscurs Martin, Gondinet, Marc-Michel (et même, à l’occasion, avec Émile Augier, le grand spécialiste du « drame bourgeois »), il va remettre à l’honneur ce genre un peu méprisé dit de la « comédie à vaudevilles » Un chapeau de paille d’Italie (1851), L'Affaire de la rue de Laurcine (1857), Le Voyage de M. Perrichon (1860), La Cagnotte (1860). Le vaudeville, création type - on le sait depuis Boileau - du « Français, né malin », est à l’origine une nouvelle série de vers sur le canevas d’une chanson connue. Quant à la « comédie entremêlée de vaudevilles », n’est-ce pas aussi une formule bien propre à l’esprit français? (Car il était fatal que la chanson chez nous s’introduise un jour ou l’autre dans la littérature, comme elle s’était introduite, et de façon déterminante, dans l’histoire.) Soulignons que le genre a ses lettres de noblesse : Marivaux, Lesage y ont sacrifié, et même Beaumarchais (Le Mariage de Figaro ne se joue plus - on se demande pourquoi - avec ses vaudevilles). Labiche au milieu du XIXe siècle renoue avec cette curieuse tradition, et, mieux encore, renouvelle le genre : en le poussant à la limite, en le délestant de tout ce qui lui restait encore de vérité, de réalisme. Non pas que notre auteur soit dénué de toute faculté d’observation, de tout « sens psychologique », au contraire (voir M. Perrichon, moins satisfait d’être sauvé que d’être sauveteur) ; mais, à partir d’un croquis aigu, noté sur le vif, il stylise, accentue le trait jusqu’à l’absurde. Il réinvente un univers, qui pour être un chef-d’œuvre de mécanique - on le lui a reproché - n’en est pas moins vivant : d’une vie affolée parfois (Un chapeau de paille d’Italie') mais parfois aussi, plus souvent, savamment réglée dans ses rythmes (La Perle de la Canebière, avec ses entrées simultanées côté cour et côté jardin des faux matelots manchots, prétendus compagnons du défunt). Cette stylisation, ces effets de symétrie dans les jeux de scène, ces courses poursuites autour d’une table pendant une soirée mondaine, ou sur une .place de Paris à trois heures du matin, confèrent à l’œuvre de Labiche un caractère véritablement chorégraphique et une vertu visuelle, qui détonnait aux nobles temps du théâtre d’idées. On admire aujourd’hui, précisément, cette invention perpétuelle, et cet art savant dans la mise en place des rythmes, des « mouvements au sol » ; car Labiche, comme l’exige l’actuel metteur en scène de théâtre, prévoit avec précision la place respective des personnages dans chaque scène, leur changement de position éventuel au cours de la même scène. Fantaisie alliée à la pire minutie, spontanéité alliée à la préméditation la plus rigoureuse, Labiche avait tout ce qu’il fallait pour séduire le public actuel. Aussi bien n’est-il pas surprenant que nous soyons redevables de sa « redécouverte » aux jeunes animateurs de théâtre du début de ce siècle (Dullin, en particulier, nourrissait une passion pour Le Misanthrope et l’Auvergnat) et à la première avant-garde du cinéma (René Clair : Le Chapeau de paille, Les Deux Timides), tandis qu’il trouvait un exégète inattendu dans un des maîtres du surréalisme, Philippe Soupault.
LABICHE Eugène Marin. Auteur dramatique français. Ne et mort à Paris (5 mai 1815-13 janvier 1888). Fils d’un riche industriel, il fit ses études secondaires au collège Bourbon, puis s’inscrivit à la Faculté de Droit. Mais, déjà attiré par la littérature, il profita d’un voyage en Italie pour envoyer a un journal parisien des petites scènes et impressions familières pleines de fantaisie, réunies sous le titre La Clef des champs, deux volumes (1838). Sa première pièce, La Cuvette d’eau, date de 1837, et son premier grand succès de l’année suivante, avec Monsieur de Coislin, vaudeville qui devait être suivi par une centaine d’autres, la plupart écrits en collaboration avec Marc-Michel, Emile Augier, Th. Barrière, Henry Monnier, Edouard Martin, etc., et qui furent joués à la Comédie-Française, au Gymnase, aux Variétés. Dans cette production abondante, figure une série de véritables chefs-d’oeuvre au genre : Embrassons-nous, Folleville (1850), Le Chapeau de paille d’Italie (1851), Le Misanthrope et l’Auvergnat (1852), L’Affaire de la rue de Lourcine (1857), Le Voyage de M. Perrichon (1860), La Poudre aux yeux (1861), La Cagnotte (1864). Ces pièces soutiennent d’ailleurs fort bien la lecture, comme suffirait à le prouver le succès obtenu en 1879 par l’édition en dix volumes du Théâtre de Labiche, avec une préface d’Emile Augier. Reçu à l’Académie française le 28 février 1880, au fauteuil de De Sacy, Labiche, l’auteur le plus gai du XIXe siècle, devait faire l’éloge solennel du plus farouche critique de la littérature moderne : il se tira de cette épreuve avec esprit. Même après Feydeau, son oeuvre reste la réalisation exemplaire du vaudeville. Si Labiche paraît moins à son aise lorsqu’il essaye, comme dans Les Deux Timides (1860), de peindre des caractères, il est inégalable chaque fois qu’il peut donner libre cours à sa vivacité naturelle. Ses pièces fourmillent de sous-entendus, d’inventions cocasses, de coups de théâtre et jamais cependant elles ne cessent de donner une parfaite impression de naturel. Rappelons que Labiche, avec Les Deux Timides et surtout Le Chapeau de paille d’Italie, a inspiré, en 1928 et 1929, deux des plus célèbres réussites du cinéaste René Clair. ♦ « Labiche n’est pas seulement un merveilleux amuseur, mais un observateur profond, un railleur qui sait toujours où va son rire. » Alphonse Daudet.