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La théorie du mouvement chez Aristote, Copernic, Galilée et Newton (Les représentations du monde)

Illustrons plus précisément cette idée par un exemple emprunté cette fois à la physique. Qu'est-ce qui conduisit Newton († 1727) à la formulation de la théorie de la gravitation universelle ( = action à distance entre 2 corps) ? La pomme que, paraît-il, il reçut sur la tête n'explique évidemment rien, mais on peut remarquer qu'ici comme souvent la légende de la science rejoint l'inductivisme en invoquant les «faits », fussent-ils imaginaires, à l'origine de la théorie. Il faut en vérité comprendre la nature des problèmes que la physique du temps de Newton pouvait se poser, et leurs présupposés théoriques. Pour ce faire, un aperçu de l'histoire des théories physiques du mouvement n'est pas inutile.


Pour l'antiquité grecque, avec Aristote, le mouvement est par nature passager, transitoire. Son essence est de finir. Ce n'est pas un état de la matière. L'univers n'est en ordre qu'à l'état de repos. Le mouvement est alors l'indice d'un désordre -soit comme la cessation de l'état naturel d'ordre (lancer une pierre en l'air - mouvement violent) - soit comme tendance à rétablir l'ordre naturel (quand la pierre retombe - mouvement naturel). Cette théorie semble, il faut le souligner, tout à fait correspondre à certaines données évidentes de l'expérience : chacun peut constater qu'aucun mouvement ne dure indéfiniment.

Critique de la physique aristotélicienne: La « physique » d’Aristote est encore toute mêlée de psychologie. La cosmologie céleste fait appel à la psychologie de l’âme bienheureuse, la physique terrestre d’Aristote s’éclaire par la psychologie de l’âme inquiète. Aristote distingue deux sortes de corps, les lourds et les légers. Les corps légers (la fumée) vont spontanément vers le haut alors que les graves (une pierre) se meuvent d’eux-mêmes vers le bas. Le haut et le bas représentent respectivement le « lieu naturel » des corps légers et des graves. Les corps inertes sont donc involontairement assimilés à des hommes qui s’efforcent de retrouver leur «chez-soi ». L’accélération de la pesanteur s’explique par le fait que le pierre « désire le bas » et presse son mouvement comme les chevaux qui, dit-on, vont plus vite lorsqu’ils «sentent l’écurie » . En langage psychanalytique, on pourrait dire qu’Aristote projette sur sa dynamique un « complexe du home », autrement dit qu’il prête aux corps inertes un goût particulier pour leur domicile pour leur domicile d’élection.


A partir du XVII ième siècle, les théories modernes du mouvement vont promouvoir celui-ci au rang de passage à celui d'état. Leur principe fondamental est le principe d'inertie, selon lequel un corps a tendance à conserver tout état nouveau qui lui est communiqué : lorsqu'un corps en mouvement s'arrête, c'est donc dû, non comme le croyait Aristote à des causes inhérentes, mais à des facteurs extérieurs, tels les frottements, la résistance de l'air, etc.

Or ce principe d'inertie va poser des problèmes nouveaux. Par exemple, comment se fait-il que la Terre tourne autour du soleil, puisque, selon ce principe d'inertie, elle devrait se mouvoir d'un mouvement rectiligne correspondant à une tangente de son orbite ? Pour Copernic qui, au XVII ième, ne connaissait pas le principe d'inertie, le problème ne se posait pas, et Copernic pouvait considérer alors, comme les Grecs, le mouvement circulaire des planètes comme un mouvement naturel et auto-explicatif. A l'époque de Newton au contraire compte tenu de l'état nouveau des théories du mouvement, ce qui n'était pas un problème cent cinquante ans plus tôt en devient un. Il faut expliquer le mouvement orbital, elliptique des planètes, qui ne s'explique plus de lui-même. La théorie de la gravitation sera cette explication.



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