La tentation de saint Antoine par le diable a servi de prétexte à Flaubert pour passer en revue tout ce qui, à travers les âges, a pu solliciter les hommes dans leur chair, leur coeur et leur esprit. Flaubert a mis beaucoup de passion personnelle dans cette oeuvre; mais ses amis Du Camp et Bouilhet, déconcertés par tant de lyrisme, condamnèrent sa tentative en 1849, le poussant à traiter un sujet réaliste (cf. Madame Bovary). Flaubert reprit son projet en 1856 et aboutit en 1874 à la version définitive de La Tentation de saint Antoine. L'oeuvre revêt la forme d'un dialogue. Dans le dénuement de son ermitage égyptien, Antoine essaie de prier Dieu, mais des ombres lui apparaissent; des voix lui vantent les séductions des femmes, de l'argent, de la puissance; d'étranges rêves le visitent. Il est le favori de l'empereur Constantin, il devient le tout-puissant Nabuchodonosor, il reçoit la visite de la reine de Saba qui lui offre sa richesse et son amour. Un inquiétant personnage, qui s'est présenté comme son ancien disciple Hilarion, fait défiler devant lui toutes les sectes contemporaines et tous les dieux de l'histoire du monde, le Bouddha, la Bonne Déesse, Isis, Cannés, les dieux grecs, le dieu d'Israël. Tous sont passés, dit Antoine. Il reste moi, répond le faux Hilarion. On m'appelle la Science. L'ermite croit reconnaître le diable et, par curiosité, se laisse enlever par lui, mais résiste à sa séduction. Antoine est ensuite aux prises avec la Mort, la Luxure, le Sphinx, la Chimère, puis d'innombrables figures fantastiques, formes proliférantes de la matière avec laquelle, dans son délire, il finit par rêver de se confondre. Pourtant le jour revenu, Antoine fait le signe de la croix et se remet en prière. Une lecture attentive permettra de déchiffrer parmi les tentations de saint Antoine celles de Flaubert lui-même.
