La sécurité collective repose plus que jamais sur les États-Unis et échappe à l’ONU
La sécurité collective repose plus que jamais sur les États-Unis et échappe à l’ONU
Au cours des dix ans qui ont suivi la chute du Mur de Berlin (1989), le paysage des institutions internationales de sécurité et de défense a considérablement évolué. L’entrée dans le xxie siècle a été marquée par l’incontestable prééminence des États-Unis. Jusqu’à la fin des années 1980, deux blocs militaires se faisaient face. Le pacte de Varsovie, emmené par l’Union soviétique, rassemblait depuis 1955 quelques pays satellites de l’Est européen. L’Alliance atlantique et l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord) étaient dirigées depuis 1949 par les États-Unis qui, grâce à leur parapluie nucléaire, protégeaient l’Europe occidentale.
Après 1989, la situation a rapidement évolué. Début 1991, la guerre du Golfe consécutive à l’invasion du Koweït symbolisa la nouvelle réalité. Américains et Russes collaborèrent au sein des Nations unies pour chercher une issue diplomatique, puis en menant une action militaire contre l’Irak, dirigée cependant par les États-Unis avec le soutien de leurs alliés européens et arabes. Le président George Bush déclara d’ailleurs à ce moment qu’un « nouvel ordre international »était né.
La fin de la guerre en Bosnie et la toute-puissance américaine
La suite fut moins euphorique. Le vent de liberté qui soufflait sur les pays de l’Europe de l’Est depuis 1989 eut pour conséquence l’apparition de gouvernements non communistes désirant nouer des relations avec l’Europe occidentale. Le pacte de Varsovie fut dissous le 31 mai 1991. Décembre 1991 marqua la fin du communisme en Europe avec l’éclatement de l’URSS. Ensuite, la Russie s’est débattue dans de graves problèmes économiques et politiques l’empêchant de jouer un rôle majeur dans les relations internationales.
Une autre évolution importante a été l’éclatement de la Yougoslavie en 1991. Elle eut entre autres conséquences la guerre de Bosnie-Herzégovine (entre 1992 et 1995), puis du Kosovo (en 1999). La Communauté européenne a d’abord tenté de réaliser des médiations, en vain. Ensuite, les Nations unies se sont impliquées, notamment en déployant la Forpronu (Force de protection des Nations unies) afin de s’interposer entre les belligérants. Ce fut un échec difficile à surmonter. L’événement majeur qui révéla définitivement le rôle incontournable et déterminant des États-Unis fut la manière dont fut décidée la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine. S’écartant de la préférence européenne pour les négociations, les États-Unis ont favorisé une issue militaire en soutenant une offensive des Croates et des Musulmans bosniaques durant l’été 1995 et en parvenant à convaincre le Conseil de sécurité d’autoriser l’OTAN à réaliser en septembre 1995 des frappes aériennes sur les positions serbes. De plus, ce sont les États-Unis qui ont mené les négociations qui ont abouti aux accords de Dayton en décembre 1995, mettant un terme à la guerre en Bosnie. Russes et Européens jouèrent les seconds rôles dans ces discussions.
L’instrumentalisation de l’OTAN et la guerre du Kosovo
Après la dissolution du pacte de Varsovie, celle de l’OTAN aurait été logique, parallèlement à un renforcement des Nations unies et de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), devenue OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en 1995. Les Américains auraient alors perdu un outil d’influence essentiel. Dès 1991, les pays de l’OTAN ont redéfini le rôle de l’institution, élargi à une dimension plus politique. C’est ainsi que tous les pays européens non membres de l’OTAN et les anciens membres du pacte de Varsovie ont été invités à faire partie d’un Partenariat pour la paix à partir de 1994. Un « Acte fondateur » entre les pays de l’OTAN et la Russie a été signé à Paris en 1997, le but officiel étant d’associer Moscou aux délibérations de l’Alliance. Mais en réalité, ce traité n’a attribué qu’un rôle consultatif à la Russie, servant essentiellement à mieux lui faire accepter l’extension de l’OTAN à la Pologne, la Hongrie et la République tchèque en mars 1999.
Après l’échec des négociations de Rambouillet début 1999 entre Serbes et Albanais du Kosovo, les pays de l’OTAN ont décidé, sous l’impulsion américaine, de bombarder la Yougoslavie à partir du 24 mars. Lancée sans mandat du Conseil de sécurité, cette action militaire a vu son efficacité quelque peu mise en doute.
La guerre du Kosovo a coïncidé avec la célébration du 50e anniversaire de l’OTAN à Washington, au cours duquel fut adopté le texte d’un « nouveau concept stratégique » pour l’Alliance. Derrière le consensus officiel dicté par la nécessité de ne pas apparaître divisé en période de guerre, des divergences sont apparues sur le contenu de ce texte qui a semblé entériner des conceptions américaines discutables. Un des objectifs des États-Unis est la transformation de l’OTAN en une organisation de sécurité quasi autonome, décidant seule d’opérations militaires, y compris en dehors de la zone euro-atlantique. Cette dérive « unilatéraliste » par l’utilisation d’un organisme essentiellement militaire aurait pour conséquence la mise hors jeu des seules et véritables institutions multilatérales de sécurité collective que sont les Nations unies ou l’OSCE.
Un frein à l’expression de la toute-puissante Amérique serait la mise en place au sein de l’OTAN d’un véritable pilier de défense européen et, au sein de l’Union européenne, d’outils de « politique étrangère et de sécurité commune - PESC » comme suite à l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam le 1er mai 1999. La guerre du Kosovo a semblé avoir convaincu un nombre croissant de dirigeants européens de la nécessité d’être plus autonomes vis-à-vis de Washington, qui a tendance à recourir trop rapidement aux moyens militaires et qui poursuit ses propres objectifs stratégiques. Dès 1994, le président Bill Clinton avait publié une directive précisant que les engagements des États-Unis n’auraient lieu que « s’ils faisaient progresser les intérêts nationaux américains ». Cette « trop forte Amérique », par la multiplication de ses excès militaires, risquait peut-être d’accélérer son isolement face à l’Europe et face au reste du monde qui préfèrent un rééquilibrage en faveur d’actions concertées et de processus diplomatiques dans le cadre des Nations unies.
Maintien ou changement de la politique américaine après le 11 septembre ?
Les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington semblaient pouvoir peut-être entraîner une certaine inflexion de la politique étrangère américaine. Pour la première fois de leur histoire, les Américains se sont aperçus qu’ils n’étaient pas invulnérables et que cet acte terroriste qui a coûté la vie à des milliers de victimes était peut-être la conséquence de leur propre politique, perçue comme arrogante par certains. La riposte américaine a cependant été ambiguë. D’une part, le président George W. Bush a rapidement cherché à constituer une coalition internationale afin de regrouper un maximum d’États pour lutter contre le terrorisme. De plus, l’action militaire contre le mouvement al-Qaeda d’Oussama ben Laden et les taliban est restée relativement ciblée en Afghanistan. Mais, d’autre part, il faut relever que les États-Unis n’ont pas voulu réaliser leur opération militaire dans le cadre des Nations unies et plusieurs signes ont montré qu’ils continuaient à privilégier l’unilatéralisme. En revanche, plusieurs de leurs partenaires, comme les pays de l’Union européenne et les pays arabes ou musulmans, ont insisté sur l’importance de combattre le terrorisme de manière multilatérale (au sein de l’ONU) en s’attaquant davantage aux causes profondes des actes terroristes (lutte contre le sous-développement, règlement pacifique des conflits).
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