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LA SECONDE GUERRE FROIDE (1975-1991)

LA SECONDE GUERRE FROIDE (1975-1991)

Après la période de Détente qui avait, à partir de 1963, succédé à la Guerre froide instaurée en 1947, le retour des tensions entre les États-Unis et l’URSS s’apparente à une seconde guerre froide. Celles-ci sont provoquées par les avancées soviétiques dans le tiers monde avec l’invasion de l’Afghanistan en 1979, puis la crise des euromissiles (1979-1983) et enfin l’annonce américaine de l’Initiative de défense stratégique (IDS) en 1983. Pourtant, à partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev, qui vient d’accéder au pouvoir suprême en Union soviétique, va choisir de relancer les négociations sur le désarmement et d’engager l’URSS dans un processus de réformes (perestroïka et glasnost), tout en concédant plus de libertés aux démocraties populaires. Cette double évolution conduit à la fin de la Guerre froide mais aussi à la fin de l’URSS et du bloc soviétique (1989-1991).

Le retour des tensions.

Profitant du recul des États-Unis après leur défaite dans la guerre du Vietnam (1973), l’URSS de Leonid Brejnev étend son influence. Onze traités d’amitié sont signés avec des États du tiers monde. Après l’Asie du Sud-Est - où son allié, le Vietnam, envahit en 1979 le Cambodge pour en chasser le régime des Khmers rouges - et l’Afrique, l’Union soviétique pousse ses pions en Amérique centrale. Elle soutient au Nicaragua les sandinistes arrivés au pouvoir en 1979 au terme d’un mouvement de guérilla ayant chassé le dictateur Anastasio Somoza, et elle arme les guérillas au Salvador et au Guatémala. Parallèlement, l’Union soviétique déploie en Europe de l’Est, à partir de 1977, des missiles à portée intermédiaire (3 500 kilomètres) : ces SS-20, non comptabilisés dans les accords de désarmement SALT, rendent possible une guerre nucléaire limitée. Puis c’est l’intervention en l’Afghanistan en décembre 1979, par laquelle l’URSS vient soutenir militairement le régime communiste installé lors d’un coup d’État en 1978.

Tenté d’abord de poursuivre la logique de la Détente, le président des États-Unis Jimmy Carter (1977-1981) choisit une politique de fermeté. En Europe, l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord) prévoit l’installation de missiles équivalents aux SS-20, les Pershing-2, tout en ouvrant la porte à des négociations sur ces euromissiles. Face à l’implication de l’URSS dans la guerre d’Afghanistan, J. Carter annonce l’arrêt des livraisons de céréales à l’URSS et le boycottage des jeux Olympiques de Moscou de 1980. Le Sénat américain refuse quant à lui de ratifier les accords SALT II qui, signés en 1979, prévoyaient la limitation du nombre des missiles intercontinentaux soviétiques et américains.

Le successeur de J. Carter, Ronald Reagan, élu président en 1980, relance la course aux armements. La proposition de l’« option zéro » (abandon simultané des SS-20 et des Pershing-2) ayant été rejetée par l’URSS, les Pershing sont installés comme prévu malgré les intenses campagnes pacifistes menées en Europe occidentale. Surtout, en mars 1983, R. Reagan annonce la réalisation d’un système d’armes antimissiles, placé en orbite au-dessus des États-Unis : l’Initiative de défense stratégique (IDS). Le projet, estimé à plus de 30 milliards de dollars sur les sept premières années, représente un défi technologique et financier que l’URSS ne peut relever. Dans le même temps, les États-Unis arment la résistance afghane et les forces antisandinistes au Nicaragua. L’armée américaine intervient, en octobre 1983, dans l’île de la Grenade (Caraïbes) pour renverser un gouvernement marxiste proche de Cuba. Le dialogue direct entre les deux superpuissances est interrompu jusqu’en 1985.

Le tournant de la « perestroïka ».

L’arrivée au pouvoir en URSS de M. Gorbatchev en mars 1985 marque un tournant dans les rapports Est-Ouest. L’URSS est confrontée à des éléments de déstabilisation. En Pologne, le pouvoir communiste est rejeté par deux importantes forces d’opposition : l’Église catholique, dont l’un de ses membres du clergé a été élu pape en 1978 sous le nom de Jean-Paul II, et le syndicat indépendant Solidarność (Solidarité), reconnu en août 1981 avant d’être interdit lors de la déclaration de l’« état de guerre » en Pologne en décembre de la même année. Alors que l’armée soviétique est tenue en échec en Afghanistan, l’opinion publique soviétique s’inquiète du nombre croissant de morts. L’URSS, enfin, se ruine à suivre la course aux armements.

Aussi M. Gorbatchev veut-il diminuer les dépenses militaires pour restructurer l’économie soviétique et engager un processus de réformes (perestroïka). De son côté, le président américain R. Reagan, réélu en 1984, est favorable à une politique d’apaisement : les besoins militaires creusent le déficit budgétaire et freinent la productivité de l’industrie civile concurrencée par les productions japonaises et européennes.

Le dialogue américano-soviétique, renoué à partir de 1985, aboutit au premier véritable accord de désarmement, signé en décembre 1987 : le traité de Washington sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) prévoit la destruction réciproque des euromissiles. Les discussions sur la réduction des armes stratégiques bloquées depuis 1983 reprennent également. Elles aboutissent à la signature en juillet 1991 de l’accord START I (« entretien sur la réduction des armements stratégiques ») par M. Gorbatchev et le successeur de R. Reagan, George H. Bush (1989-1993). Les deux superpuissances prévoient l’élimination de près du tiers de leurs missiles intercontinentaux. Selon la même logique, la deuxième Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) a annoncé en décembre 1990 la réduction des armes conventionnelles de l’OTAN et du pacte de Varsovie. Parallèlement, l’URSS se dégage de la guerre d’Afghanistan où elle a été mise en échec. Le retrait de ses troupes est effectif le 15 février 1989. Elle n’est plus en mesure, politiquement et économiquement, de soutenir les sandinistes nicaraguayens, ni le Vietnam, ni Cuba, ni les régimes africains prosoviétiques.

G. H. Bush et M. Gorbatchev peuvent annoncer officiellement en décembre 1989 au sommet de Malte la fin de la Guerre froide, au moment même où le bloc soviétique éclate.

La fin du système soviétique.

Les années 1989-1990 voient la fin des démocraties populaires d’Europe de l’Est sans que l’URSS s’y oppose. En juin 1989, en Pologne, à la suite de négociations entre Solidarité et le pouvoir, des élections libres ont lieu, permettant, pour la première fois, à un non-communiste d’accéder au pouvoir. La Hongrie suit l’exemple polonais en préparant un régime démocratique et des élections libres pour mars 1990. Surtout, elle ouvre sa frontière avec l’Autriche, créant une première brèche dans le « rideau de fer ». À partir de septembre 1989, en République démocratique allemande (RDA), les manifestations se multiplient ainsi que les départs vers l’Allemagne de l’Ouest en passant par la Hongrie. Ces mouvements de protestation ne sont pas découragés par M. Gorbatchev qui dénonce à Berlin, le 7 octobre, l’attitude conservatrice du dirigeant est-allemand Erich Honecker. Ce dernier démissionne le 18 octobre, le 9 novembre le Mur de Berlin est démantelé ; le régime communiste se disloque.

La chute du Mur de Berlin accélère le mouvement dans les autres pays : transition en douceur, mais non sans une opiniâtre résistance des communistes, en Bulgarie, « révolution de velours » en Tchécoslovaquie où Vaclav Havel est élu président de la République en décembre, renversement brutal de Nicolae Ceausescu par un simulacre de révolution en Roumanie.

L’onde de choc qui touche les démocraties populaires accentue l’ébranlement de l’Union soviétique elle-même, déjà fortement fragilisée par l’échec de M. Gorbatchev à réformer l’économie. Les républiques baltes sont les premières à proclamer leurs indépendances (effectives en 1991). La république de Russie proclame sa propre souveraineté en juin 1990, puis élit en juin 1991 son président au suffrage universel : Boris Eltsine (1931-) se pose en leader alternatif face à M. Gorbatchev. À la veille de la signature d’un nouveau traité de l’Union, en août 1991, les communistes conservateurs tentent un coup de force. B. Eltsine s’y oppose. Sa légitimité se renforce dans l’opinion publique. Le Parti communiste d’Union soviétique (PCUS) est dissous. Le 8 décembre, les présidents de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine annoncent la création de la Communauté d’États indépendants (CEI), élargie à huit autres républiques. Le 25 décembre 1991, M. Gorbatchev, président d’un État qui n’existe plus (l’URSS), démissionne.

Ainsi la Guerre froide se termine-t-elle brutalement par la disparition de l’un de ses deux protagonistes. Une situation inédite apparaît avec le maintien d’une seule superpuissance, les États-Unis, tandis que la carte politique de l’Europe - et du monde - se transforme.

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