La révolution copernico-galiléenne et ses conséquences philosophiques et théologiques (Les représentations du monde – Décrire, figurer, imaginer)
La révolution copernico-galiléenne et ses conséquences philosophiques et théologiques (Cours de spécialité d’humanités, littérature et philosophie)
Galiléé (1564 – 1642) = divorce entre théologie et science, entre foi et connaissance. Théologie = comment on va au Ciel. Science = comment va le Ciel. Science et religion n'ont pas le même objet.
Religion (philosophie aussi) répond à la question du « pourquoi ? ».
Science répond à la question du « comment ? ».
Descartes & Pascal vont tirer les conséquences philosophiques et théologiques de cette révolution copernico-galiléenne (en physique et en astronomie). Nécessité de redéfinir la place de l'homme dans ce monde infini et glacé où rien ne lui indique ni son lieu ni sa fonction.
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a) Conséquences philosophiques
En 1628, Descartes, dans le Traité du monde, accepte l'héliocentrisme de Copernic et de Galilée. En 1633, lorsqu'il apprend que Galilée vient d'être condamné par l'Inquisition, il renonce à publier son ouvrage.
=> Descartes est le témoin et l'acteur de la révolution galiléenne, qui fait de la Terre, une planète comme les autres, parmi les autres.
L'homme = jeté dans un univers infini, sans repère fixe, en proie au doute sur sa place et sa fonction dans un univers livré aux lois de la mécanique.
Descartes = à la fois de justifier la science nouvelle et révolutionnaire qu'il pratique (découverte du principe d'inertie), et de redéfinir la place de l'homme dans le monde.
Les sens nous trompent parfois. Les illusions d'optique en témoignent assez. Par exemple, ce sont les sens qui me font croire au géocentrisme ou que la Terre est plate. Idem pour Galiléé : contre l'expérience naïve qui croit que la chute des corps dépend de leur masse, expérimenter que deux objets (une boule en liège et une boule d'acier), lâchés en même temps, toucheront le sol en même temps.
Descartes et son doute radical : rejeter comme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent comme témoignage. A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve. Pendant que je rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion. Comme il est illusoire de croire au géocentrisme. Le sentiment que j'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuve suffisante de la réalité du monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves. En effet, donnez la preuve que vous n'êtes pas en train de rêver que vous lisez ce cours ?!
« Mais aussitôt après je pris garde que, cependant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »
Il y a un fait qui échappe au doute ; mon existence comme pensée. Que ce que je pense soit vrai ou faux, je pense. Et si je pense, je suis. Le néant ne peut pas penser. L'Univers ne se sait pas infini. La première certitude que j'ai est donc celle de mon existence, mais comme pure pensée. Moi seul sait que je sais.
Descartes place la conscience, le sujet, à la racine de toute connaissance possible. La conséquence essentielle est le primat de la conscience. Redonner à l'homme une place dans un univers infini et vide de Dieu, assurer la dignité de la conscience. Si l'homme est un rien, un quasi-néant dans l'infini de l'Univers, il détient le privilège de le savoir, et d'être le sujet de sa propre pensée.
// Galilée // Descartes : comme le mouvement est relatif à l'observateur. La connaissance dépend du sujet connaissant. « JE pense… ». Connaissance anthropocentrée. La «révolution copernicienne» opérée par Descartes puis par Kant est la suivante : le réel connaissable n'est pas indépendant de l'esprit qui le connaît, c'est l'esprit qui lui donne sa forme à la connaissance.
Si comme le dit Galilée, "le livre de la nature est écrit en langage mathématique", par la connaissance que j'en ai, il est possible de devenir « comme maître[s] et possesseur[s] de la Nature » (Descartes).
Exemple : en connaissant et en respectant les lois de la gravitation, le scientifique peut fabriquer des fusées capables de s'arracher à l'attraction terrestre. Connaissance des lois de la flottabilité = construction de navire.
Bacon (philosophe du XVIIe siècle) disait : « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant ». C'est la compréhension des lois de la nature qui donne l'avion qui vole et le bateau qui flotte. C'est la compréhension des faits de la nature qui nous libère justement de la nécessité des faits. La connaissance est libération. Bref, savoir, c'est pouvoir. Savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir // 3 siècles après Bacon, Comte (XIXe): " Science d'où prévoyance, prévoyance d'où action".
« comme maîtres et possesseurs de la nature. » in « Discours de la méthode – 6e partie » (1637). |
Projet d'une domination scientifique et technicienne du monde. Descartes dit précisément que les développements de la science et de la technique moderne nous rendront « comme maîtres et possesseurs de la nature. » # philosophie scolastique (avant Descartes) = philosophie du M.A. (réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote et, dans une moindre mesure, celle de Platon). La scolastique est une « philosophie spéculative » (contempler, voir). Pour les Grecs, la science est une activité libre et désintéressée = comprendre pour comprendre. Connaître le monde c'est contempler l'ordre cosmique (astronomie, mathématique, géométrie) # « philosophie pratique » (XVIIe= Descartes, Galilée, Bacon) = La nature ne se contemple plus, elle se soumet, s'exploite. Elle ne chante plus les louanges des dieux, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite. Désenchantement, désacralisation du monde (la Nature n'est plus une vierge, une déesse à respecter et à contempler, mais un matériau à travailler. Recul de la susperstition. Mais Descartes dit « comme »; seul Dieu est le véritable « maître et possesseur » de la nature. La nature est au service de l'homme, elle lui appartient (« possesseur ») et lui peut en faire ce qu'il veut (« maître »). Il annonce la possibilité d'une technique dont le développement, loin d'être une fatalité pour l'homme, devrait libérer l'humanité, et la libérer en particulier, de la souffrance du travail. Certaines inventions techniques « feraient qu'on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent ». Cette libération est aussi une libération de la maladie, voire du vieillissement lui-même : le progrès des techniques devrait permettre d'assurer un jour « la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ». C'est, enfin une libération vis-à-vis de la nature en général, de cette puissance dont nous sommes les jouets malheureux tant que nous n'avons pas conquis sur elle le pouvoir que donne le savoir. Puisque l'on nomme « Dieu », traditionnellement, le maître de la nature, le projet cartésien nous promet de participer quelque peu à la puissance divine. La métaphysique cartésienne avait au préalable établi une différence de nature entre corps et âme (cf. théorie de l' « animal-machine » - cours sur la conscience). Cette domination ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles. Mais aussi pour la « conservation de la santé ». Le corps humain est un objet de science (pratique de dissection humaine). Fantasme de la vie éternelle grâce aux progrès de la médecine. Désir ultime des sciences médicales = MORT DE LA MORT. Pour Descartes, la libération, le salut des hommes ne viendra pas tant par la politique mais de la technique et de la science // Bergson (XXe) = l'invention de la machine à vapeur a plus d'importance qu'une guerre ou une révolution! L'homme est un « homo faber », caractéristique constante de l'humanité, c'est la « faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils. » (in « L'évolution créatrice »). |
b) Conséquences théologiques
Blaise Pascal (1623 – 1662) : « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie », chapitre « La misère de l'homme sans Dieu » dans les « Pensées ».
Cri de détresse et d'angoisse. Disproportion entre l'homme et l'éternité, l'infinité du monde. Sentiment d'abandon, de déréliction. L'homme est seul dans le monde.
Cette angoisse définit la condition de l'homme sans Dieu.
« Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. »
En parlant des « espaces infinis », Pascal prend acte des progrès de la science de son temps.
Avec Galilée, on commence à comprendre l'univers comme infini : l'espace qui nous entoure n'a pas de frontières, et le monde entier est compris comme un espace indifférent offert aux lois de la physique, au calcul mathématique. Rappel : « Le livre de la nature est écrit en langage mathématique. »
Pascal est aussi contemporain du microscope (par Janssen en 1595), cad découverte de l'infiniment petit. La lunette astronomique avait ouvert la voie de l'infiniment grand de l'espace, de l'univers ; le microscope nous ouvre la voie, tout aussi merveilleuse, de l'infiniment petit. L'homme est borné par deux infinis. Sentiment de vertige.
L'homme se voit confronté à un double infini, dont il tient le milieu, il est inscrit dans un monde dont « le centre est partout et la circonférence nulle part ». Cet ici est aussi un ailleurs.
Pascal = cet univers est vide de Dieu => un univers où ne règnent que de la matière et les lois de la physique. Univers muet qui ne parle plus à l'homme. Univers glacé des lois scientifiques. Un univers effrayant, parce que l'homme et ses inquiétudes n'y ont plus de place et surtout n'y trouvent plus de réponses. Dieu a déserté le monde. Monde sans Dieu.
Dieu n'est plus visible dans la nature, le Dieu auquel on doit croire est « un Dieu caché ». Un Dieu que l'on ne perçoit pas par la raison mais par le coeur : « Le coeur a ses raisons que la raison n'entend point. ». Un Dieu que l'on sent, que l'on aime.
La raison a évacué Dieu du monde. Dieu n'est plus un objet de savoir mais de croyance, de foi. D'où la nécessité non de prouver mais de parier en faveur de son existence.
Lecture du pari de Pascal: https : //drive.google.com/open?id=0B4nRPzoUP3kTUkJVcnFGYzJ2SEk https : //drive.google.com/open?id=1hqwnvXaFuaBMH9mC6FLVflfhVyx1-nHE |
LE PARI DE PASCAL |
Dieu existe |
Dieu n'existe pas |
Vous croyez en Dieu |
Vous allez au Paradis (+∞) |
Vous retournez au néant. |
Vous ne croyez pas en Dieu |
Vous allez en Enfer (-∞) |
Vous retournez au néant. |
Avec ce «pari», Pascal essaie de convaincre les athées, les libres penseurs (libertins), adeptes des jeux de l'amour et du hasard. La vie est comme un jeu. Personne ne peut être indifférent à sa destinée. Croire ou ne pas croire n'est pas indifférent. Que faire ? De deux choses l'une :
- Soit vous pariez pour l'existence de Dieu (auquel cas vous devez vivre conformément à sa Loi).
- Soit vous pariez contre l'existence de Dieu.
A chaque fois, vous misez votre vie terrestre cad fini.
* Si Dieu existe = vous gagnez la vie éternelle dans un cas et la damnation éternelle dans l'autre.
* S'il n'existe pas = vous ne perdez qu'un bien fini, une vie de plaisirs impies.
Autrement dit, si l'on calcule le produit du gain possible (cad le Salut, l'infini, la vie éternelle) par la probabilité de l'obtenir (1 chance sur 2), on constate qu'il est infiniment supérieur à la mise (cad vivre en chrétien, ce qui est l'ordre du fini).
Pour Pascal, le choix est facile = si petite soit la chance que Dieu existe, on ne peut risquer la damnation éternelle et manquer la béatitude infinie. Il faut parier donc que Dieu existe. Croire en Dieu serait statistiquement plus avantageux.
Critique du pari pascalien
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Critique logique : Si je choisis de croire en Dieu, je dois vivre en accord avec cette croyance pour gagner la vie éternelle, cela implique de renoncer à la vie terrestre. Si je gagne, je gagne tout, mais si je perds, cad si Dieu n'existe pas, la différence doit se faire entre ma vie vécue et le néant de la mort. Or entre la vie et le néant la différence est incommensurable cad infinie, si bien qu'en pariant sur l'existence de Dieu, j'ai perdu quelque chose d'inestimable. Mais si je vis en athée et que Dieu est, je perds aussi quelque chose d'inestimable, la béatitude éternelle. Dans les 2 cas, la perte et le gain sont infinis.
LE PARI DE PASCAL |
Dieu existe |
Dieu n'existe pas |
Vous croyez en Dieu |
Vous allez au Paradis (+∞) |
Vous vivez en Enfer (-∞). Privation d'une vie vertueuse. |
Vous ne croyez pas en Dieu |
Vous allez en Enfer (-∞) |
Vous vivez au Paradis (+∞). Plaisirs d'une vie libertine. |
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