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LA RELIGION (résumé de cours)

Le fait religieux : universel et multiforme

Universalité du fait religieux

Le terme latin religio semble renvoyer à l’idée de «lien» (religare, «relier»), et non pas à celle de «détachement» (relinquere, «laisser»). C’est bel et bien un lien, en effet, que la religion établit entre l’homme et la divinité, d’une part, et entre les hommes eux-mêmes d’autre part : religio semble d’ailleurs avoir primitivement signifié «obligation» sociale, «scrupule moral», etc.

I Le fait religieux est proprement humain

Une «différence essentielle» qui distingue l’homme de l’animal, notait Ludwig Feuerbach dans L’Essence du christianisme (1841), c’est que «les animaux n’ont pas de religion». Il est vrai que certains Anciens (Pline l’Ancien, Plutarque, etc.) reconnaissaient à l’éléphant, qui élève sa trompe vers le ciel, ... la vertu de religiosité : mais il va de soi qu’il n’y a là qu’une plaisante vue de l’esprit !

La croyance en une Providence présidant au déroulement des événements naturels, celle concernant la survie de l’âme dans l’au-delà, ainsi que le sentiment - plus général et plus diffus - du sacré : ce sont là les fondements les plus communs de l’attitude religieuse et du fait religieux.

Extrême diversité des religions

Mais, ainsi que Cicéron (Ier siècle av. J.-C.) le remarquait lui-même, chaque nation a ses dieux : les animaux eux-mêmes n’ont-ils pas été divinisés chez les Égyptiens ? (De la nature des dieux, I). - La règle générale, toutefois, veut plutôt que les hommes forgent des dieux à leur propre image : si les triangles avaient un dieu, déclarait Montesquieu, celui-ci aurait trois côtés...

Raison et foi religieuse

La matière pourrait-elle penser ?

Les philosophes chrétiens et spiritualistes ont souvent employé, pour défendre la religion, l’argument selon lequel jamais la matière ne saurait penser. «De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée : cela est impossible, et d’un autre ordre» (Pascal, Pensées, 793, éd. Brunschvicg).

Nécessaire soumission de la raison aux vérités de la foi

Voltaire, qui était déiste, qui croyait à l’existence d’un «grand horloger», mais n’adhérait à aucune religion révélée, déclarait dans son Dictionnaire philosophique, à l’article «Foi» : «Qu'est-ce que la foi ? Est-ce de croire ce qui paraît évident ? non. [...] La foi consiste à croire, non ce qui est vrai, mais ce qui semble faux à notre entendement».

Le mystère de l’incarnation, le dogme de la Trinité, etc. : il y a là bien des enseignements qu’un esprit rationnel, faisant profession de ne s’incliner que devant des preuves, ne peut accepter sans se faire violence à lui-même. «Ils ont beau me crier : Soumets ta raison ; [...] il me faut des raisons pour soumettre ma raison», s’écrie par conséquent Rousseau (Émile, livre IV, 1762), qui critique ainsi tout argument d’autorité.

Saint Thomas : un essai pour concilier la raison et la foi

Au XIIIe siècle, non sans s’inspirer largement de l’œuvre d’Aristote, saint Thomas d’Aquin a tenté de concilier les vérités rationnelles et les vérités de la foi. «Rien n’empêche que des mêmes choses dont traitent les disciplines philosophiques, selon qu elles sont connaissables par la lumière de la raison naturelle, ne puisse aussi traiter une autre science, selon quelles sont connues par la lumière de la révélation divine», écrit-il au début de sa volumineuse Somme théologique (I, q. I, a. 1, ad2).

Religion et problème du mal

Épicure, Sade : si Dieu est providence, alors d’où vient le mal ?

Si Dieu existe, comment l’homme pourrait-il donc commettre le mal ? demande le marquis de Sade. «Cette créature, quoique émanée de lui le domine ; elle peut l’offenser et mériter par là des supplices éternels ! Quel être faible que ce dieu-là ! Comment ! il a pu créer tout ce que nous voyons, et il lui est impossible de former un homme à sa guise ?» (La Philosophie dans le boudoir; 1795). Si Dieu veut «supprimer le mal» et qu’il ne le peut pas, déclarait déjà Épicure (IIIe siècle av. J.-C.), c’est donc qu’il est un dieu... «impuissant» !

Leibniz : la « permission du mal nous étonne »

Pour Leibniz, comprendre le monde, c’est comprendre qu’il est le meilleur de tous les mondes possibles. Certes, reconnaît Leibniz (16461716), «quand même il n’y aurait point de concours de Dieu aux mauvaises actions, on ne laisserait pas de trouver de la difficulté en ce qu’il les prévoit et qu’il les permet, les pouvant empêcher par sa toute-puissance» {Essais de Théodicée, préface, 1710). La «permission du mal», indéniablement, «nous étonne» {ibid., § 35).

Mais l’ouvrage divin ne peut être que le meilleur possible

Certes, «le monde, surtout en ce qui concerne le gouvernement du genre humain, ressemble à quelque chaos confus plutôt qu’à une réalité ordonnée par une sagesse suprême» (Leibniz, De l’origine radicale des choses, 1697). Mais «c’est par la totalité des choses, et surtout des esprits, que peut naître la perfection capable d’être obtenue» {De l’origine radicale des choses, 1697). Les ombres rehaussent les couleurs du tableau d’ensemble, et qui n’a pas goûté l’amer ne connaît pas toute la douceur du sucré.

Religion et pouvoir politique

Magie, religion et manipulation des foules

Très tôt, certains ont voulu voir dans la religion un instrument de domination, voire d’asservissement des esprits. Le traité hippocratique De la Maladie sacrée (Ve siècle av. J.-C.) vitupère «les mages, les expiateurs, les charlatans, les imposteurs» : ces gens, déclare le rédacteur de ce traité médical, ne considèrent l’épilepsie ni comme sacrée ni comme divine et font preuve d’«impiété» plutôt que de «piété» en prétendant pouvoir chasser l’affection par des purifications et autres tours de magie.

«Jetant donc la divinité comme un manteau et un prétexte qui abritassent leur impuissance à procurer chose qui fut utile, ces gens, afin que leur ignorance ne devînt pas manifeste, prétendirent que cette maladie était sacrée» (ibid).

La peur a fait les dieux

«L’ignorance et la peur, [...] voilà les deux bases de toutes les religions», écrit Sade (La Philosophie dans le boudoir; 1795). C’est là reprendre, après bien d’autres, une formule du poète latin Stace, que la critique anti-religieuse a citée fort abondamment : «la peur a fait les dieux». «La doctrine de l’immortalité est la doctrine finale de la religion - son testament où elle exprime ses dernières volontés. [...] Et l’apôtre a déjà exprimé cette conclusion. Si nous ne ressuscitons pas, le Christ n’est pas ressuscité, et tout n’est que néant» répète Feuerbach (L’Essence du christianisme, 1841). Il faut que Dieu existe pour que nous puissions espérer l’immortalité.

Démocrite (Ve siècle av. J.-C.) déclarait déjà, pour sa part : «lorsque les Anciens virent les événements dont le ciel est le théâtre, comme le tonnerre, les éclairs, la foudre, les conjonctions d’astres ou les éclipses de Soleil et de Lune, leur terreur leur fit penser que des dieux en étaient les auteurs» (DK A 75).

La religion comme technique de contrôle social

Un passage de Critias le Sophiste (Ve siècle av. J.-C.), dans lequel il est dit qu’«un homme à la pensée astucieuse et sage inventa la crainte des dieux», afin de commander non seulement aux actions extérieures que l’on voit, mais aussi aux principes intérieurs des actions - que l’on ne voit pas, tend à réduire la religion à un simple instrument de contrôle social.

« Un homme à la pensée astucieuse et sage

Inventa la crainte < des dieux > pour les mortels,

Afin que les méchants ne cessassent de craindre

D’avoir compte à rendre de ce qu’ils auraient fait,

Dit, ou encor pensé, même dans le secret :

Aussi introduit-il la pensée du "divin" » (Fragment, B 25).

Ce genre d’attaques sera particulièrement prisé au XVIIIe siècle, par certains philosophes des Lumières, tel d’Holbach (1723-1789), qui considère que la religion est «le plus grand ressort d’une politique injuste et lâche, laquelle a cru qu’il fallait tromper les hommes pour les gouverner plus aisément» (Le Christianisme dévoilé, 1767)».

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