La Princesse de Clèves de Madame de LAFAYETTE, 1678
Ce roman est le modèle d'un genre, le roman psychologique, en raison de la rigueur et de l'élégance avec lesquelles Mme de Lafayette y décrit le développement des passions et la vie du coeur. L'action, dont l'idée est empruntée à La Vie des hommes illustres de Brantôme (1540-1614), se passe sous les règnes d'Henri II (1547-1559) et de François II (1559-1560). L'imagination est entraînée dans l'univers romanesque d'une cour où triomphent la magnificence et la galanterie. Cette atmosphère explique la naissance de l'amour chez les héros, mais fait aussi ressortir par contraste le destin exceptionnel de Mme de Clèves, paradoxalement appliquée en ces lieux à refuser de céder à sa passion. La toute jeune Mlle de Chartres, beauté parfaite élevée par sa mère dans la crainte des dangers de la passion, épouse M. de Clèves sans pouvoir répondre à son amour autrement que par de l'estime et de la reconnaissance. Aussi son coeur est-il libre pour qu'elle s'éprenne du brillant duc de Nemours lorsqu'elle le rencontre à un bal au Louvre. Retenue par la pudeur, elle ne dit rien quand elle le voit lui dérober son portrait, mais prenant conscience de son inclination, elle dresse désormais entre elle et le duc, qui lui fait une cour passionnée, tous les obstacles possibles, sollicitant le secours de sa mère, puis de son mari à qui elle confesse les sentiments qu'elle combat. Témoin caché de cet aveu, M. de Nemours y puise un espoir et essaie de rendre visite à Mme de Clèves à la campagne. M. de Clèves est dévoré de jalousie, bien que la conduite de sa femme demeure irréprochable. Il meurt bientôt de chagrin. Quelques mois plus tard, Mme de Clèves est, par surprise, mise en présence de M. de Nemours : elle lui avoue son amour, mais, invoquant son devoir et son repos, elle refuse d'épouser celui qu'elle tient pour responsable de la mort de son mari et se retire dans un couvent pour y mourir peu après, laissant des exemples de vertu inimitables. De nombreux traits de préciosité - idéalisation des personnages, goût des cas psychologiques - marquent le roman, mais on y observera surtout, servie par la sobriété du style de Mme de Lafayette, une vision pessimiste des passions qui lui donne la gravité d'une tragédie.