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La Peste de Albert CAMUS, 1947, Classiques Larousse, Folio

• Pour symboliser tout ce qui vient signifier aux hommes la fragilité de leur condition, Camus a imaginé une épidémie de peste frappant la ville d'Oran en 194.. Un médecin, le docteur Rieux, en tient la chronique pour témoigner en faveur des pestiférés et prouver qu'il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. Il est visiblement le porte-parole de Camus. Se manifestant d'abord par une invasion de rats qui crèvent partout, la peste déconcerte les Oranais. Rien ne les préparait à affronter ce fléau dont ils refusent même de prononcer le nom, et l'épreuve est révélatrice de la faiblesse des institutions comme des individus. Si le docteur Rieux lutte rationnellement dès le premier jour, le journaliste Rambert ne songe qu'à sortir de la ville pour rejoindre sa femme; l'employé de mairie Grand continue de travailler à la première phrase d'un roman; Jean Tarrou prend des notes sur la comédie humaine et cherche la paix intérieure; le Père Paneloux prêche selon les principes chrétiens et démontre aux Oranais que Dieu leur a envoyé la peste pour les punir de leurs péchés : Mes frères, vous êtes dans le malheur, mes frères, vous l'avez mérité. Pour Rieux, en revanche, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu'on ne croie pas en lui et qu'on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers ce ciel où il se tait. Cependant la peste va transformer la majorité des gens en leur faisant découvrir la solidarité. Tarrou propose à Rieux de créer des équipes de volontaires pour lutter contre l'épidémie. Grand, sans abandonner son roman, aide Tarrou. En attendant de pouvoir fuir la ville qui est déclarée fermée, Rambert travaille dans ces équipes, puis il décide de rester, car, avoue-t-il, il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul. Paneloux se joint aussi à ces efforts, car le spectacle de la souffrance, en particulier, l'agonie d'un enfant, bouleversent ses convictions. Il renonce, dans un second sermon, à justifier sereinement toutes les formes du mal par l'action éclairée de la Providence; cependant, parvenu au bord de l'hérésie, il se soumet encore à la volonté divine. Il est destiné lui-même à mourir de la peste. Par Tarrou et par Rieux, le problème du mal est posé en dehors de toute théologie dans une perspective purement humaine. Tarrou vit depuis sa jeunesse au bord du désespoir parce qu'il a pris conscience de la facilité avec laquelle les hommes acceptent le mal : chacun la porte en soi, la peste. Obsédé de pureté, révolté contre la société qui inflige la peine de mort et méprise l'homme au nom de l'accomplissement des nécessités de l'histoire, il veut être un saint sans Dieu. Le docteur Rieux lui oppose des visées plus humbles : Je n'ai pas de goût, je crois, pour l'héroïsme et la sainteté. Ce qui m'intéresse, c'est d'être un homme. Chez le plus modeste, il y a des ressources cachées. Seul Cottard, personnage douteux qui craint la police, voudrait voir durer la peste qui favorise ses trafics; menacé d'arrestation à la fin de l'épidémie, il se met à tirer sur la foule. Bientôt la ville reprend progressivement une vie normale, c'est-à-dire commence à oublier la peste et les morts. Mais Rieux pense à l'avenir et à la nécessité de rassembler tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d'admettre les fléaux, s'efforcent cependant d'être des médecins. • Camus a souligné lui-même la signification humaniste de son livre : Comparée à L'Étranger, La Peste marque [...] le passage d'une attitude de révolte solitaire à la reconnaissance d'une communauté dont il faut partager les luttes. S'il y a évolution de L'Étranger à La Peste, elle s'est faite dans le sens de la solidarité et de la participation. (Lettre à Roland Barthes, 11 juillet 1955).

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