La personne (cours de philosophie)
Toutes les fois qu’on parle des « Droits de l’Homme », on parle des Droits de la Personne humaine. Toujours l’Homme dont il est question dans ces déclarations de principes, est la Personne, identiquement présente entre tous les innombrables et divers individus de l’espèce Homme, à travers l’Histoire et les civilisations. Il s’agit donc d’une notion très particulière, universelle et métaphysique, et pourtant très concrète puisque « sujet de Droits imprescriptibles » au nom desquels on revendique. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’Homme tente une formulation. On y trouve énoncés 29 articles, parmi lesquels l’égalité en dignité et en droits, le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique, le droit d’appel aux tribunaux, le droit de libre circulation internationale, le droit d’asile, le droit à la propriété, la liberté d’opinion et d’association, le droit de participer à la direction des affaires publiques, le droit au travail et à la rémunération du travail, le droit aux loisirs, le droit à l’éducation, etc. Le préambule à cette déclaration mérité d’être cité ; il commence ainsi : « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans ce monde... La méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’Humanité, et l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamée comme la plus haute aspiration de l’Homme... ». On peut évidemment remarquer que cette déclaration universelle de 1948 exprime à sa manière la fin du cauchemar de la Seconde Guerre mondiale qui durant 5 ans et 8 mois avait embrasé le monde et fait environ 38 millions de morts sans parler des milliers de villes complètement détruites. Cependant, quoique marquée dans sa lettre par les circonstances historiques de son élaboration, cette déclaration ressemble étrangement, dans son esprit, à celle que proclamait la Société des Nations après la Première Guerre mondiale, et au préambule de la Déclaration des droits de l’homme de toutes les républiques (aux U.S.A. en 1787, en France en 1789 et 1791). En dehors de cet élément historique, seul fondement légitime d'un Droit international garantissant la dignité de la Personne humaine, il est à noter que la notion de Personne a été au centre de nombreuses conceptions philosophiques, la plus récente étant le personnalisme » d’Emmanuel Mounier.
— I — Personne et individu, personnage, personnalité.
Pour explorer la signification de la notion de Personne, nous ferons un détour par la psychologie.
1 — Personne et individu. « Indivis » signifie ce qui n’est pas divisé en soi-même, qui forme une unité et un Tout. L’individu est un organisme considéré à la fois comme être vivant unifié et particularisé, c’est-à-dire comme non-divisible et comme séparé des autres ou distinct. Considérer l’individu, c’est le considérer en lui-même, dans ce qu’il a de différentiel. S’individualiser, c’est se séparer, se constituer comme original, se singulariser. L’individualisme est une fermeture sur soi, dont les formes atténuées sont représentées par l’égocentrisme, l’égotisme, l’égoïsme, et dont la forme extrême serait l’autisme (ou vie uniquement intérieure imaginaire et centrée sur soi avec absence de contact extérieur). Par rapport à l'individu, la personne représente au contraire l’unité de relations diverses avec l’Autre. La personne ne peut apparaître qu’avec autrui et la conscience d’autrui. D’ailleurs, si l’individu est le lieu de la particularité, de la singularité des expériences, de l’irremplaçable et du « sentiment « (ainsi que d’une certaine manière d’être-au-monde ici-maintenant), la personne au contraire est l’universalité. Elle est fondée sur le « partout et toujours » ou sur la condition de possibilité. Un individu peut être violent, emporté par ses passions (et l’individu est chez Hegel le "moteur" de l’histoire grâce à l’énergie que ses passions développent), bref livré à son inconscient. Au contraire la personne est avant tout Conscience, et la conscience est ici universalité, transcendance. La conscience est ce qui se présente chez tous les hommes comme l’identité d’une forme pure, mais originaire. Elle a toujours le rôle de « donation » du monde. Une personne est par définition « ouverte » parce qu’autrui est aussi une personne pour elle, et qu’elle agit de manière à toujours voir en l’Autre l’universalité possible. La physique des individus est une physique mécaniste, celle des chocs et rebondissements infinis de boules. La physique des personnes est toujours une métaphysique, parce que la construction qui résulte de chacune de ces structures permet de dépasser le simple niveau de l’extériorité et du choc.