La perception nous trompe-t-elle ?
■ La perception pose d'abord le problème philosophique de l'objectivité de notre connaissance. En effet, notre connaissance du monde commence par la perception, par l'expérience sensible (Kant): nous ne pouvons pas avoir de connaissance vraie, c'est-à-dire vérifiable, de ce qui ne peut pas être perçu; sans quoi, il ne s'agit que de fiction (les fantômes) ou de métaphysique (Dieu, l'origine du monde ou la fin des temps). Le champ de la perception, réelle ou possible, délimite donc ce qui est connaissable par des moyens naturels (l'expérience et la raison). ■ Mais la perception constitue aussi un obstacle à la connaissance vraie, car les sens nous trompent souvent: la tour carrée que l'on voit ronde de loin, un bâton plongé dans l'eau et qui paraît brisé, etc. Ces illusions des sens ont amené les philosophes à se méfier de la perception sensible. C'est pourquoi Platon exige de dépasser les apparences sensibles pour atteindre les Idées immuables, connues par l'esprit seul; et Descartes recommande de "détourner son esprit des sens" pour connaître les idées vraies par la seule « intuition de l'esprit». Pour ces rationalistes, il faut écarter la perception sensible au profit d'une perception purement intellectuelle, d'un « regard de l'esprit» qui saisit l'essence des choses. C'est le sens de l'expérience du morceau de cire dans la deuxième "Méditation métaphysique" de Descartes : en fondant, le morceau de cire change d'apparence sensible; la vérité de la cire ne peut donc être dans la perception que nous en avons, mais dans son idée géométrique connue a priori, sans recours à l'expérience. ■ Cependant, Épicure, Sextus Empiricus, ou encore Kant, montrent que la perception n'est pas fausse en elle-même. Le coupable est le jugement que nous portons sur la perception, en lui attribuant plus de vérité qu'elle n'en a. C'est donc notre esprit ou notre imagination qui fabrique l'illusion, non la perception. Lorsque nous percevons le soleil qui disparaît derrière l'horizon, l'erreur est d'affirmer qu'il « se couche» ou qu'il mesure cinq centimètres de diamètre ; alors qu'il faut dire prudemment qu' « il nous semble que le soleil se couche», etc. ■ La perception est donc une condition nécessaire, mais non suffisante de la connaissance vraie.
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