LA MORT: ENTRE NÉANT ET SENS DE LA VIE
La mort comme néant : l’absurde
Toutefois, rien n’interdit de penser la mort dans sa radicalité, comme terme absolu et ultime de la vie. Cette conception tragique s’accompagne souvent d'un refus de l’idée de Dieu et d’âme. L'athéisme ramène la mort à un néant. Mais en considérant la mort comme un néant, l'homme découvre le sentiment de l'absurde. Car «si à la mort du corps qui me soutient, et que j'appelle mien pour le distinguer de moi-même, la conscience retourne à l'inconscience absolue d'où elle était sortie, et s’il arrive de même à celle de tous mes frères en humanité, alors notre laborieuse race humaine n'est plus qu'une fatidique procession de fantômes, qui vont du néant au néant» (Miguel de Unamuno, "Le Sentiment tragique de la vie", Gallimard, 1937, coll. Idées, p. 32). Du coup, la vie perd tout sens, et par là toute valeur.
La mort mesure la vanité de la vie
Ainsi la mort, de quelque manière qu’on l’envisage, semble retirer de la valeur à la vie, en nous en faisant mesurer toute la vanité. C’est ce qu’ont souligné avec force les stoïciens, qui ne se préoccupèrent cependant guère d'eschatologie. Ainsi Marc Aurèle écrit-il : « Dans un instant, tu ne seras plus que cendre ou squelette, et un nom, ou plus même un nom. Le nom : un vain bruit, un écho ! Ce dont on fait tant de cas dans la vie, c’est du vide, pourriture, mesquineries, chiens qui s’entremordent, gamins querelleurs, qui rient et pleurent sans transition [...] Qu’est-ce donc qui te retient encore ici-bas ? Les objets sensibles sont changeants, inconsistants, et les sens émoussés, prompts à recevoir de fausses impressions [...] Et la renommée parmi ces gens-là, du vide. Que faire donc? Tu attendras, l’âme bienveillante, ou de t’éteindre ou d’être transféré ailleurs. » ("Pensées", trad. A. I. Trannoy, V, 33). Cette égalité d’âme à l’égard de la perspective de mourir repose donc sur une vision où la vie a perdu sa teneur, et si elle ne lui ajoute rien, elle ne peut guère lui ôter une valeur qu’elle ne possède pas. Au mieux, la perspective de la mort incline au détachement vis-à-vis des fausses valeurs de la vie.
La mort, comme néant, enrichit la vie
Semblablement, c’est parce que la mort, comprise comme néant, nous dévoile l’absurdité de la vie, que cette dernière pourra être authentiquement vécue, dans la conscience et la révolte : « Il s’agissait de savoir si la vie devait avoir un sens pour être vécue. Il apparaît ici au contraire qu’elle sera d’autant mieux vécue qu’elle n’aura pas de sens. Vivre une expérience, un destin, c’est l’accepter pleinement [...]. Vivre c’est faire vivre l’absurde. Le faire vivre, c’est avant tout le regarder. Au contraire d’Eurydice, l’absurde ne meurt que lorsqu’on s’en détourne. L’une des seules positions philosophiques cohérentes, c’est ainsi la révolte [...] Cette révolte donne son prix à la vie» (A. Camus, "Le Mythe de Sisyphe", Gallimard, coll. Idées, pp. 76-77). Ainsi, c’est dans le sentiment de notre finitude et la capacité que nous avons de faire face à notre propre mort que nous puisons la force et l’énergie de vivre pleinement et authentiquement la vie qu’il nous est donné de vivre, car « la vie de l'esprit n’est pas la vie qui s'effarouche devant la mort et se préserve pure de la décrépitude, c’est au contraire celle qui la supporte et se conserve en elle» (Hegel, "Phénoménologie de l'esprit", p. 48, trad. J.-P. Lefebvre).
[…] style consistant à personnifier une idée , une abstraction. Par exemple, la représentation de la Mort sous l’aspect d’une faucheuse, la figuration de l’Amour par un personnage […]
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