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La Modification de Michel BUTOR, 1957, Éditions de Minuit

• Comme La Jalousie de Robbe-Grillet, La Modification est un exemple des recherches techniques ingénieuses sur lesquelles repose le nouveau roman contemporain. • Un homme monte dans le train Paris-Rome pour aller annoncer à Cécile, sa maîtresse, qu'il a tout préparé pour l'installer en France; ce voyage vers Rome devient pour lui un cheminement vers la prise de conscience que son projet est vain. Le livre est formé des images, des rêveries, des cauchemars, des pensées aussi, qui s'emparent de lui au fil des heures, l'idée originale de Butor ayant été de présenter ce discours intérieur à la deuxième personne, dans une forme intermédiaire entre la première personne et la troisième. Ce vous accusateur, qui démasque les secrets et les illusions, donne un tour impitoyable à la description des progrès que le héros fait en lui-même. L'échec d'un voyage à Rome avec sa femme Henriette, bonne bourgeoise chrétienne, étrangère à la Rome païenne de son rêve, la déception que lui a causée un séjour de Cécile à Paris où elle ne semblait plus elle-même, prennent leur sens : vous n'aimez véritablement Cécile que dans la mesure où elle est pour vous le visage de Rome, [...] vous ne l'aimez pas sans Rome et en dehors de Rome, [...] parce qu'elle y a été [...] votre introductrice [...] Reste à déterminer pour quelles raisons Rome possède (sur lui) un tel prestige; mais dès ce moment il a renoncé à la décision qui motivait son voyage et cherche comment expliquer cette modification à Cécile. Aux abords de Rome, il arrive à la pleine lucidité : son amour pour Cécile se confond avec sa nostalgie de l'ordre romain antique, avec une croyance secrète à un retour à la pax romana... Mais l'ordre ancien du monde est à jamais perdu. Conscient que (leur) amour n'est pas un chemin menant quelque part et que ses illusions romaines devaient un jour être détruites, le héros songe à chercher une issue dans la rédaction d'un livre. • S'il recourt à une fiction rusée (ces termes sont de lui) et se plaît à étirer de grandes phrases sur plusieurs paragraphes, Butor illustre un thème des plus classiques : on ne saurait faire que la réalité ressemble au rêve (cf. Sylvie).

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