La Jalousie d'Alain ROBBE-GRILLET
La Jalousie d'Alain ROBBE-GRILLET, 1967, Éditions de Minuit.
• Robbe-Grillet est le représentant le plus connu du nouveau roman parce que son œuvre littéraire se double de réflexions théoriques (cf. Pour un nouveau roman, coll. Idées/Gallimard) et d’une œuvre cinématographique qui a obtenu un large succès.
• Il considère que le roman doit se renouveler en refusant les conventions du roman classique, celui dont Balzac a fixé le modèle. Il reproche au romancier traditionnel de feindre d’être placé en historien omniscient au-dessus du champ d’observation. À ses yeux, la continuité temporelle et spatiale, que suppose l'histoire, est contraire au mode de pensée actuel; la conscience narratrice moderne est sur terre, située dans le champ (au sens cinématographique du terme). En vertu de ces principes, Robbe-Grillet abolit la notion classique de caractère organisé et logique, tout comme la notion de récit explicatif, et ce au profit d’une série de plans qui se succèdent sans ordre narratif éclairant. Ainsi, dans La Jalousie, voit-on défiler et reparaître périodiquement, dans un ordre variable, des images de la terrasse d’une maison, d’une bananeraie, d'une femme aperçue par une fenêtre, une lettre à la main, du rituel d'un apéritif, puis d’un repas, d’un mille-pattes écrasé sur un mur, d’ouvriers au travail dans la plantation, etc., selon des plans plus ou moins gros et plus ou moins longs. Il s’y mêle des bribes de conversations lorsque des personnages se trouvent dans le champ. On peut croire que va démarrer une intrigue sur le thème de la jalousie, puisqu’une jeune femme, A., reçoit un voisin, Franck. Le fait qu’on ne voit jamais son mari, dont la présence est suggérée par le nombre des sièges et des couverts, conduit à comprendre que c’est le regard de celui-ci qui détermine les plans successifs, mais nous entrons peu dans les pensées qui pourraient accompagner ce regard. On est loin du discours intérieur traditionnel d’un homme aux prises avec la jalousie. D’ailleurs Robbe-Grillet le confirme lui-même en déclarant : Ce n’est pas plus la description du sentiment de jalousie que la description de la façon dont on construisait les maisons à la Martinique en 1910 (interview télévisée, 1969). Le livre ressemble surtout à un exercice technique dont les servitudes seraient inspirées de celles de la caméra, avec des arrière-pensées d’ordre philosophique sur la situation de la conscience devant les faits, particulièrement de la conscience de l’écrivain. L’auteur s’explique sur ces problèmes dans Le Miroir qui revient (1984).
• Avec ce roman, Robbe-Grillet a su créer un certain envoûtement par la surprise et par le dépaysement, non pas géographique, mais intellectuel et esthétique, en nous obligeant à saisir la réalité à un niveau où notre habitude de la logique et de l’explication nous a désappris à nous tenir.
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