« La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens. » Clausewitz
« La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens. » Clausewitz
Axe 1 La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux. Jalons - La guerre, « continuation de la politique par d’autres moyens » (Clausewitz) : de la guerre de 7 ans aux guerres napoléoniennes. - Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des « guerres irrégulières » : d’Al Qaïda à Daech.
- Sources :
- Clausewitz : "De la guerre" de Christian Ruby (Ellipses)
- Clausewitz : "De la guerre" (livre I) - Présentation par Benoit Chantre (GF)
- La guerre - Prépas scientifiques (concours 2015 - 2016) - Bréal.
- Qui était Clausewitz ?
Officier prussien. Carrière consacrée à combattre les armées napoléoniennes. Fait prisonnier à la bataille d'Iéna en 1806 et interné en France pendant deux ans = humiliation personnelle et nationale profonde. Il participera à la bataille de Waterloo (les 18 et 19 juin 1815 - défaite de Napoléon contre les prussiens).
Il participe à la réorganisation de l'armée prussienne sur le modèle des armées napoléoniennes de masse (conscription, fin des châtiments corporels, promotion au mérite, mise en place de divisions, création des corps d'armée, création d'un Etat-major, etc.).
Clausewitz profita de sa situation de directeur de l'Ecole de Guerre de Berlin, pour rédiger l'ouvrage ("De la guerre" - 1832). Réputation posthume. Ouvrage inachevé. Seul le 1er chapitre est rédigé. Le reste de l'ouvrage sous forme de notes. Ouvrage publiée par sa femme bien-aimée et bien aimante, Marie, comtesse von Brühl, qui mettra tout en œuvre pour favoriser la carrière de son mari ?. Clausewitz = soldat amoureux !
Carl von Clausewitz meurt foudroyé du choléra. Mort atroce à l'âge de 51 ans.
Clausewitz est un grand penseur de la polémologie.
► "De la guerre" = Penser, rationaliser la guerre, tel est l'objectif que s'assigne l'officier prussien dans cet ouvrage.
(1) Pour les uns, penser la guerre peut paraître incongru. Car, guerre = déchaînement des passions et des pulsions de mort (thanatos). Animalité de l'homme. Guerre serait infra-rationnelle, animale.
(2) Pour les autres, la guerre est vénérée, sublimée. Héroïsme quasi-divin des guerriers (Achille, Patrocle pdt la guerre de Troie). Pour les grecs, Arès, fils de Zeus et d'Héra, dieu de la brutalité et de la destruction. Pour les romains, Mars, père de Remus et de Romulus. Guerre serait supra-rationnelle, divine.
► Contre les uns (1) et les autres (2), Clausewitz engage une analyse rationnelle (logique) de la guerre sans affirmer qu'elle est raisonnable (morale). La guerre est humaine… trop humaine.
- Penser la guerre.
Guerre = lutte armée et sanglante entre groupements organisés (armées). Guerre = "duel" généralisé, à grande échelle.
Guerre = dimension collective qui la distingue du crime. La guerre a un caractère juridique et organisé : alors que le crime se définit par la transgression des règles. Guerre (≠ du crime) caractérisée par des règles : déclaration, alliances, armistice, traités de paix, etc.
But de la guerre = désarmer l'ennemi, empêcher toute riposte ; non pas l'exterminer (Clausewitz n'est pas Hitler !), mais le priver de toutes ses capacités offensives et défensives.
Pour Clausewitz, guerre = acte de violence dont l'objet est de contraindre l'adversaire par la force, le combat. Définition de la guerre : « La guerre est un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté. ».
La guerre est alors “la continuation de la politique par d’autres moyens “ (Clausewitz, De la guerre); elle est « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». La finalité de la politique à l’intérieur ou à l’extérieur est toujours la domination. Ce but est atteint par la médiation de la loi en temps de paix, tandis qu’il s’impose par les armes en temps de guerre.
Guerre = rapport de forces. Le conflit armé évolue naturellement, par sa propre logique, vers la situation de « guerre absolue », qui exclut toute considération éthique ou humanitaire. On ne fait pas la guerre, ni la paix avec de bons sentiments ?.
Il n'y a d'autre issue pour les forces en présence qu'une tendance à évoluer vers le maximum de déchaînement de violence (« montée aux extrêmes »).
Violence illimitée. Montée aux « extrêmes ». Développement de l'hybris. La violence va crescendo. Réciprocité belliqueuse des belligérants.
Exemple de montée aux extrêmes : les bombes atomiques sur la Japon durant la 2de GM.
Guerre = mode de domination de l'homme par l'homme.
► « Achever Clausewitz » (René Girard) :
Mais, but de la guerre, pas de tout détruire, mais, vision réaliste de Clausewitz : sur le théâtre des opérations, la violence maximale est la loi.
Guerre "absolue" : employer tous les moyens pour mettre l'ennemi hors d'état de nuire. Violence sans limite.
Comment vaincre politiquement sans semer chez le vaincu les ferments de haine et de revanche qui motiveront une guerre prochaine mettant en danger les gains réalisés, ou l'équilibre préservé ?
Le concept de « guerre absolue » est un concept pur théorique/abstrait qui ne se réalise jamais réellement totalement dans la réalité. Un « idéal de la raison » pour parler comme Kant. Toutes les guerres ne sont pas des génocides ou des guerres totales. Même la guerre du Viêtnam était une guerre limitée.
Une guerre est rarement « absolue » car :
- On proportionne son attaque aux forces de l'ennemi. Exemple : USA contre l'Afghanistan ou contre l'Irak.
- Jamais un Etat ne mobilise toutes ses troupes ou armes dès le déclenchement d'un conflit.
- Incertitude de la guerre d'où une certaine prudence des belligérants.
- Le résultat n'est jamais acquis. Gagner une victoire n'est pas gagner la guerre.
- Qu'est-ce que la guerre ? Un duel à grande échelle où l'on veut soumettre l'ennemi à sa volonté et au moyen de la violence.
- « La guerre est un acte politique. »
Contrairement à ce que pensent les idéalistes et les progressistes, la guerre n'est pas un phénomène primitif (pulsionnel) ou anachronique. Elle est un instrument efficace au service des États.
Recours ultime lorsque les dissensions entre puissances ne peuvent être réglées par la diplomatie. Guerre = conséquence de rapports diplomatiques inaboutis. La guerre n'est pas le symptôme d'une brutalité animale mais fait l'objet de stratégies rationnelles. Avant de commencer une guerre, il faut se demander :
- Pourquoi fait-on la guerre ?
- Qu'est-ce que l'on peut obtenir ?
- Quels moyens (humain, matériel, financier) peut-on y mettre ?
► Paragraphe 24 du premier chapitre de « De la Guerre » : « La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens. », c'est-à-dire ceux de la force, de la violence.
Nul cynisme, nul sentimentalisme mais rappel d'une vérité universelle : on ne fait pas la guerre pour la guerre ; la guerre ne vaut pas pour elle-même et par elle-même ; toute guerre a des objectifs politiques. Guerre = moyen, lorsque la diplomatie a échoué.
// Aristote : (Politique, VII, 15, 1334a – 15) = la guerre n'est pas fin en soi. Seule la paix est le « souverain bien ».
Guerre = instrument, moyen à la disposition de l'Etat. La fin militaire est subordonnée à la politique, et non l'inverse. Guerre = moyen. Politique = fin. La guerre est un acte de souveraineté. La guerre est bornée et normée par la politique.
- Guerre est soumise aux objectifs de la politique : « L'intention politique est la fin, tandis que la guerre est le moyen, et l'on ne peut concevoir le moyen indépendamment de la fin » et l'on ne peut concevoir la fin indépendamment du moyen. La guerre est un moyen dont aucun État ne peut a priori faire l'économie.
Absurde de penser les rapports entre guerre et politique en termes de ruptures. Mais plutôt les penser en termes de continuité. Complémentarité entre la guerre et la politique. Avers et revers d'une même médaille. Continuum politique-guerre.
// « La politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique sanglante. » Mao Tsé-toung, De la Guerre prolongée, 1938.
Cependant, c'est au bout du compte la politique qui doit l'emporter sur la guerre, et, non la guerre sur la politique. Si le but de la guerre est militaire, la fin en est politique :
« Donc, si l'on songe que la guerre résulte d'un dessein politique, il est naturel que ce motif initial dont elle est issue demeure la considération première et suprême qui dictera sa conduite. »
Il n'y a pas de guerres à cause des militaires mais des militaires parce les Etats provoquent des situations dans lesquelles la guerre est inévitable.
- La paix comme finalité de la guerre
Au fond, la guerre ne vise pas la guerre : elle poursuit toujours un but politique, en priorité la paix, la défense d'un pays agressé ou la restauration d'une injustice à la suite de la violation d'un traité. Savoir « gagner la paix ».
Il revient donc, en définitive, au seul pouvoir politique de prendre la décision de commencer ou de finir un conflit guerrier.
// Clemenceau, ministre de la (première) guerre mondiale, dira « la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires ». La guerre est un moyen sérieux relatif à une fin sérieuse.
Clausewitz refuse un usage uniquement belliciste de la guerre, cad une guerre qui ne serait pas soumise au politique. Pas d'apologie d'un usage déréglé de la violence. Primat de la défense sur l'attaque. Clausewitz = ni belliciste, encore moins … pacifiste ?. Chez Clausewitz, pas d'apologie de la guerre pour la guerre.
La guerre, pas un état permanent ou originel (Clausewitz n'est pas Hobbes). D'où la nécessité d'un retour à la paix, retour à l'ordre.
Paix = fin (terme) et finalité (but) de la guerre. Avec la paix, on peut considérer que la guerre a accompli sa tâche, son rôle. La paix n'est jamais qu'une trêve prolongée et prolongeable mais jamais absolument définitive // « Si vis pacem para bellum » = Paix armée.
Paix = pas visée morale mais un calcul d'intérêts bien compris. Parce que la continuation des hostilités n'est pas toujours souhaitable pour les belligérants. La guerre s'achève alors en diplomatie.
- La guerre, art ou science ?
La guerre ne se réduit pas à l'application de recettes, de savoir-faire qu'il suffirait d'appliquer pour obtenir la victoire.
La guerre n'est pas une science car trop de paramètres entrent en ligne de compte.
Pendant la guerre, rien ne se passe comme prévu, Clausewitz nomme cela les « frictions » (= cad les obstacles à la « guerre absolue »).
Métaphore du "caméléon [...] changeant de nature dans chaque cas particulier".
Guerre est plus un art qu'une science. La chance, la fortune, le hasard y jouent un rôle prépondérant. L'art de la guerre est de faire face aux événements contingents, aux probabilités : « La guerre est le domaine de l'incertitude. Les trois quarts des éléments sur lesquels se fonde l'action flottent dans le brouillard (*) d'une incertitude plus ou moins épaisse. »
(*) « brouillard de guerre » = incertitude, imprévisibilité de l'ennemi, manque d'informations sur l'ennemi. D'où l'importance des services de renseignement.
// Machiavel (que Clausewitz admirait): « virtù » et « fortuna ». Le « Prince » doit savoir passer de la ruse du « renard » à la force du « lion » au gré des changements de la « fortune » :
LIEN EXTERNE – (Machiavel : Virtù et Fortuna) => https://databac.fr/machiavel-virtu-et-fortuna/
// Napoléon : « Je sais, quand il le faut, quitter la peau du lion pour prendre celle du renard. » - rapportée par Talleyrand dans ses Mémoires.
Comme Machiavel, Clausewitz accorde une grande importance à l'Histoire, s'appuie sur des exemples de campagnes célèbres.
Clausewitz, lecteur de Kant, reprend les analyses du philosophe sur le « génie » dans les beaux-arts pour les adapter au domaine de la guerre. Guerre élevée au rang des beaux-arts.
LIEN EXTERNE – (« Le génie chez Kant ») => https://databac.fr/recapitulation-de-la-notion-de-genie-chez-kant/
- Les 3 pôles de la guerre ou l' « étrange trinité » de la guerre.
La guerre implique toute la Nation.
3 pôles de la guerre que Clausewitz appelle « l'étrange trinité » : le peuple (passion, patriotisme, vengeance), le militaire (courage) et le politique/gouvernement (intelligence, raison).
// Platon et la tripartition de l'âme humaine dans « Phèdre » :
- « Epithumia » = ventre = passions, pulsions, désirs => peuple au niveau de la cité.
- « Thumos » = coeur = courage, volonté => guerriers au niveau de la cité.
- « Logos » = cerveau = intelligence, raison => rois-philosophes.
Une âme juste est celle où le « logos » se sert du « thumos » pour diriger l' « épithumia ».
Une cité juste est celle où le roi/philosophe s'allie avec les militaires pour diriger le peuple.
Figure 1: La tripartition de l'âme chez Platon
- La guerre, affaire du peuple.
Avant 1789 : Armée royale, composée de mercenaires plus ou moins fiables qui vendaient leur service au plus offrant.
Avec la Révolution française et Empire, formation d'une armée de citoyens. Invention de la conscription.
Valmy en 1792 = +/- 100000 hommes. Austerlitz en 1805 = +/- 150000 hommes. Bataille de Russie en 1812 = +/- 250000. Leipzig en 1813 = +/- 500000 hommes.
Si Clausewitz, monarchiste farouche, est anti-révolutionnaire et anti-parlementariste, il prend bonne note de cette rupture historique de la Révolution française et de l'Empire napoléonien.
La « guerre populaire » = « le peuple en armes ». Armer le peuple est le meilleur moyen pour ne pas dépendre d'une force extérieure et versatile. Citoyen-soldat impliqué dans le souci du bien commun, la « Nation ». Citoyen garant de la défense nationale. Guerre n'est plus une affaire d'aristocrates collets montés (= la "guerre en dentelles" ? => « Messieurs les anglais, tirez les premiers ! » - Bataille de Fontenoy - 1745).
Exemple de la bataille de Valmy (20 septembre 1792): côté français, levée en masse de "citoyens" libérés des servitudes féodales qui ont permis la victoire de la France sur la Prusse.
« La guerre est devenue l'affaire de la Nation », « la « cause du peuple », c'est le peuple entier qui se bat, l'élément moral et le sentiment patriotique prennent une importance qu'ils n'avaient pas auparavant.
- Napoléon : génie de la guerre moderne.
Clausewitz ne cache pas une certaine admiration pour Napoléon pourtant son ennemi !
Napoléon incarne la nouvelle manière de faire la guerre, reposant sur la vitesse de mouvement, la prise de risque et la bataille décisive : sa campagne de 1805, Austerlitz, devient un modèle de stratégie militaire.
LIEN EXTERNE - (« La guerre au temps de Napoléon ») : https://www.devoir-de-philosophie.com/dissertations_pdf/84432.pdf
Napoléon = « dieu de la guerre », capable par son « génie » de décider de l'issue des batailles. Victoires de Napoléon = triomphe de l'audace, de l'ambition, du courage, de la surprise, de l'improvisation.
Mobilité des armées. Pas de guerre statique. Armée structurée en corps (infanterie, cavalerie, artillerie). Celle-ci est structurée en corps d'armée, une unité tactique autonome comptant de 30 à 40000 hommes rassemblés dans deux ou trois divisions d'infanterie, une brigade de cavalerie légère, des artilleurs ainsi que des unités du génie (= logistique de la guerre). Campagnes rapides. Formation de soldats d'élite : « Garde impériale », « Vieille Garde ».
Extension territoriale de la péninsule ibérique à la Pologne, et de l'Italie au Danemark.
Napoléon constitue la "Grande Armée" de 1805 à 1808 et en 1811. Napoléon fait aussi appel à des contingents de pays vassaux pour former sa Grande Armée. Armée mobile, fidèle au chef et aux maréchaux. Esprit de sacrifice. Conscription = « loi Jourdan » de 1798 : tout Français doit le service militaire de 20 à 25 ans. Figure du citoyen-soldat.
Développement à l'extrême de toutes les forces mobilisables (matérielles, financières et humaines). Même l'Eglise (concordat avec Pie VI) : « Les conquérants habiles ne sont jamais brouillés avec les prêtres. » (Napoléon).
Napoléon parle aux soldats, partage même leur repas : après victoire d'Austerlitz (2 décembre 1805) : « Soldats, je suis content de vous ! »
Un seul état-major : Napoléon laisse peu d'initiative à ses maréchaux.
Armée dépendante de l'Etat, représentée par l'Empereur, à la fois chef de guerre et chef d'Etat.
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- Le modèle de Clausewitz à l'épreuve des « guerres irrégulières » : d'Al Qaïda à Daech.
Le terrain de la guerre est aujourd'hui la ville (voire les mers) plutôt que celui du champ de manœuvre nu ou boisé.
La vision clausewitzienne de la guerre est menacée par :
- Apparition de nouveaux conflits qui contredisent la définition de la guerre comme un affrontement purement inter-étatique entre 2 armées régulières :
* « guerre de partisans » (campagne d'Espagne sous Napoléon) :
1808 : Napoléon désigne son frère Joseph comme roi d'Espagne à la place de Charles IV => soulèvement populaire national à Madrid et début d'une guérilla de 6 ans.
* « guerres coloniales ».
* « guerres civiles » ou « guerres révolutionnaires ».
* « conflits de basse intensité » ou « guerre contre le terrorisme » : Guerre irrégulière et asymétrique. Usage de la violence (attentats, massacres) pour terroriser la société civile et intimider/déstabiliser l'Etat. Pas de déclaration de guerre, pas d'affrontement entre 2 armées, pas d'adversaire clairement identifiés devant soi. Violence aveugle (terrorisme, exécutions) et ennemis invisibles. Globalisation du conflit (Afghanistan, USA, Irak, Europe). Guerre non linéaire : actions ponctuelles dans une stratégie au long cours de conflits asymétriques & transnationaux. Menace de l'intérieur, l'ennemi est de l'intérieur (frères Kouachi, Coulibaly). La guerre n'est plus de masse comme le pensait Clausewitz mais le fait d'individus isolés (« loups solitaires », petites cellules terroristes). Faille sécuritaire. Guerre qui oppose des ennemis absolus (un camp du « Bien » et un axe du « Mal »). Pas de front identifié : le terrorisme peut frapper partout et tout le temps. Un état de guerre sans fin, sans trêves ou armistices. Formes de guerres nouvelles brouillent la distinction entre civil / soldat, politique intérieure / affaires étrangères, amis / ennemis, guerre / paix.
=> La guerre n'est plus le dernier recours de la politique, mais apparaît comme la trame secrète de toute politique.
Renversement de la formule de Clausewitz : c'est la politique qui est la continuation de la guerre par d'autres moyens. La politique n'aurait plus qu'une seule fonction celle de se mettre au service de la guerre.
Avec ce renversement, la guerre devient la fin et la politique devient le moyen.
« Le pouvoir, tout simplement, est-il une guerre continuée par d'autres moyens que les armes ou les batailles ? » se demande Michel Foucault qui repère les rapports de force à l'intérieur de la société.
Lénine renverse la formule de Clausewitz avec le concept de « lutte de classes ». La guerre de tous contre tous étant l'état ultime du capitalisme :
- LIEN EXTERNE – (« La lutte des classes chez Marx ») : https://databac.fr/marx-la-lutte-des-classes/
Etat = instrument de la classe dominante, la paix intérieure n'est que fictivité et cache une véritable guerre des classes, laquelle prend tantôt un aspect légaliste (guerre idéologique), tantôt un aspect insurrectionnel (guerre révolutionnaire) menant à une guerre ouverte entre les 2 classes antagonistes (bourgeoisie et prolétariat). Cf. cours sur l'ETAT en philo.
De même C. Schmitt (La Notion de politique) détermine le champ politique comme affrontement entre l' « ami » et l' « ennemi » (hostis – à distinguer de l'inimitié personnelle, inimicus) : c'est la possibilité d'un état de guerre qui devient le critère même du politique.
Conclusion
La formule clausewitzienne, qui subordonne le militaire (la force) au politique (le droit), et, fait de la guerre l'ultime recours de la diplomatie, ne tient donc que dans le cas des guerres inter-étatiques et régulières. Pourtant, à l'époque même où Clausewitz écrit son ouvrage, les guerres napoléoniennes voient l'émergence, pour la première fois, en Espagne, de la figure du « partisan », prototype du « révolutionnaire » ou du « terroriste » du XXe siècle qui appellent à un dépassement de la vision clausewitzienne de la guerre.
Exemple de Dissertation : Le modèle de Clausewitz est-il adapté à toutes les formes de conflits qu'il soit conventionnel ou non conventionnel ?
Carl Von Clausewitz est un officier militaire prussien. Il est un acteur et témoin du passage des conflits limités du XVIIIe siècle aux guerres déchaînées du début du XIXe siècle, en affrontant les armées napoléoniennes dans l'armée prussienne puis russe. Après 1815, Clausewitz se plonge dans la réflexion, il veut comprendre pourquoi la guerre a pris une telle ampleur durant la période révolutionnaire et napoléonienne. Il construit une théorie de la guerre, qui n'est pas un « manuel militaire » pour l'emporter, mais une source de réflexions destinée à comprendre « ce qu'est la guerre ». Cette théorie est développée dans « De la guerre », publié en 1832. Ce traité a exercé une grande influence. En effet, depuis la fin de la guerre froide en 1945, il y a de moins en moins de guerres régulières mais les guerres irrégulières se font de plus en plus nombreuses. Tout d'abord les guerres régulières se définissent par un affrontement armé entre deux états différents et inversement les guerres irrégulières sont des affrontements qui impliquent des acteurs non conventionnels tels que des groupes rebelles (criminels et terroristes). Nous allons donc tenter de répondre à la problématique suivante. Le modèle de Clausewitz est-il adapté à toutes les formes de conflits qu'il soit conventionnel ou non conventionnel ? Pour cela, nous nous intéresserons dans un premier temps au modèle de Clausewitz face aux guerres régulières puis dans un second temps nous verrons le modèle de Clausewitz face aux guerres non-conventionnelles.
Tout d'abord, nous nous intéressons au modèle de Clausewitz face aux guerres régulières. D'après le modèle Clausewitzien, la guerre est tout d'abord la continuation politique par d'autres moyens. En effet, en confrontant la théorie à la réalité, Clausewitz fait réapparaître la nature politique des fins militaires. En pratique, la guerre s'arrête lorsque le vainqueur est satisfait par ce qu'il a obtenu et qu'il est en mesure d'empêcher le vaincu de se réarmer. Dans le détail, les considérations politiques préconisent son interruption lorsque la supériorité de l'un des belligérants (souvent le défenseur) ne peut plus être renversée ou lorsque la situation ne peut plus être évaluée. Si le hasard et la dimension subjective de la guerre sont comparables à ceux d'un jeu, elle est cependant un moyen sérieux au service d'une fin sérieuse : elle a toujours un motif politique. « Nous voyons donc, écrit Clausewitz, que la guerre n'est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques, un accomplissement de celles-ci par d'autres moyens. Ce qui demeure propre à la guerre relève purement de la nature singulière de ses moyens » (De la guerre). Ainsi, la politique imprègne toujours l'acte militaire tout entier et l'influence en permanence. Clausewitz précise que plus la fin politique de la guerre est grandiose, plus le conflit sera purement militaire et se rapprochera de sa forme théorique ; en revanche, plus la tension est faible, et plus la guerre sera de nature politique. Clausewitz considère donc que la guerre est un outil au service de l'intérêt national, un instrument aux mains d'une communauté qui peut décider de l'utiliser pour promouvoir ses intérêts à l'extérieur du territoire national. Ce point est essentiel car pour Clausewitz la guerre ne peut être une décision unilatérale puisque l'intentionnalité de faire la guerre est réciproque. La guerre débute d'ailleurs pour Clausewitz lorsqu'un groupe qui subit une agression décide de réagir : c'est le choix de l'acteur agressé de se défendre par la violence armée qui marque l'entrée en guerre. Par exemple, on retrouve des motifs politiques et idéologiques dans la guerre de Sept ans. Le but premier était l'extension des conquêtes territoriales des royaumes d'Europe centrale, notamment la Prusse face à l'Autriche mais aussi l'affirmation des ambitions économiques et coloniale de l'Angleterre face à la France. Pour la Grande-Bretagne par exemple, la guerre a pour but principal de détruire la France en tant que concurrent commercial. On peut dire que la guerre de Sept ans est un tournant dans l'évolution des mutations politiques et idéologiques. Ensuite, les guerres révolutionnaires et napoléoniennes représentent également une continuation politique, la monarchie absolue est renversée et les idées révolutionnaires se répandent dans le monde entier. Les guerres sont vigoureuses, rapides, où la manœuvre prépare la bataille et où la bataille vise à acculer l'ennemi à la capitulation, ou à la destruction totale. Alors selon lui la guerre s'accompagne également toujours d'un recours à la violence armée. En effet, la guerre équivaut à un duel amplifié. Dans De la guerre, Clausewitz la définit comme un acte de violence engagé pour, comme dans un duel, rendre l'adversaire incapable de toute résistance et ainsi le soumettre. Si la violence militaire bénéficie des inventions scientifiques, elle se fixe aussi des restrictions, sans toutefois s'affaiblir. Selon lui, le recours à la violence armée est indispensable pour passer de la relation de paix à la relation de guerre. Le déclenchement de la guerre a lieu lorsque éclate la première confrontation violente entre deux groupes armés (sinon on est dans la non-guerre comme la guerre froide entre les deux Grands). Les acteurs doivent alors faire le choix de recourir à la violence effective, même si l'usage de celle-ci est discontinu. Les différents conflits de la guerre de Sept ans, première guerre contemporaine, sont d'une grande violence, même si en grande partie ils se font sur le front on peut aussi retrouver de grande violence mortelle pour les populations. Par exemple la déportation des acadiens qui ne voulaient pas prêter allégeance au roi d'Angleterre, les habitants de cette ville sont alors dans l'obligation de se déporter vers de nouvelles colonies britanniques, mais ce phénomène engendre beaucoup de morts car la population meurt de froid, de maladie, ou de naufrage. Cette déportation est une des premières opérations de nettoyage ethnique qui est une tentative de création de zones géographiques à homogénéité ethnique par la violence, la déportation ou le déplacement forcé. Durant de la Révolution française, Bonaparte a aussi conduit la guerre jusqu'à l'écrasement de l'ennemi, les contrecoups se suivaient presque sans rémission. Nous retrouvons donc également des batailles très violentes, pas seulement pour la population mais aussi pour les combattants comme la bataille de Zorndorf qui est la plus sanglante du siècle. La déclaration de guerre de la France révolutionnaire fut un conflit majeur, tant politiquement, que totale ainsi que par de grande violence ou l'on retrouve une fois de plus un énorme nombre de victimes. Enfin, Clausewitz considère alors que la guerre est totale. En effet, elle mobilise d'autres moyens que la violence pour faire la guerre tels que l'économie, la politique, la diplomatie, le militaire. Elle ne concerne donc plus uniquement des objectifs militaires mais, souvent source d'union sacrée entre tous les partis politiques, elle cherche à atteindre des buts de guerre en impliquant l'ensemble de la société ciblée et de ses moyens pour mobiliser et détruire la totalité des ressources du belligérant. L'intégralité des peuples sont concernés et ont l'obligation de combattre pour sauver leur Etat, pays, nation. C'est un véritable sentiment patriotique qui se développe. Durant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, partout dans le monde des luttes pour la suprématie coloniale et commerciale se déroulèrent. Napoléon devint indirectement l'architecte de l'indépendance de l'Amérique du Sud, remodela le Moyen-Orient, affermit les ambitions impériales de la Grande-Bretagne et contribua à l'essor de la puissance américaine. Cette guerre fut donc un conflit majeur par son extension puisqu'à l'exception de l'Extrême-Orient, le monde entier y fut entraîné, directement ou indirectement. C'est cette guerre qui a officialisé la conscription par la loi du 5 Septembre 1798. De plus, la guerre de sept ans a également causé de nombreuses conséquences sur les populations notamment la déportation des Acadiens. Elle a également mobilisé la nation pour anéantir l'ennemi. C'est cette guerre qui a engendré une nouvelle conception de la guerre c'est-à-dire la recherche du démantèlement des forces de l'adversaire dans sa capitulation. Alors après avoir abordé le modèle de Clausewitz face aux guerres irrégulières, d'après lequel la guerre est tout d'abord la continuation politique par d'autres moyens, puis qu'elle doit avoir recours à la violence armée et enfin qu'elle a un caractère totale, nous nous intéresserons ensuite au modèle Clausewitzien face aux guerres irrégulières, c'est-à-dire par l'absence de justification politique, puis par une violence non justifiée et enfin l'absence du caractère total de la guerre. Cependant le modèle de Clausewitz est-il toujours approprié à l'épreuve des guerres irrégulières ? Il y a une absence de justification politique lors des guerres dans la religion musulmane appelé l'Islam. En effet, selon Clausewitz la guerre n'est pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques et un accomplissement de celles-ci par d'autres moyens. Au XXIe siècle, la guerre correspond de moins en moins au modèle de Clausewitz : elle est le plus souvent irrégulière impliquant des acteurs non étatiques. Celle-ci désigne l'incapacité des états occidentaux à penser l'altérité des conduites de la guerre en dehors du modèle qu'ils ont préétabli. Ainsi sont regroupées sous ce vocable, différentes actions contestataires telles que le terrorisme, la guérilla, l'insurrection, les actions de subversion ou de propagande, la grève, le sabotage, ... tout ce qui se construit en opposition à un Etat, sans que les acteurs ne soient eux-mêmes agents étatiques. Plutôt que de rechercher la confrontation directe et une victoire militaire, les mouvements irréguliers contournent la puissance de leurs adversaires en se dérobant à leurs attaques et en agissant parmi les populations. Ces guerres irrégulières mèneront plus tard à des actes terroristes. Le terrorisme se définit comme un acte politique dont les motivations sont de nature criminelle et non économique, qui se manifeste par des actes violents et vise de façon indéterminée les civils et les armées. L'objectif est de toucher l'opinion publique pour faire pression sur le pouvoir politique. Il y a l'exemple de Oussama Ben Laden qui est un des fondateurs d'Al-Qaïda. Il recrute, forme et coordonne des moudjahidin pour en faire des terroristes. Lui a sa propre vision du terrorisme. Les références du chef d'Al-Qaïda sont exclusivement religieuses : la « nation islamique subit, depuis quatre-vingts ans, humiliation et mépris ». Dans les « Etudes militaires du Jihad contre les tyrans », il est dit que « le martyre permet la réalisation de la religion d'Allah toutpuissant sur terre ». Pour Al Qaïda le religieux recouvre le politique et le rend inutile, en annonçant une réalisation rapide du paradis sur terre. Enfin, il y a donc bien l'absence de justification politique dans ces guerres et celles-ci sont menées dans un but religieux. Face aux guerres irrégulières les violences ne sont pas toujours justifiées selon la pensée de Clausewitz. En effet, Clausewitz a théorisé les relations guerrières entre Etats par cette formule devenue célèbre : « La guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens ». Nous avons pu observer que depuis un certain temps, de nouvelles formes de guerres irrégulières se sont formées comme par exemple le terrorisme qui se définie par un emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique avec des actes de violence qui peuvent être des attentats, des destructions ou encore des prises d'otages. De plus, le djihad est étroitement associé à une violence de nature politique exercée en son nom, dans le but de contraindre des États, des populations à un retour aux lois de Dieu et à la société prophétique de l'islam originel et à épurer l'ordre politique en place c'est à dire que selon les combattants de l'islam, leurs violences seraient justifiées pour honorer leur Dieu « Allah ». Nous pouvons montrer cela avec par exemple l'apparition de plusieurs organisions islamiques comme Al-Qaïda ou encore Daesh. Effectivement, de nombreux actes terroristes basés sur de la violence non justifiée a touché certains pays tels que les Etats-Unis avec les attentats prémédités par Al-Qaïda le 11 Septembre 2001. Durant ce jour, Washington, Arlington et Shanksville ont été touchés par 3 détournements d'avion de ligne mais le pire reste à venir avec la principale attaque de cet attentat causant la mort de 2743 personnes. En effet, deux avions se sont projetés sur les deux tours jumelles du World Trade Center tuant toutes les personnes à bords et de nombreuses autres travaillant dans ces immeubles. Même scénario que pour les Etats-Unis, la France a été également touchée par des attentats planifiés cette fois ci par l'organisation islamique Daesh. En, effet le 13 Novembre, Paris à été frappé pour 3 attentats qui se sont déroulés au stade de France, sur les terrasses des cafés parisiens et au bataclan, salle de spectacle emblématique de la capitale. Enfin, en confrontant les guerres irrégulières au modèle de Clausewitz, le terrorisme n'est pas une guerre totale. En effet, l'adjectif « total » renvoie à la domination totalitaire, avec laquelle la violence déployée par certains groupes contestataires partage bien des caractéristiques communes, en particulier le projet de terreur et l'activisme idéologique. Il rappelle aussi à la guerre totale. Le terrorisme mobilise seulement un groupe d'individu (non-conventionnel), contrairement à la 2nd Guerre Mondiale par exemple qui est une guerre totale puisqu'elle mobilise tous les hommes aux combats. Le terrorisme n'est donc pas un conflit conventionnel puisque que ce n'est pas une guerre qui se gagne sur le front des tranchées où grâce aux efforts de guerre de la population. Le but principal est surtout de terroriser les populations afin de déstabiliser des régimes. Dans la première guerre mondiale ainsi que dans la deuxième, il y a une certaine adhésion de la population puisqu'elle se sent concernée et se bat pour défendre son pays contrairement au terrorisme qui n'implique pas la participation de la population puisqu'elle n'adhère pas. En effet les Etats sont en coalition et luttent contre un acteur non conventionnel (les terroristes), c'est alors un conflit inter étatique asymétrique. Al-Qaïda par exemple, incite tous les musulmans à tuer en disant qu'il est de leur devoir de tuer les Américains et leurs alliés civils partout ou il est possible de le faire.
Nous pouvons conclure que le modèle de Clausewitz n'est pas toujours adapté à napoléoniennes et révolutionnaires illustrent cette conception de la guerre puisqu'elles représentent la continuation politique, imposent une violence armée ainsi qu'un caractère total. Cependant, la guerre a évolué vers de nouvelles formes, les guerres irrégulières, qui mettent à l'épreuve le modèle Clausewitzien, comme le terrorisme car elles n'opèrent pas de distinctions entre les populations civiles et militaires. Elles ne remettent pas pour autant en cause ce modèle puisqu'elles rappellent seulement que le terrorisme notamment est bien une mutation de la guerre, un nouveau type de conflit qui brouille notre conception politique de la guerre dans nos sociétés réglées par les codes et les normes.
Liens internet :
https://www.youtube.com/watch?v=bLfWy-qy-Og&t=11s (représentation humoristique de la pensée de Clausewitz)
https://www.youtube.com/watch?v=ym8nPcavi0M (réflexion philosophique sur la notion de guerre au cours de l'Histoire)
https://www.youtube.com/watch?v=GE_Kgf_io70&t=134s (René Girard parle de Clausewitz. Eclairant et intelligent)
https://www.youtube.com/watch?v=FvIWhkOk8gs&t=1234s (Longue vidéo sous forme d'un débat passionné. Ecouter à partir d'1 heure 10 minutes jusqu' 1 heure 48 minutes).
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