La Gloire de mon père de Marcel PAGNOL
La Gloire de mon père de Marcel PAGNOL, 1957, éditions de Fallois.
• Premier volume des Souvenirs d'Enfance de Pagnol. Ce sont les souvenirs d’une enfance heureuse, un témoignage sur une époque disparue, et une petite chanson de piété filiale qui passera peut-être aujourd’hui pour une grande nouveauté (Avant-propos).
• Marcel Pagnol y évoque sa famille avec tendresse, son père Joseph, l'instituteur, ardent serviteur de l'idéal laïque et républicain, sa mère Augustine, le petit Paul, son frère, la tante Rose et l'oncle Jules, d’éducation chrétienne, ce qui entraîne des débats comiques avec Joseph. Aux vacances, tous se retrouvent dans une maison louée au milieu des collines à quelques kilomètres d’Aubagne, la Bastide-Neuve. C’est là que se situe le bonheur pour l’enfant de neuf ans qui passe ses journées à découvrir la nature et à chasser. Tout est événement, et Pagnol joue avec humour sur l’enthousiasme et la naïveté de l’enfant qu’il fut. Le récit est découpé en épisodes construits comme autant de bonnes histoires, car Pagnol agit en conteur-né qui a le sens du mot qui porte et de la chute théâtrale. On se souvient de l’épisode de l’achat des meubles chez le brocanteur et de la chasse aux bartavelles, du coup du roi réussi par le père, chasseur novice, ainsi entré dans la gloire.
• La narration se poursuit dans Le Château de ma Mère : chasses mémorables avec Lili, un petit paysan du voisinage; aventures héroï-comiques de la famille prenant, pour se rendre à la Bastide-Neuve, un raccourci, le long d’un canal, à travers des parcs de châteaux, grâce à la clef procurée par Bouzigue, un ancien élève du père, qui est employé par la société des eaux.
• Au troisième volume, Le Temps des Secrets, l’expérience commence à désenchanter les collines. Marcel délaisse souvent Lili et le braconnage pour une camarade qui est déjà au lycée et va entrer en cinquième, Élisabeth. Elle passe ses vacances au hameau voisin dans une maison au confort bourgeois, son père écrit des vers d’inspiration médiévale, et elle fait jouer Marcel au Chevalier de la Reine. À la rentrée commencent les aventures de Marcel en sixième au lycée.
Roman de Marcel Pagnol, écrit en 1957.
Contexte
Ce roman est le premier de la trilogie autobiographique Souvenirs d'enfance, composée également du Château de ma mère (1957) et du Temps des secrets (1960). Pagnol nous livre son enfance avec une immense tendresse pour sa famille et son pays, mais aussi avec esprit et drôlerie.
Principaux personnages
- Marcel, l'auteur ;
- le père, instituteur laïque, républicain et utopiste ;
- la mère, Augustine ;
- l'oncle Jules ;
- Armand, un autre instituteur, ami du père de Marcel.
Résumé
Lorsque la Gloire de mon père commence, Marcel n'a pas encore 4 ans. Sa famille, stupéfaite, découvre qu'il a appris à lire tout seul. Il s'intéresse déjà beaucoup aux mots, qu'il collectionne dans un petit carnet. A 10 ans, il découvre les livres de Fenimore Cooper et compose un "Chant de mort d'un chef comanche" en huit couplets (paroles et musique).
Le Château de ma mère, c'est la bastide près d'Aubagne, où la famille Pagnol passe tous les étés. C'est aussi la découverte de la chasse pour le jeune Marcel, âgé de 9 ans, qui fait le "rabatteur et chien rapporteur" pour son père et son oncle. Marcel rencontre Lili des Bellons, avec qui il se lie d'amitié et partage des jeux de chasse.
Le Temps des secrets, c'est le temps des premiers émois amoureux. Pour Isabelle, la fille du poète Loïs de Montmajour, qui lui donne sa main à baiser, Marcel délaisse son ami Lili. Mais il sera cruellement déçu : le poète est un ivrogne et Isabelle s'appelle juste "Cassignol". Jules Verne a remplacé Fenimore Cooper. Les vacances s'achèvent sur l'épisode glorieux où Marcel tue un gigantesque serpent de trois mètres vingt. La rentrée est maintenant proche.
Résumé
Le petit Marcel est fortement marqué par la personnalité de son grand-père paternel qui est tailleur de pierres. Celui-ci est persuadé que seule l'instruction apporte le bonheur dans la vie. Aussi, tous ses fils entreront dans la carrière d'enseignant.
Joseph, le père de Marcel, obtient son premier poste à Aubagne où la petite famille restera trois ans, le temps d'amasser quelques souvenirs : la partie de boules sur la place, la statue d'un certain abbé Barthélémy du XVIIIe siècle, auteur des Mémoires et Voyages du jeune Anacharsis. Les gens du village, comprenant mal le titre, parlaient du «jeune anarchiste»!
C'est au cours de la deuxième nomination de son père, à St-Loup, près de Marseille, que l'on s'aperçoit que le petit Marcel est très doué pour son âge : il passe certaines heures de la journée dans la classe paternelle; un jour, l'enfant réagit à la phrase « Le petit garçon a désobéi et sa maman l'a puni » écrite au tableau. Marcel s'écrie : « Ce n'est pas vrai ! » et son père, surpris, ayant vérifié ses connaissances en lecture, constate qu'il lit couramment. Sa mère, influencée par ses voisines, craint que « le cerveau du petit n'éclate » !
Quelques événements marquants jalonnent la vie du futur écrivain: la naissance d'un petit frère, Paul, la nomination valorisante de son père à Marseille, la passion de celui-ci pour la cartographie.
Tous les dimanches, la tante Rose emmène Marcel au célèbre parc Borély où il prend plaisir à nourrir les canards. Un jour, un monsieur « bien mis » occupe leur banc habituel, ce qui fâche l'enfant, mais la tante, polie, engage la conversation avec l'«intrus». Les dimanches suivants, de nombreuses faveurs sont accordées au petit Marcel et la tante Rose devient très coquette : elle présente l'habitué du banc comme étant le directeur du parc, ce qui rend l'enfant très docile et très fier! Lorsque la tante annoncera son mariage avec le voisin du banc, il apprendra que c'est un simple fonctionnaire et se rendra compte pour la première fois que les adultes peuvent mentir.
Quand la tante Rose s'arrondit, on murmure dans le vil¬lage : « cela fera un enfant de vieux ». (Rose a trente ans et son mari, quarante). Les enfants impressionnés s'attendent à trouver dans le berceau un minuscule vieillard ridé, à barbe blanche; quel étonnement d'y découvrir une solide petite fille rose et joufflue !
Grande nouvelle, un dimanche : les deux beaux-frères ont loué pour l'été une maison dans les collines : la « Bastide neuve », au village de La Treille. Grand branle-bas : les meu¬bles achetés chez le brocanteur sont chargés sur une carriole, la famille fait le trajet en tram et à pied. Le petit Marcel voudrait veiller la nuit pour ne pas perdre une minute de cet endroit de rêve.
Le père herborise dans les collines, rapporte des insectes rares que les enfants observent ou «torturent». On lit Feni-more Cooper et le jardin se transforme en camp indien.
Grande nouvelle, un matin: les hommes vont partir à la chasse; on prépare les fusils, les cartouches. L'oncle Jules, chasseur émérite, initie le père Pagnol, novice. Marcel est vexé de le constater. Celui-ci compte bien les accompagner mais ce n'est pas l'avis des hommes et l'enfant décide de les tromper. A quatre heures du matin, il suit à pas de loup les chasseurs, épie les coups de feu, enrage parce que l'oncle réussit de bonnes prises : des grives, des perdrix, des lièvres... Mais il sait que le grand rêve, c'est d'abattre la perdrix royale, dite «bartavelle» en provençal.
Dans un vallon, il perd leur trace, essaie de s'orienter suivant le soleil ou des trucs d'Indiens... Enfin, le soir, il entend des coups de feu; un coup double et deux énormes volatiles s abattent à ses pieds : les perdrix royales, les fameuses bartavelles! C'est son père qui les a tuées. Etonnement, gronderies mais fierté émue lorsque le gamin apparaît avec le butin : c'est « la gloire de son père » !
Le lendemain, on fera le tour du village. Même le curé s'émerveillera...
Pistes de lecture
Les œuvres littéraires
Né en 1895 à Aubagne où son père est instituteur, Marcel Pagnol suit ses études secondaires à Marseille où la nomination de son père a amené la famille. En 1913, il entre à la faculté de lettres d'Aix-en-Provence où il fonde la revue Fantasio qui deviendra Les Cahiers du Sud. En 1915, il est nommé professeur au collège de Tarascon puis au collège de Pamiers, en 1917.
Revenu à Aix comme répétiteur, il se met à écrire. Durant sa carrière au lycée Condorcet à Paris (1925), il commence à fréquenter les milieux littéraires. Sa première pièce, Marchands de gloire, ne remporte pas un vif succès mais la seconde, Jazz, plaît au public. Il en va de même pour Topaze, représenté en 1928. A cette époque, il abandonne l'enseignement.
Le personnage de marin typiquement marseillais mais dont l'origine est gallo-romaine lui inspire sa célèbre trilogie : Marius - Fanny - César, qui remportera un immense succès dû en grande partie à la prestation de Raimu dans le rôle de César. L'œuvre est directement adaptée au cinéma.
Parallèlement, il fait quelques incursions du côté du roman: Pirouettes (1932), L'Eau des collines en deux parties: Jean de Florette et Manon des sources, adaptés récemment par Claude Berri. En 1946, il est élu à l'Académie française.
Cinéma et mémoires
C'est le cinéma qui devient son mode d'expression favori; il fonde sa propre maison de production, transforme des hangars en studios et impose le cinéma et l'accent « marseillais » dans des films comme La Femme du boulanger, La Fille du puisatier... Il rencontre un second acteur fétiche que tout le monde lui déconseillait au départ car on ne voyait en lui qu'un comique troupier : Fernandel.
Dans les dernières années de sa vie, poussé par ses éditeurs, Marcel Pagnol se décide à publier ses souvenirs d'enfance : La Gloire de mon père (1957) en est le premier volume ; il est suivi de trois autres volumes : Le Château de ma mère (1959), Le Temps des secrets (1960), Le Temps des amours (ouvrage posthume).
Marcel Pagnol meurt à Paris en 1974. Sur sa tombe est gravée cette phrase : « Il a aimé les arbres, les sources et sa femme. »
Un hymne à la joie de vivre, à la Provence, à l'amour filial
A la lecture de ce premier volume des souvenirs d'enfance, on se prend à envier ce petit garçon sur le berceau duquel de si bonnes fées se sont penchées: naître dans cette merveilleuse Provence, à une époque où le tourisme n'était pas ce qu'il est, où l'on se déplaçait encore en carriole, en tram ou à pied; dans une famille unie où chacun a ses caractéristiques personnelles: le grand-père et son amour de la pierre, la mère, si fière de «ses» hommes, l'oncle Jules, classique et catholique, qui sait organiser des vacances, la tante Rose, un peu naïve... Tout ce petit monde compose un groupe très haut en couleurs. Le personnage central, c'est le père, à qui le petit Marcel narrateur voue une admiration sans bornes.
Toutes les anecdotes, et en particulier la partie mémorable de chasse, sont contées avec esprit et font naître une foule d'images qui évadent totalement le lecteur; celui-ci se retrouve dans ces collines, respire ces odeurs, guette le vol des oiseaux...
Marcel Pagnol communique à travers ses écrits les choses essentielles: la gaieté et l'émotion, éléments rares dans la littérature, le théâtre et le cinéma, plus souvent voués au tragique. Il est un précurseur dans le fait qu'il perpétue les traditions régionales.