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La géométrie d'Euclide

 


La géométrie d'Euclide part d'un petit nombre de données premières. Ces données sont les définitions (concepts fondamentaux de la géométrie) ; les axiomes (propriétés essentielles appartenant aux grandeurs. Exemple : « le tout est plus grand que la partie ») ; les postulats (propositions concernant les êtres mathématiques proprement dits et affirmant que certaines constructions sont possibles. Exemple : « toute droite peut être prolongée indéfiniment »). Partant de ces données, le géomètre en déduit logiquement d'autres propositions : théorème ou proposition principale ; lemme ou proposition secondaire facilitant la démonstration d'un théorème à venir ; corollaire ou proposition exprimant une conséquence directe d'un théorème établi.


Si, dans le syllogisme, la conclusion est implicitement contenue dans la prémisse appelée « la majeure » (déduction analytique), dans la géométrie d'Euclide, toute proposition démontrée est synthétiquement construite à partir des prémisses en combinant plusieurs propositions intermédiaires (déduction synthétique). De plus la déduction n'est pas la simple application d'un mécanisme pur car elle exige du géomètre l'invention des moyens termes ou les constructions susceptibles de permettre les combinaisons de concepts utiles à la démonstration. En revanche, de la même manière que, dans le syllogisme, la vérité matérielle de la conclusion est relative à celle de ses prémisses, dans la géométrie d'Euclide, la vérité des propositions démontrées est relative à un point de départ hypothétique (axiomes et postulats).




[…] Prolongement: La géométrie d’EuclideCelle-ci sera couronnée, vers la fin du XIXe siècle, par l’axiomatique, construction d’une théorie mathématique totalement formalisée, élaborée à partir d’un ensemble cohérent d’axiomes indépendants et non contradictoires, dépourvus de tout aspect concret et intuitif : dans l’axiomatique, les relations entre les êtres mathématiques importent davantage que leur vérité matérielle. Citons, par exemple, l’axiomatique du mathématicien allemand Hilbert (1899).Ainsi, les mathématiques se sont progressivement formalisées, elles se sont peu à peu dégagées des significations concrètes et intuitives. L’axiomatique a donc introduit dans la mathématique un niveau d’abstraction tout à fait remarquable.«A la réflexion, les avantages de la méthode axiomatique sont manifestes. Elle est d’abord un précieux instrument d’abstraction et d’analyse. Le passage d’une théorie concrète à la même théorie axiomatisée puis formalisée, renouvelle, en le prolongeant, le travail d’abstraction qui conduit, par exemple, du nombre concret, tas de pommes et de cailloux, au nombre arithmétique, puis de l’arithmétique à l’algèbre… enfin de l’algèbre classique à l’algèbre moderne. » (R. Blanché, L’axiomatique, PUF, 1955)La mathématique apparaît, dès lors, sûre et rigoureuse dans la mesure où elle est hautement formalisée.VI — Logique et mathématique : le logicismeParvenues à ce degré d’abstraction, les mathématiques semblent se réduire, au jugement de certains, à un système logique purement formel. C’est ce que pensent les logiciens formalistes avec, par exemple, Russell. Les mathématiques se ramèneraient alors à une logique symbolique. à un système formel sans contenu propre. Dès lors, il serait possible de passer de façon continue de la logique à la mathématique. Cette réduction est-elle possible? On sait aujourd’hui que non : il a été démontré par Gödel qu’il était impossible de démontrer la non-contradiction d’un système mathématique.VII — Limites de la méthode axiomatique en mathématiqueUne formalisation chassant toute intuition représente une impossibilité radicale : les significations intuitives ne peuvent jamais être totalement éliminées du champ de conscience du mathématicien.La mathématique, pensée effective, renvoie donc à une intuition concrète et ne peut en aucun cas être réduite à un pur formalisme logique, comme le voudraient certains logisticiens.« Ce n’est que dans les livres qu’une axiomatique commence avec les axiomes : dans l’esprit de l’axiomaticien, elle y aboutit. Elle présuppose la déduction matérielle qu’elle met en forme.» (R. Blanché, op. cit.)« La mathématique est plus que la logique, en tant qu’elle est pensée effective, et que toute pensée effective suppose application de la pensée abstraite à une intuition.» (J. Cavaillès, Méthode axiomatique et formalisme, Hermann, 1981)Le problème reste cependant posé de savoir quel est le statut de cette «intuition» qui accompagne la pensée mathématique : est-elle le noyau supposé concret sur lequel s’appuie le mathématicien, ou est-elle seulement une sorte d’aide psychologique? Il y a en effet, dans l’invention mathématique, une dimension poétique qui s’exprime par la création d’univers mathématiques où le physicien vient seulement choisir quelques modèles qui lui seront utiles.VIII — La mathématisation des sciencesLa représentation des choses et des phénomènes physiques par un discours mathématique abstrait, structuré et formalisé a fait de la mathématique l’outil puissant et privilégié du prodigieux essor des sciences de la nature. La mathématique est devenue ainsi le langage de toutes les sciences. Car non seulement elle a permis d’introduire mesure et rigueur dans l’explication de phénomènes physiques, mais elle a surtout donné aux savants le moyen de prédire et créer de nouvelles lois.Nous rejoignons par là la théorie platonicienne des Idées selon laquelle la réalité concrète n’est que le reflet d’une réalité véritable parfaitement transcendante.Conclusion— La notion de vérité mathématique a beaucoup évolué. Elle s’est déplacée pour l’essentiel du contenu vers la forme.— L’intuition (sensible ou intellectuelle) ne peut néanmoins êtretotalement répudiée du champ mathématique. La mathématique n’est donc pas réductible à la logique.— Quelle que soit l’approche envisagée (intuition intellectuelle de Descartes ou formalisation axiomatique), la mathématique constitue toujours un modèle de rigueur et une science exemplaire.SUJETS DE BACCALAURÉAT— Quels rôles jouent l’intuition et le raisonnement formel en mathématique?— La mathématique est-elle réductible à la logique?— Peut-on affirmer avec un philosophe «Il n’y a de science proprement dite qu’autant qu’il s’y trouve de mathématique»— Les mathématiques sont-elles un instrument, un langage ou un modèle pour les autres sciences?— Aristote disait des mathématiques que leur noblesse est de ne servir à rien ! Qu’en pensez-vous?— Les progrès de la connaissance scientifique sont-ils toujours dus à la pensée logique?— Faut-il tout démontrer?— Les mathématiques sont-elles seulement un jeu de l’esprit?— La logique nous apprend-elle quelque chose?— À quelles conditions peut-on donner un sens rigoureux à l’expression courante : c’est logique ? […]

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