La destitution de Nikita Khrouchtchev
La destitution de Nikita Khrouchtchev
Moins d’un an après l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, l’homme avec lequel à la suite d’une dure confrontation il avait jeté les bases d'une coexistence durable quitte à son tour la scène politique. M. Khrouchtchev disparaît à la soviétique. Hier, il était tout, aujourd’hui il n’est plus rien. Le Kremlin ne fait pas le moindre effort pour faire prendre au sérieux la version officielle du départ pour raisons de santé. On aurait pu faire l’éloge du démissionnaire, lui conférer quelque décoration, quelque titre honorifique. On se contente d’enlever ses portraits. Sans doute verra-t-on bientôt les manuels d’histoire qui relatent ses exploits révisés et la « dékhrouchtchévisation » succéder à la déstalinisation. Mais, de même que M. Khrouchtchev n’avait pas, en rebaptisant Stalingrad en Volgograd et en faisant incinérer la momie embaumée du dictateur défunt, effacé la marque fantastique que celui-ci a imprimée à la Russie et au monde, de même ses successeurs ne pourront pas les ramener en l’état où ils se trouvaient il y a onze ans, avant les armistices de Corée et d’Indochine, avant le traité autrichien, avant le XXe Congrès, avant la crise de Cuba et la quasi rupture avec la Chine. Rien d’ailleurs ne montre encore qu’ils le veuillent. Les hommes qui arrivent aujourd’hui au pouvoir, et qui doivent à N. Khrouchtchev l’essentiel de leur ascension, paraissent disposés à poursuivre dans la voie qu’il avait tracée. On ne trouve pas dans le bref communiqué des organismes dirigeants de l’U.R.S.S. d’indication sur un changement de politique. Au contraire, il se réfère expressément aux décisions des XXe et XXIIe Congrès, c’est-à-dire de ceux qui ont décidé et mis en oeuvre la déstalinisation. (...) Il est plus probable que la majorité du comité central s’est laissé convaincre que, tout bien pesé, les qualités de M. Khrouchtchev étaient insuffisantes pour masquer plus longtemps ses échecs ; lesquels proviennent tous de sa tendance à se lancer en avant, qu’il s’agisse de l’agriculture, de Berlin, de Cuba, de la Chine ou de la crise du mouvement ouvrier, sans trop se préoccuper de savoir ce qui se passerait au cas où les choses ne se dérouleraient pas suivant ses prévisions. On avait souvent dit que dans un pays démocratique un gouvernement ainsi conduit aurait été plusieurs fois renversé ! (...) Ce qui est sûr, c’est que la disparition de N. Khrouchtchev ne fera pas disparaître les problèmes qui l’ont provoquée. Il a peut-être péché par excès d’initiatives, encore que le bilan final soit en fin de compte positif pour la paix et pour le niveau de vie de ses compatriotes. Le risque est grand de voir entrer l’U.R.S.S. dans une phase de conservatisme stérile où toutes les idées neuves se heurteront aux attardés de l’appareil.
Éditorial du Monde, 17 octobre 1964
Questionnaire
1. Évoquez brièvement la personnalité de Nikita Khrouchtchev. Faites un bilan de sa politique intérieure et extérieure. 2. Quelle est cette « dure confrontation » avec John Kennedy évoquée dans le document ? 3. Peut-on, à partir de cet éditorial, se faire une idée des causes de la destitution de Khrouchtchev? 4. La «dékhrouchtchévisation » fut-elle comparable à la déstalinisation ? 5. Quel commentaire pouvez-vous apporter à la dernière phrase du texte qui annonce un risque de « conservatisme stérile » en U.R.S.S. ? 10. Quel est le plan induit par le questionnaire du texte? Définissez sous une forme rédigée la problématique dont découle ce plan.
Le plan est thématique. Les questions 1 et 5 sont les équivalents d’une introduction et d’une conclusion. Mais on doit noter que la question 1 amène un commentaire nécessairement bref des paragraphes 3 et 5. De plus, alors que l’éditorial mentionnait l’existence d’une dékhrouchtchévisation avant d’analyser les causes de la destitution de Khrouchtchev, le questionnaire retient l’ordre inverse. Ainsi on peut aborder les considérations d’ordre factuel avant d’apprécier l’ampleur de la dékhrouchtchévisation. La problématique dont découle ce plan pourrait être exprimée en fonction de ces deux idées : Immédiatement après la destitution de Nikita Khrouchtchev, un journaliste français analyse les causes de sa chute et établit le bilan de son action. Si les causes immédiates de la mise à l’écart du dirigeant soviétique semblent être ses échecs en politique étrangère, l’auteur s’interroge sur des méthodes de gouvernement qui, rompant avec la tradition soviétique, jouèrent d’autant plus contre Khrouchtchev qu’elles furent sanctionnées par des échecs. Il tente de déterminer les conséquences de la chute de Khrouchtchev sur les principes et sur les méthodes politiques de la nouvelle équipe dirigeante.
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