Databac

La Débâcle d'Émile ZOLA

La Débâcle d'Émile ZOLA, 1892, Le Livre de poche.

• La «débâcle» de 1870, postérieure au premier projet des Rougon-Macquart , allait en fournir le terme : [...] La chute des Bonaparte, dont j’avais besoin comme artiste, et que je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser l'espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon oeuvre (Préface des Rougon-Macquart, 1871). Zola a attendu vingt ans pour tenter une peinture explicative des événements et l’organiser avec une force artistique et épique à leur mesure. • Le roman retrace l’histoire de l’armée, réunie au camp de Châlons, dont Napoléon III est venu prendre la tête et qu'il conduira au désastre et à la capitulation de Sedan. C’est à cette armée qu’appartiennent les héros principaux, le paysan Jean Macquart (la Terre) et l’étudiant Maurice Levasseur que l'on retrouvera à Paris lors de la Semaine sanglante par laquelle s'achève la Commune. Zola s'attache à peindre les réalités de la guerre au niveau d’une section de fantassins aux prises avec des peines à peu près toujours étrangères à l’héroïsme. Mais il retrace aussi l’ensemble des opérations et l’action des différentes armes. Tous les personnages ont un caractère représentatif. Jean, esprit raisonnable, équilibré, qui a souffert, est l'âme même de la France, équilibrée et brave. Maurice, engagé volontaire, un cérébral, incarne l'autre partie de la France : les fautes, la tête en l’air, l’égoïsme vaniteux (Ébauche). Chouteau, soldat lâche et vicieux, représente la mauvaise part du peuple. Les divers officiers symbolisent les mérites et les défauts des cadres militaires de l’époque, les civils la diversité des comportements dans l’épreuve (héroïsme du franc-tireur Weiss à Bazeilles, trafics malhonnêtes du père Fouchard). Enfin, la pitoyable silhouette de l’Empereur malade résume la décrépitude du régime. Zola a voulu dégager sans ménagements les responsabilités des différentes couches de la société française, dans un esprit de lucidité patriotique dont il se prévaut devant les milieux conservateurs qui lui reprochent d’avoir insulté l’Armée. Sa vision coïncide d’ailleurs avec la thèse officielle de la IIIe République à ce sujet : la France a été conduite au désastre par des chefs incapables et un régime corrompu et usé que symbolise l’état physique de l’Empereur. Le peuple, dans l'ensemble loyal et prêt à se sacrifier, était mal préparé et mal commandé. Quant à la Commune, Zola la présente comme une séquelle de ce désordre de l’Empire et comme une simple péripétie, sans prendre en considération son idéal politique et social. Il n’approuve pas la répression sanglante, mais, pour lui, la Commune n’est que la nervosité de Maurice unie à la malfaisance de Chouteau. Dans la vision épique qu’il a choisi de donner des événements, le destin de Jean, qui a obéi à Versailles puisqu’il incarne le bon sens français, est de blesser Maurice à mort sur une barricade, d’abattre le membre gâté. Et le roman se termine sur une mystique de la régénération par le sang et l’épreuve, formulée, il est vrai, par Maurice. • Quoique ces derniers aspects du livre puissent décevoir, La Débâcle est une belle fresque historique où Zola a le mérite d’avoir réagi contre le tabou qui entourait les institutions militaires et contre l’idéalisation de la guerre.

Liens utiles