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LA CONNAISSANCE DE LA VIE

 

Influence du modèle scientifique dominant une époque dans les études relatives à la vie.

Harvey avait pu aborder, au XVIIe siècle, l’étude de la circulation du sang parce que, seule des grandes fonctions, elle relève presque exclusivement des lois du mouvement mécanique (le cœur peut être assimilé à une sorte de pompe hydraulique).

De même, au XVIIIe siècle, deviennent accessibles les deux fonctions qui ressortissent surtout à la chimie, science alors en pleine expansion : la digestion (Réaumur et Spallanzani) et la respiration (Lavoisier).

Descartes, Hobbes : le corps-machine

Étant donné que «la vie n’est qu’un mouvement des membres», le corps vivant peut se comparer à un automate, c’est-à-dire à ces « engins qui se meuvent eux-mêmes, comme le fait une montre, par des ressorts et des roues » (Hobbes, "Léviathan", 1651). « Car qu’est-ce que le cœur, demande Hobbes, sinon un ressort, les nerfs, sinon autant de cordons, les articulations, sinon autant de roues, le tout donnant un mouvement à l’ensemble du corps ? » (ibid.).

Claude Bernard : la finalité interne des êtres vivants

« Les phénomènes vitaux ont bien leurs conditions physicochimiques rigoureusement déterminées ; mais en même temps, ils se subordonnent et se succèdent dans un enchaînement et suivant une loi fixée d’avance. [...] Il y a comme un dessin préétabli de chaque être et de chaque organe. » (Claude Bernard, "Leçons sur les phénomènes de la vie", 1878).

Bichat : la vie, «un principe permanent de réaction»

« Le phénomène vital n’est donc tout entier ni dans l’organisme, ni dans le milieu : c’est, en quelque sorte, un effet produit par le contact entre l’organisme vivant et le milieu qui l’entoure » (Claude Bernard, "Leçons sur les propriétés des tissus vivants", 1886). On peut même considérer l’organisme, ainsi que le faisait déjà Lavoisier (1743-1794), comme un réactif de son milieu.

Le maintien de la cohésion de l’être vivant exige, en d’autres termes, ce que Kant appelait «un principe intérieur d’action» ( Critique de la faculté de juger, 1790). Car la vie, c’est, selon la célèbre définition de Bichat, « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort » ("Recherches physiologiques sur la vie et la mort", 1800).

La théorie de la préformation

Alors que les épigénétistes pensaient, avec raison, que le rejeton de deux êtres vivants n’est pas déjà constitué dans la semence du père, les préformationnistes soutenaient, à l’inverse, que les âmes « ont été dans les semences et dans les ancêtres jusqu’à Adam », et ont existé par conséquent depuis le commencement du monde (nous citons, en l’occurrence : Leibniz, "Théodicée", § 91 - 1710).

Critique de cette théorie singulière

Comme on avait cru discerner dans de la semence masculine observée au microscope... la présence d’hommes en miniature, Buffon (cf. son "Histoire naturelle" en 38 vol., 1749-1788) fit remarquer, à l’aide de quelques chiffres, l’absurdité de cette théorie : si la taille de l’homme sert d’unité, celle du germe sera de 1 milliardième, celle du germe de deuxième génération devra être exprimée par un nombre comportant 19 chiffres ; à la sixième génération, c est un nombre de 55 chiffres qui sera requis, etc.

Au XVIIIe siècle : l’évolutionnisme naissant

Plusieurs auteurs, des le XVIIe siècle, avaient suggéré que les espèces animales dérivent peut-être toutes d’un ancêtre commun. « Ne croirait-on pas volontiers, écrivait Denis Diderot (1713-1784) qu’il n’y a jamais eu qu’un premier animal, prototype de tous les animaux, dont la nature n’a fait qu’allonger, raccourcir, transformer, multiplier, oblitérer certains organes ? » ("Pensées sur l’interprétation de la nature", 1753).

Au XIXe siècle : l’évolutionnisme scientifique

Selon Darwin, ce que fait l’éleveur (qui sélectionne artificiellement certains individus), la nature le fait toute seule : c’est la sélection naturelle. Ainsi s’expliqueraient les phénomènes de variation et d’évolution.

C’est à « la conservation des variations favorables et à la destruction de celles qui sont nuisibles que j’ai appliqué le nom de "sélection naturelle" ou de "survivance du plus apte" », écrit-il ("De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle", 1859).

 

Résumé : Descartes et les philosophes mécanistes du XVIIe siècle en sont venus à tenir l’animal pour une machine naturelle. Mais le mécanisme, pris de façon plus générale, implique seulement qu’on rejette l’idée d’une intervention providentielle ou divine dans les phénomènes de la vie. Car l’être vivant possède cette particularité singulière : il est une structure qui résiste aux lois gouvernant les corps bruts. 

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