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Kojève

Kojève

(Alexandre, 1902-1968.) Philosophe français d'origine russe. Passionné par les spiritualités orientales aussi bien que par l'évolution de la connaissance scientifique (il fréquente Koyré et rédige en 1932 une étude sur L'Idée du déterminisme dans la physique classique et la physique moderne], il doit avant tout sa notoriété au séminaire qu'il tient à l'École pratique des hautes études : il s'y livre en effet, de 1933 à 1939, à une lecture de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel, qui révèle l'importance de Hegel à une grande partie des intellectuels français - de R. Aron à Bataille ou Lacan - et influence durablement les études hégéliennes. Son admiration sans limite pour l'auteur de la Phénoménologie l’amène à rédiger, après avoir fait depuis 1945 carrière dans la haute administration, son Essai d'une histoire raisonnée de la philosophie païenne (trois volumes publiés entre 1968 et 1973) qui, bien qu'inachevé, confirme que le discours philosophique ne peut désormais consister qu'en la redite (éventuellement enrichie ou améliorée) du discours hégélien ; ce ne saurait en tout cas être la science qui pourrait en assurer la relève, puisqu'elle apparaît incapable, armée de son seul symbolisme mathématique, de parler de l'être en général.

KOJEVE Alexandre. Philosophe français. Né à Moscou en 1900, mort à Paris en mai 1968. Après des études en Allemagne avec Karl Jaspers et en France avec Alexandre Koyrë, il devient en 1933 professeur à Paris, et donne des cours à la Sorbonne sur Hegel. Son oeuvre, relativement brève, a eu une importance considérable: Introduction à la lecture de Hegel (1947), De la tyrannie (1954), Essai d’une histoire raisonnée de la philosophie païenne (tome I, 1968). Mais c’est surtout l’introduction à la lecture de Hegel qui a consacré la gloire de Kojève. Il s’agit en fait de notes de cours donnés avant la Seconde Guerre mondiale, éditées ultérieurement par Raymond Queneau. Ces cours, qui ravivaient l’intérêt envers Hegel, du moins en France — où il était encore mal connu — et en donnaient une interprétation originale, furent suivis par des personnalités aussi diverses que Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Georges Bataille, Jacques Lacan, Jean Hyppolite, Merleau-Ponty ou Roger Caillois. Kojève, avec une liberté qu’aucun commentateur de Hegel n’avait eue avant lui, interprétait le philosophe allemand à la lumière de Heidegger et de Karl Marx. Pour Kojève, Hegel est le philosophe de l’Histoire, du Travail, du Désir et de la Négativité. Le Désir humain est négativité, négation active ou pensante de l’être naturel. Par cette négation qui est à la fois travail et lutte (travail sur l'être naturel, lutte des hommes, des « consciences » entre elles), l’homme crée littéralement le temps. Mais ce temps est fini, car l’horizon ontologique du temps, c’est la mort, mort déjà présente dans la conscience en tant qu’elle est conscience. Il revient à Kojève d avoir analysé, après que Jean Wahl l’eut traduite dans La Conscience malheureuse chez Hegel, la célèbre dialectique du Maître et de l’Esclave, qui est l’un des moteurs de la philosophie hégélienne, et le point où Marx s’est inspiré de celle-ci. L’influence de ces commentaires sur les intellectuels contemporains a été considérable : on n’imagine guère L’Etre et le néant de Jean-Paul Sartre sans l’existence de L’Introduction à la lecture de Hegel — et il en va de même pour un certain nombre de textes de Georges Bataille, de Raymond Queneau ou de Jean Hyppolite. Les cours de Kojève ont d’ailleurs poussé ce dernier à traduire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel dans un esprit nouveau. Kojeve a donc influencé toute une génération — extrêmement importante — d'intellectuels français, et a marqué une césure dans les études hégéliennes. Son influence est sensible jusque dans la réflexion psychanalytique de Jacques Lacan. Certes, son interprétation de Hegel est très libre, parfois trop influencée par le Heidegger de L’Etre et le temps ou par le marxisme. Mais il revient à Kojève d avoir été le premier à introduire vraiment l’oeuvre de Hegel dans l’espace culturel français.

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