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Kant: Théologie

Théologie

• Connaissance de l’Être suprême, la théologie est soit rationnelle, soit révélée. La théologie rationnelle peut être une théologie transcendantale concevant son objet par raison pure à l’aide de concepts transcendantaux : lorsqu’elle dérive son objet de l’expérience en général, elle s’appelle cosmothéologie, alors que, lorsqu’elle croit pouvoir connaître l’existence de Dieu par purs concepts, sans recours à l’expérience, elle se nomme ontothéologie. Elle peut aussi être une théologie naturelle qui conclut l’existence de Dieu de l’ordre et de l’unité du monde, dans lequel il faut admettre à la fois la nature et la liberté : si elle s’élève à Dieu comme principe d’ordre et de perfection dans le domaine de la nature, elle est une théologie physique, alors que, si elle s’y élève en le considérant comme fondement d’un ordre et d’une perfection morale, elle est une théologie morale. Celui qui n’admet qu’une théologie transcendantale est un déiste qui n’admet qu’une cause suprême, alors que celui qui accepte la théologie naturelle est un théiste, qui croit en un Dieu vivant. •• Kant récuse la possibilité de toute théologie rationnelle, car l’usage des principes synthétiques de l’entendement ne peut être qu’immanent, alors que la connaissance de Dieu exige un usage transcendant de ces principes. Il distingue trois preuves de l’existence de Dieu. La preuve cosmologique prouve Dieu en partant de la contingence du monde qui requiert un être nécessaire : elle suppose que, parce que quelque chose existe, il est un être nécessaire ; or rien ne permet de dire que cet être nécessaire est Dieu, car il pourrait aussi bien être le monde dans sa totalité. La preuve physico-théologique, qui prétend déduire l’existence de Dieu de la contemplation de l’ordre du monde, se ramène en fait à la précédente, car dire que le mécanisme ne suffit pas à créer un ordre revient à dire que ce qui est n’a pas pu se créer soi-même. En fait, ces deux preuves peuvent se ramener à la preuve a priori que Kant baptise preuve ontologique et qui consiste à déduire l’existence de Dieu de son essence. Elle prétend que Dieu existe, parce que, étant l’être le plus parfait, à son concept appartient nécessairement l’existence. Or, en disant que l’être n’est pas un prédicat réel, une détermination de l’essence, que l’existence n’est pas une perfection, Kant détruit cette preuve. ••• La destruction de la théologie rationnelle ne fait que confirmer le fait que l’ordre de l’existence et celui du concept sont irréductibles, qu’il n’y a pas de concept intuitif et que l’on ne saurait déduire une existence forcément empirique d’un concept. La seule théologie envisageable est une théologie morale, déterminant du point de vue pratique l’idée d’un Dieu moral comme objet de croyance et postulat de la raison pratique. Kant est le premier penseur de la mort de Dieu. Toutefois, le Vendredi-Saint spéculatif de la théologie rationnelle est suivi de la Pâque de la raison pratique, Dieu ressuscitant sous la forme du Dieu moral. Nietzsche pourra alors dénoncer le succès de Kant comme un succès de théologien. Toutefois, c’est bien la métaphysique traditionnelle qui est définitivement liquidée et, avec elle, l’idée d’une transcendance verticale fondatrice de la vérité. À une problématique de l’origine radicale des choses se substitue une problématique de la constitution transcendantale ordonnée à la transcendance horizontale du transcendantal. C’est dès lors le finitude de la raison humaine qui vient au premier plan.

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