Kant: Sensibilité

• Faculté qui nous donne les objets, qui se caractérise par sa réceptivité et s’oppose à l’entendement. Elle nous donne une représentation qui est une intuition singulière se rapportant immédiatement à un objet d’expérience. Etant admis que la sensation est l’impression de l’objet sur notre sensibilité et que l’intuition se rapportant à l’objet au moyen de la sensation est dite empirique, on appellera phénomène l’objet indéterminé d’une intuition empirique. •• Il convient de distinguer dans le phénomène la matière correspondant à la sensation et la forme qui permet de coordonner le divers matériel dans l’intuition. Si la matière est empirique, la forme est a priori. Les formes pures de la sensibilité sont l'espace, forme du sens externe, et le temps, forme du sens interne. Espace et temps ne sont ni des propriétés des choses, ni des relations, mais cette forme a priori du phénomène d’ordre sensible et non conceptuel. On peut affirmer à la fois l’idéalité transcendantale et la réalité empirique de ces formes pures, dans la mesure où elles ne sont rien de perceptible mais rendent possible une connaissance objective : si je perçois bien les choses dans l’espace et le temps, je ne perçois jamais ces formes comme telles. ••• Kant rompt avec la conception leibnizienne pour qui le sensible est de l’intelligible confus. Il y a une spécificité du sensible irréductible à l’ordre logico-conceptuel, qui tient à son caractère de formalité, au fait qu’il y a du sensible non sensible. S’inverse par là le rapport traditionnel entre la forme et la matière : alors que la métaphysique classique pose des substances (matière) pour qui le fait de paraître (forme) demeure inessentiel, pour Kant la forme est première, espace et temps étant la condition de manifestation des choses pour nous. Le phénomène n’est donc plus une apparence, mais une apparition originaire. Le paraître n’est désormais plus réductible à une apparence, et l’on peut dire avec G. Granel « que paraître n’est pas une aventure de l’être, que le réel ne peut être pensé comme l’être inapparaissant dont le sensible serait, à la façon de Leibniz, le simple développement », qu’il est donc une primitivité du paraître, impliquant la « promotion ontologique du sensible ». Kant ouvre ainsi les perspectives qui seront celles de la phénoménologie. À la vieille disjonction dogmatique de l’essence et de l’apparence se substitue la conjonction de l’apparition et de sa condition formelle.