Kant: Faculté de juger
Faculté de juger
• Le jugement étant la faculté d’appliquer une règle de l’entendement à un cas particulier ou de subsumer le particulier sous une règle, la faculté de juger est une faculté intermédiaire entre l’entendement et la raison, dite déterminante lorsqu’elle subsume le particulier sous le général et réfléchissante lorsque, le particulier étant donné, elle doit trouver le général. •• Le jugement déterminant est un jugement de connaissance. Ainsi les principes de l’entendement permettent-ils de décider si telle chose particulière est soumise ou non à telle catégorie, le schème étant cette détermination de temps homogène à la catégorie et à l’intuition qui permet d’appliquer la première à l’objet de la seconde. Sur le plan pratique, le jugement consiste à déterminer si une action possible pour nous dans le monde sensible est conforme à la loi morale. La loi de la liberté n’ayant pas de schème, elle ne disposera pas d’autre faculté de connaître que l’entendement qui fournit à la raison une loi de la nature valant comme type pour la loi morale. On se demande alors si l’action projetée, en supposant qu’elle dût arriver selon une loi de la nature dont on serait une partie, serait possible pour une volonté. La loi universelle de la nature fournit donc un type qui permet de décider si la maxime subjective de l’action peut être érigée en loi universelle. On ne saurait par exemple ériger le mensonge en loi universelle de la nature car, dès lors, il n’y aurait plus de vérité possible. La typique du jugement pratique pur permet aussi bien de nous préserver de l’empirisme de la raison pratique, consistant à dériver le bien et le mal de critères empiriques, que du mysticisme qui, prenant pour schème ce qui ne vaut que comme symbole, croit pouvoir faire reposer les concepts moraux sur des intuitions intellectuelles. ••• Le jugement réfléchissant n’est pas un jugement de connaissance, car seul le cas particulier est donné et non la règle générale, comme par exemple dans le cas du diagnostic du médecin. Un tel jugement peut toutefois avoir un principe a priori. Celui-ci est le concept de finalité car, ne pouvant attribuer aux productions de la nature un rapport à des fins, l’appréciation téléologique n’est qu’une façon de réfléchir sur la nature du point de vue de la liaison de ses phénomènes, telle qu’elle est donnée par des lois empiriques. Alors que l’entendement est autonome, car il donne des lois à la nature, le jugement, qui ne donne de lois qu’à lui-même, est héautonome. L’autre espèce de jugement réfléchissant est le jugement esthétique, concernant non plus la finalité objective de la nature, mais sa finalité subjective. La faculté de juger réfléchissante requiert donc une critique spécifique, dans la mesure où elle est susceptible de légiférer a priori. Il s’agit de savoir si les principes a priori de cette faculté, en tant qu’intermédiaire entre l’entendement et la raison, sont constitutifs ou régulateurs, et si elle donne a priori une règle au sentiment de plaisir et de peine comme intermédiaire entre la faculté de connaître et la faculté de désirer. Cette critique vient compléter celle de la raison pure, puisque la faculté de juger est un pouvoir de connaissance qui a ses principes propres, même si ceux-ci relèvent à la fois de la partie théorique et de la partie pratique de la philosophie transcendantale. Il convient alors de distinguer la finalité subjective et formelle propre au jugement esthétique et la finalité matérielle objective propre au jugement téléologique. Alors que, dans le premier cas, c’est nous qui accueillons la nature avec faveur en prenant plaisir à sa forme, dans le second cas, c’est la nature qui nous fait une faveur en se laissant apprécier téléologiquement. Le jugement esthétique est une espèce particulière de jugement réfléchissant nous préparant au jugement téléologique, qui constitue quant à lui la faculté de juger réfléchissante en général. La réflexion sans concept sur la finalité formelle esthétique prépare à la formation d’un concept réflexif de la finalité, le jugement réfléchissant fondant un passage de l’intérêt spéculatif à l’intérêt pratique.
Liens utiles
- Idéalisme allemand / Kant : Critique de la faculté de juger
- Emmanuel Kant par Jules VuilleminProfesseur à la Faculté des Lettres de Clermont Emmanuel Kant naquit à Königsberg en 1724.
- EMMANUEL KANT : CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER (Résumé & Analyse)
- Devoir Maison sur la morale: peut-on juger moralement autrui ?
- Le génie dans l'art selon Kant