Kant: Extravagance

Extravagance

• Ce terme traduit l’allemand Schwärmerei et désigne l’illusion de pouvoir aller au-delà de la condition sensible, consistant à délirer avec raison. •• Si l’extravagance est une maladie mentale procédant d’un dérèglement de l’imagination, elle affecte également la raison se cachant derrière une métaphysique d’école. Kant découvre que la folie ne saurait se réduire à la perte de la raison, mais qu’il est une rationalité immanente au délire ainsi qu’un délire immanent à la raison. C’est pourquoi l’extravagance ne se laisse pas réduire à la folie et concerne aussi bien la philosophie dogmatique que l’irrationalisme ou l’illuminisme. Dans tous les cas, on prétend s’élever à une connaissance du supra-sensible, à un savoir surnaturel. ••• On peut donc considérer la métaphysique dogmatique comme un délire rationnel. Si la tendance métaphysique est propre à l’homme et si l’illusion transcendantale est tout aussi naturelle qu’inévitable, il appartient au dogmatisme d’en produire une forme systématique et délirante, de sorte que ce ne soit plus seulement le sommeil de la raison qui engendre des monstres, mais bien davantage sa vigilance discursive. Encouragée par le modèle des mathématiques, la raison pure croit pouvoir s’élever au-delà des limites de l’expérience. En ce sens, Platon fut le père de toute extravagance en philosophie car, fasciné par les idéalités mathématiques, il s’éleva jusqu’au supra-sensible. Notons toutefois, que Kant ne vise point tant Platon, qui avait compris que les Idées étaient avant tout d’ordre pratique, qu’un pseudo-platonisme de l’intuition intellectuelle qui dégénère en philosophie du sentiment et irrationalisme. Notons qu’il convient de distinguer l’extravagance de l'enthousiasme, qui est une modalité du sentiment du sublime et concerne la destination morale de l’humanité (tel l’enthousiasme que le peuple juif éprouva pour sa religion ou celui que suscita la Révolution française).