Kant et l'acte volontaire
« Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge pernicieux, par lequel un homme a introduit un certain désordre dans la société, dont on recherche d’abord les raisons déterminantes qui lui ont donné naissance, pour juger ensuite comment il peut lui être imputé avec toutes ses conséquences. Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère (1) empirique de cet homme jusque dans ses sources que l’on recherche, dans la mauvaise éducation, dans les mauvaises fréquentations, en partie aussi dans la méchanceté d’un naturel insensible à la honte, qu’on attribue en partie à la légèreté et à l’inconsidération, sans négliger les circonstances tout à fait occasionnelles qui ont pu influer. Dans tout cela, on procède comme on le fait, en général, dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné. Or, bien que l’on croie que l’action soit déterminée par là, on n’en blâme pas moins l’auteur et cela, non pas à cause de son mauvais naturel, non pas à cause des circonstances qui ont influé sur lui, et non pas même à cause de sa conduite passée; car on suppose qu’on peut laisser tout à fait de côté ce qu’a été cette conduite et regarder la série écoulée des conditions comme non avenue, et cette action comme entièrement inconditionnée par rapport à l’état antérieur, comme si l’auteur commençait absolument avec elle une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l’on regarde celle-ci comme une cause qui pouvait et qui devait déterminer autrement la conduite de l’homme, indépendamment de toutes les conditions empiriques nommées. Et l’on n’envisage pas la causalité de la raison comme une sorte de concours, mais comme complète en elle-même, alors même que les mobiles sensibles ne lui seraient pas du tout favorables mais tout à fait contraires; l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur : il est entièrement coupable à l’instant où il ment; par conséquent, malgré toutes les conditions empiriques de l’action, la raison était pleinement libre, et cet acte doit être attribué entièrement à sa négligence. » KANT
(1) Kant nomme ici caractère ce par quoi se spécifie un principe de causalité. Ainsi le caractère empirique d’un homme est ce par quoi il est soumis, comme phénomène, aux lois de la nature. Au contraire l’homme a un caractère intelligible en tant qu’il est affranchi de toute détermination par des phénomènes.
ARTICULATION FORMELLE DU TEXTE
« Prenons un acte volontaire, par exemple un mensonge ... dont on recherche d’abord les raisons déterminantes ... pour juger ensuite comment il peut lui être imputé .... Sous le premier point de vue, on pénètre le caractère empirique de cet homme jusque dans ses sources ... . Dans tout cela on procède comme on le fait ... dans la recherche de la série des causes déterminantes d’un effet naturel donné. Ou bien que ... on n’en blâme pas moins l’auteur, et cela non pas à cause de ... de ... et non pas même à cause de ...; car on suppose qu’on peut ... regarder ... cette action comme entièrement inconditionnée par rapport à ... comme si l’auteur commençait absolument avec elle une série de conséquences. Ce blâme se fonde sur une loi de la raison où l’on regarde celle-ci comme une cause ... indépendamment de toutes les conditions empiriques nommées. Et l’on n’envisage pas la causalité de la raison comme une sorte de concours, mais comme ... alors même que ...; l’action est attribuée au caractère intelligible de l’auteur ...; par conséquent, malgré toutes ..., la raison était pleinement libre et cet acte doit être attribué entièrement à sa négligence. »
QUESTIONNAIRE INDICATIF
• Quels sont les deux points de vue selon lesquels on peut se placer (selon Kant) pour appréhender un « acte volontaire » ? • La « série des causes déterminantes » intervient-elle, selon Kant, dans le jugement porté? • Importance des adverbes «entièrement inconditionnée»; absolument; indépendamment de toutes; tout à fait contraire; entièrement; pleinement; entièrement. — Importance et signification de l’expression « comme une sorte de concours » ? • Sur quoi est fondé la conclusion du texte? — Quel est ce « on » qui blâme, suppose, regarde, envisage ? • Qu’est-ce que Kant cherche à faire apparaître ? — Importance de l’expression « par exemple » ? — Ce qui est en cause ici, est-ce le mensonge? — Si non, quoi? • Que pensez-vous de la thèse et de l’argumentation de Kant? Sur quoi repose-t-elle?
Liens utiles
- L’acte volontaire. — Le d�veloppement de la volont�.
- Lecture analytique Les justes Albert Camus/ Acte II
- Lecture analytique Les justes Albert Camus/ Acte I
- Étude linéaire n°2 – Les Fausses Confidences, Marivaux, 1737 – Acte II, scène 13 : le stratagème d’Araminte
- Britannicus, analyse de la scène 1 acte I