Databac

JOUBERT Joseph

JOUBERT Joseph
1754-1824
Moraliste, né en Dordogne. Secrétaire de Diderot dans sa jeunesse, il est bien le seul homme qui n’ait en rien subi l’influence du bouillant « philosophe ». Plus encore, c’est lui qui, bientôt, va exercer la sienne, insinuante et subtile, sur Chateaubriand ; l’impérieux vicomte est son coéquipier dans le groupe littéraire qui- se constitue au tournant du siècle et qu’anime Pauline de Beaumont. Mais ce timide est aussi un sage, et il saura s’en tenir à son rôle d’inspirateur (Si je m’appesantis, écrit-il, tout est perdu). Il ne publie aucun livre. À sa mort on ne trouve dans ses papiers que des notes et c’est en 1838, seulement, que va paraître un volume de Pensées, extraites par Chateaubriand de ses carnets intimes. On connaît aujourd’hui l’ensemble des Carnets, qui constituent un véritable journal littéraire des années 1786 à 1824; «tranche» historique relativement brève mais riche en métamorphoses idéologiques, puisqu’elle recouvre la fin de l’époque « rousseauiste », la Révolution, l’Empire et enfin la Restauration (sous le signe de l’étincelant Joseph de Maistre). Si c’est bien de ce bord-ci, politiquement, que le délicat Joubert va regarder, de préférence, pour y trouver la sérénité dont son âme a besoin (C’est la force et le droit qui règlent toutes choses dans le monde; la force en attendant le droit), par contre, poétiquement parlant, son cœur est encore du côté de Rousseau (Des yeux levés vers le ciel sont toujours beaux, quels qu’ils soient), mais plus encore - et c’est là qu’il est le plus heureusement inspiré -du côté des mystiques (Partout, et en tout, ce qui est subtil porte ce qui est compact; et ce qui est léger tient suspendu tout ce qui est lourd). Et puisqu’il nous faut conclure, ce sera par cette formule magistrale qui, dans l’intention de Joubert, momentanément critique littéraire, ne vise qu’à définir l’« imagination du poète », mais définirait mieux encore l’art du moraliste Joubert... La faculté de rendre sensible ce qui est intellectuel, d’incorporer ce qui est esprit; et en un mot de mettre au jour, sans le dénaturer, ce qui est de soi-même invisible.
JOUBERT Joseph. Écrivain français. Né en 1754 à Montignac-le-Comte (aujourd'hui Montignac-sur-Vézère, Dordogne); mort à Villeneuve-le-Roi (Villeneuve-sur-Yonne), le 4 mai 1824. Après avoir fait ses études au Collège de l'Esquille à Toulouse, il resta chez les doctrinaires et prit la soutane, sans prononcer de voeux. En 1778, Joubert quitte Toulouse et s'installe à Paris. Dès l'année suivante, il y rencontre Fontanes avec qui il sera lié jusqu'à sa mort par une tendre et fidèle amitié. Pendant quelques mois, Joubert servit de secrétaire à Diderot et travailla sous sa direction à l'Essai sur la bienveillance universelle. Il connut également Restif de la Bretonne et devint l'amant de sa femme. Mais Joubert et Fontanes vivaient tous deux d'expédients et un mirobolant projet de journal, la Correspondance française, que Fontanes devait lancer depuis Londres écnoua pitoyablement. Au cours de ces années difficiles, Joubert publia ici et là des articles, de petits essais, dont L'Eloge de Pigalle, Le Boscobel, ou abrégé de ce qui s'est passé dans la retraite de S. M. (le roi Charles II) après la bataille de Worcester et Le Salon de 1789, mais surtout il écrivit de nombreux fragments inachevés et qui ne virent jamais le jour, comme une Etude sur la peinture à la cire des Anciens, un Eloge de Cook, une Histoire impartiale de la France. La première révolution devait faire accéder Joubert aux fonctions publiques, il fut nommé juge de paix de Montignac en 1791, mais donna sa démission l'année suivante. En 1793, Joubert épousa Mlle Moreau de Bussy, et l'année suivante, rencontra Pauline de Beaumont que, quelques années plus tard, il devait faire connaître à Fontanes, et celui-ci à Chateaubriand. En 1800, c'est autour de cette jolie femme et de ces trois hommes que devait se créer un salon qui eut son heure de célébrité. C'est là que Joubert commença à exercer un véritable ascendant sur Chateaubriand à qui il servit pendant des années de mentor, l'encourageant mais le critiquant parfois âprement. Joubert fut une des rares personnes dont Chateaubriand acceptât une telle sévérité; il profita de ses conseils et lui témoigna un attachement indéfectible. Parmi les proches de Joubert, il faut encore citer Mme de Vintimille pour qui il éprouva une amitié amoureuse longue et durable. Mais Joubert, aimé et estimé des hommes les plus remarquables de son temps, resta toujours dans l'ombre et, à l'exception des quelques articles parus dans sa jeunesse, ne publia jamais rien. Il écrivait pourtant avec continuité, au jour le jour, dans de petits carnets qu'il tint avec la plus grande régularité à partir de 1786; ce sont ces notes menues, raffinées, pleines de sel et de suc dont Chateaubriand devait tirer le petit ouvrage intitulé Recueil et pensées procurées par Chateaubriand, paru en 1838 et qui furent rassemblées par le neveu de Joubert, Paul de Raynal, en 1842 et publiées in extenso en 1938 par André Beaunier sous le titre de Les Carnets de Joseph Joubert. Vivant généralement loin de Paris, Joubert entretint avec ses amis une correspondance assidue qui ne manque ni de charme, ni d'intérêt. Il pensait terminer sa vie dans sa calme maison de Villeneuve, lorsque Fon-tanes, devenu, en 1809, grand maître de l'université, le fit nommer inspecteur de l'université impériale. Joubert accomplit avec zèle et sérieux ces nouvelles fonctions qu'il n'avait pas désirées, puis il rentra dans la retraite où il mourut le 4 mai 1824. C'était un être discret et charmant, un esprit aimable et subtil qui exerça sur tous ceux qu'il rencontra la plus vive et la plus salutaire influence. ♦ « M. Joubert est une âme qui a rencontré par hasard un corps et qui s'en tire comme elle peut. » Mme de Chastenay. ♦ « De petite santé, M. Joubert prenait soin de sa tranquillité, de sa sécurité, de son silence, il aimait la causerie; et plus encore, la rêverie... Il était sensible, très vite alarmé, nerveux, extrêmement chimérique. Mais il était aussi fort raisonnable et voulait que sa raison fût maîtresse de son émoi... Il a cherché la vérité, non pour la répandre mais pour la posséder... Il a désiré, par-dessus tout, d'améliorer son esprit, de réaliser sa perfection... Son chef-d'oeuvre, c 'est lui. » André Beaunier.