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Jean Tardieu

Poète né le 1er novembre 1903 dans le Jura à Saint-Germain-de-Joux. Son père est peintre, sa mère musicienne Etudes de droit puis de lettres à Paris. Fréquente dans les années 20 les décades de Pontigny et la N.R.F., où il se lie d’amitié avec André Gide Roger Martin du Gard et Marcel Arland, notamment. Publie ses premiers poèmes dans la N.R.F. (1927). 1932 : épouse Marie-Laure Blot, biologiste réputée. L'année suivante, publie son premier recueil Le Fleuve caché. Mobilisé en 1939, il participe de 40 à 44 aux publications clandestines des Editions de Minuit et des Lettres Françaises. A la Libération, Tardieu est nommé Chef du Service Dramatique de la R. T.F. où le poète, préoccupé de recherches sur le langage, trouve dans les techniques modernes d’enregistrement et de montage un nouveau terrain d’investigation. A partir de 1954 Jean Tardieu dirige les Cahiers d‘Etudes de RadioTélévision, et est promu, en 1960 à la direction de France IV-Haute Fidélité, le futur France-Musique. L’œuvre de Tardieu, méconnue et discrète, est cependant considérable : 7 recueils de poèmes, 2 volumes de Théâtre de Chambre, 1 recueil de réflexions, entre autres, plus des traductions de Goethe et de Hölderlin, ainsi que de nombreuses préfaces à des expositions de peintres (Lapicque, Dufy, Villon, Hartung...). En exergue à son recueil de Poésies : 1938-1961, publié en 1968 dans la collection de poche Poésie/Gallimard sous le titre Le Fleuve caché, Jean Tardieu a écrit : « Toute ma vie est marquée par l’image de ces fleuves, cachés ou perdus au pied des montagnes. Comme eux, l’aspect des choses plonge et se joue entre la présence et l’absence. Tout ce que je touche a sa moitié de pierre et sa moitié d'écume. » Voilà qui résume, on ne peut mieux, la dialectique singulière et complexe qui préside à l’œuvre entière d’un poète secret et profond. Qu’il s’agisse de formes poétiques ou de formes théâtrales, sous le double signe de la simplicité et de l’exigence, le clown Tardieu, qui sait l’absurdité de tout, jongle comme Queneau ou Max Jacob, avec la « sainte Réalité » qui, toujours, nous échappe, à l’instant même où il semble que l’on puisse la saisir par « très peu de mots. Très peu de gestes. Mais les uns et les autres organisés pour un poème à jouer. » Le poète manie avec force et pudeur tant l’évidence du quotidien que l’agencement le plus savant de l’étrange. Car il refuse de se complaire dans les facilités romantiques. La métaphysique ne peut être que parodique. Ainsi dans le célèbre poème La môme néant : «Pourquoi qu ’a dit rin ?! Pourquoi qu ’a fait rin ?! Pourquoi qu ’a pense a rin ?/ — A ’xiste pas. » On a rarement exprimé avec autant de sérieux, de concision, de pénétration, le vide, l’absence qui caractérise l’homme moderne. Les courtes saynètes du recueil Monsieur Monsieur (composées de 1948 à 1950) peuvent être considérées comme à l’avant-garde de ce que l’on allait bientôt nommer « théâtre de l’absurde ». Ce « théâtre de chambre », ces « poèmes à jouer » des pièces comme Les Amants du Métro ou L’A.B.C. de notre vie sont, à ce titre, des petits chefs-d’œuvre du théâtre contemporain. Tardieu qui ne cache pas son admiration pour J.S. Bach nous a donné un « clavecin bien tempéré de la dramaturgie » dont on savourera longtemps la force burlesque et la technique musicale. On a pu dire que son théâtre était trop abstrait, mais c’est précisément cette volonté de dépersonnalisation qui le caractérise et lui confère son originalité. Une fois épuisées toutes les ressources de la rhétorique, du jeu apparemment inépuisable des formes grammaticales, des jongleries de gestes, de cris, de sons, que reste-t-il sinon « une voix sans personne, un murmure sans parole parmi d’autres murmures ? » Pour reprendre les termes employés par Monique Pétillon dans un article du Monde des Livres, Tardieu associe « transparence lyrique » et « ascèse du burlesque ». Telle est l’ambiguïté de son œuvre à la fois grave, d’un lyrisme étincelant dans la lignée de Nerval ou Hölderlin, et légère, clownesque, dérisoire. Curieusement, Tardieu qui a écrit une étude sur Charles d’Orléans a toujours revendiqué l’héritage de ce grand artisan du vers français. C’est qu’il se veut lui aussi un artisan dont les outils sont « verbes adverbes participes. » Tel est le sens (double, encore une fois) du dernier recueil, paru en 1976, Formeries : d’une part, l’accent est mis sur le « travail » formel, et d’autre part, le poète veut évoquer, comme dans l’archaïque désinence de « dancerie », «les conventions de la musique et des libertés communales. » On retrouve dans Formeries le ton comique et grave de Monsieur Monsieur que Tardieu tient, d’ailleurs, pour son œuvre principale. Le clown est, décidément, le héros par excellence des temps modernes. Charlie Chaplin, « L’éternel enfant », Plume et Monsieur Teste, telles sont peut-être les figures les plus dérisoires mais aussi les plus terribles de notre condition. Jean Tardieu appartient à la grande famille de ceux qui ont su sonder le vide où tout recommence. N’a-t-il pas déclaré dans une interview au Monde (20-876) : « Je renoue dans Formeries avec un besoin très ancien de chercher dans le langage le point où, une fois filtré tout ce qui est justement l’éclat, la turbulence des mots et même la beauté des sons, on retrouve les mots essentiels, quitte à ce que ce soient des mots rebattus et même enfantins à force de simplicité, mais qui donnent la plus grande garantie d’une superposition de sens ».

TARDIEU, André (Paris, 1876-Menton, 1945). Homme politique français. Après avoir accédé à de hauts postes diplomatiques et ministériels, il se retira de la vie politique afin d'entreprendre une réflexion sur la réforme des institutions, jugeant le parlementarisme inadapté au monde contemporain. Homme de droite, ancien collaborateur de Clemenceau, il fut plusieurs fois ministre. Président du Conseil (1929-1930 et 1932) à l'époque des répercussions en France de la crise économique de 1929, il entreprit une politique économique et sociale novatrice, jugeant nécessaire une relance de l'économie par l'État grâce à un vaste plan d'équipement national. Ministre dans le cabinet Doumergue (1934), chargé de réformer la Constitution pour remédier à l'instabilité ministérielle, il abandonna la vie politique en 1935.

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