Jean-Paul SARTRE et la conscience esthétique
« C'est bien avec les sentiments qu'on recrée l'objet esthétique; s'il est touchant, il n'apparaît qu'à travers nos pleurs; s'il est comique, il sera reconnu par le rire. Seulement ces sentiments sont d'une espèce particulière : ils ont la liberté pour origine; ils sont prêtés. Il n'est pas jusqu'à la croyance que j'accorde au récit qui ne soit librement consentie. C'est une Passion, au sens chrétien du mot, c'est-à-dire une liberté qui se met résolument en état de passivité pour obtenir par ce sacrifice un certain effet transcendant. Le lecteur se fait crédule, il descend dans la crédulité et celle-ci, bien qu'elle finisse par se refermer sur lui comme un songe, s'accompagne à chaque instant de la conscience d'être libre. On a voulu parfois enfermer. les auteurs dans ce dilemme : "Ou l'on croit à votre histoire, et c'est intolérable; ou l'on n'y croit point, et c'est ridicule." Mais l'argument est absurde, car le propre de la conscience esthétique c'est d'être croyance par engagement, par serment, croyance continuée pas fidélité à soi et à l'auteur, choix perpétuellement renouvelé de croire. »
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