JAUFRÉ (ou Geoffroi) RUDEL
JAUFRÉ (ou Geoffroi) RUDEL. Troubadour du XIIe siècle. Né à Blaye (Gironde) dont il était « prince », ou, à tout le moins, seigneur en tant que cadet des comtes d'Àngoulême, mort a Tripoli, Palestine (?). Sur la foi d'une de ces notices ou vidas, rédigées en provençal par Jehan de Nostredame (fils du fameux Nostradamus) et reprises par Raynouard dans ses Biographies des troubadours (1820), Jaufré Rudel est devenu le héros d'une légende qui a pris le pas sur son oeuvre. De cette dernière nous possédons seulement six poésies : les unes (II, V et VI) se rapportent à un amour idéal et lointain (« amor de terra lonhdana ») et les autres (I, III et IV) à des aventures dont le caractère charnel ne saurait faire de doute. En tout état de cause, il est possible que le poète ait accompagné en Terre sainte un fils naturel d'Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, lorsqu'il se croisa à la suite de Hugues VII de Lusignan, dit le Brun, comte de la Marche (de fait, le troubadour Marcabru composait à la même époque un sirvente adresse « an Jaufré Rudel outra mar »). Quant à la légende, peut-être a-t-elle pour origine une passion que Jaufré Rudel aurait réellement éprouvée pour Odierne, femme de Raimon Ier, comte de Tripoli. Mais l'histoire de la comtesse de Tripoli, telle qu'elle est venue jusqu'à nous, se révèle autrement romanesque. Jaufré Rudel serait devenu amoureux de la princesse d'Orient sur le portrait qu'avaient fait d'elle des pèlerins venus d'Antioche. Il s'embarque, tombe gravement malade en mer et n'arrive à Tripoli que juste à temps pour mourir dans les bras de l'aimée (« Et en aissi el moric entr'els braz de la comtessa », nous dit Jehan de Nostredame); celle-ci, de désespoir, finira ses jours dans un cloître. Telle est la jolie légende dont devaient s'inspirer Uhland, Heine, Swinbume, Car-ducci et Edmond Rostand dans son drame La Princesse lointaine (1895).