JARRY Alfred
JARRY Alfred 1873-1907
Après de brillantes études — il était bon partout — à Laval où il est né, puis à Rennes et Paris, le voici en 1890, qui prépare Normale Supérieure. Très vite, il préfère sécher les cours, (ceux de Bergson entre autres) pour traîner les rues avec son copain Fargue (Léon-Paul). Ensemble il font leurs débuts dans les milieux littéraires, au Mercure de France, où Jarry se lie avec Rémy de Gourmont. Il publie ensuite Les Minutes de Sable immémorial (1894) et César Antéchrist (1895). De 1896 à 1903, l’héritage parental lui assure une période de tranquillité matérielle; il écrit à ce moment-là l’essentiel de son œuvre. Le 10 décembre 1896, au théâtre de l’Oeuvre, qu’a fondé Paul Fort, on donne la pièce qui fera sa gloire: Ubu Roi. Ce fut un beau scandale, des comme on n’en voit plus. Cette œuvre dont le brouillon date de son temps d’écolier va lui fermer beaucoup de portes, d’autant qu’avec beaucoup d’application il va singer son personnage, s’abandonnant à des provocations et des farces pas toujours bien venues et à un net penchant, trop net, pour la bouteille. La disparition, en 1903, de la Revue Blanche le plonge dans une situation financière périlleuse. A part La Dragonne, pas grand chose ne sortira des quatre ans de «galère» qui précèdent sa mort à l’hôpital de la Charité, le jour de la Toussaint 1907. Le succès, ambigu, de Ubu Roi, avec ses prolongements Ubu cocu, Ubu enchaîné, Ubu sur la Butte, et, plus encore, la personnalité de Jarry, sur qui on raconte tant et tant d’anecdotes, certaines fausses, toutes prouvant un humour carnassier et démesuré, ont quelque peu caché le réel poète, complexe et original, qui se révèle aussi bien dans ses poèmes que dans ses essais de romans: L'Amour absolu, Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien (1898, publié en 1911), Le Surmâle (1902). Jarry fut par ailleurs l'inventeur de la pataphysique, dont le Collège existe toujours, et qu'il définissait: «Science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité».
JARRY Alfred
1873-1907
Poète, auteur de théâtre et romancier,-né à Laval. Au lycée de Rennes, en 1888, il écrit une première version d'Ubu roi, qui est conçu comme une pièce « pour marionnettes », précise le sous-titre (et qui sera jouée d’abord, en effet, par la compagnie « Les Marionnettes » peu après sa composition). Puis il se rend à Paris, où il prépare Normale supérieure au lycée Henri IV Son premier livre est un recueil de poèmes, Les Minutes de sable mémorial (1894) qui, ainsi que le roman L’Amour absolu (1898), révèle un artiste subtil, préoccupé (comme il le dit lui-même) de faire, dans la route des phrases, un carrefour de tous les mots. La farce d’Ubu roi, que monte au Théâtre de l’Œuvre Lugné-Poe en 1896, avec Gémier dans le rôle d’Ubu, fait scandale; et, pour commencer, le célèbre cri (merdre!) qui empêcha le public de rendre justice à la pièce. Ubu ne tient pourtant pas tout entier dans de tels détails, de même que le poète Jarry n’est pas tout entier dans Ubu. (Ajoutons qu’Uhu roi s’adjoindra plus tard un Ubu enchaîné, plus décousu mais tout aussi original et joyeux.) On a pu considérer cette œuvre tour à tour comme une satire dirigée contre la bêtise (la cible que visait Jarry ne représentait-elle pas pour lui tout le grotesque qui fût au monde ? Il l’a dit). Ou bien contre la tyrannie; ou encore, contre la classe bourgeoise, etc. Puis, dans les années 30 et 40, sous l’influence du surréalisme, on a voulu voir dans le « cycle d’Ubu » (qui comporte un Ubu cocu posthume, assez décevant) le triomphe de l’« humour noir »; l’expression avait été mise à l’honneur dès 1937 par André Breton dans l’essai qui porte ce titre, et dans L’Anthologie qui suivit en 1940. Enfin dans les années 50, l’optique juste et seule « valable » sur cette œuvre était de l’envisager comme une sorte de tragédie métaphysique, qui n’affecterait le ton de la bouffonnerie que pour mieux mettre en cause l’absurdité de la condition humaine. Une chose est certaine (puisque cela, du moins, Jarry l’a dit lui-même), le personnage d’Ubu est issu d’une charge de collégiens qui prend pour modèle un professeur du lycée de Rennes (le cas n’est pas rare : voir la farce du poète libertin Cyrano de Bergerac ; œuvre de jeunesse, elle aussi). L’humour de Jarry, si tant est que ce soit là de l’humour au sens habituel de cette expression (très marquée par son origine britannique) est bien moins de l’humour noir qu’un rire éclatant, solide, et sonore. Sans doute Jarry rêva-t-il un jour d’atteindre l’image exemplaire de l’« anarchiste parfait ». Sans doute eut-il au départ une cible précise. Mais l’allégresse verbale est si large chez lui, si déboutonnée qu’il oublie en route ses rancunes contre la bêtise (certes c’était un thème cher à son cœur, puisque cher à ses dieux, Villiers de L’Isle-Adam et Flaubert, mais, par là même, historiquement dépassé pour lui), et sa farce se détourne peu à peu de son objet initial pour s’épanouir enfin dans la plus parfaite gratuité, qui est le domaine de la poésie, c’est-à-dire du verbe pour le verbe. Ainsi quand - après avoir jeté les nobles à la « fosse à nobles » au moyen du « crochet à nobles » -Ubu s’écrie : Avec ce système, j’aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde, soulignons qu’il ajoute aussitôt ce trait (superbe, mais, plus encore, significatif) :... et je m’en irai. Satire ? Oui, sans doute, mais surtout : pure joie poétique. Car Jarry est un poète, bien plus qu’un métaphysicien, qu’un « humoriste noir », qu’un moraliste, etc. Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien (1898, publication posthume en 1911), c’est là encore une sorte d’épopée bouffonne. L’œuvre, plus inégale, reste tout aussi riche qu'Ubu roi. On n’en retiendra pas tant, sans doute, les opinions du héros, si fantasques soient-elles (celle-ci, par exemple, selon quoi c’est la pomme de Newton qui attira la planète vers elle et non l’inverse : Au lieu d’énoncer la loi de la chute des corps vers un centre, que ne préfère-t-on, celle de l’ascension du vide vers une périphérie)... car elles pâlissent auprès du récit proprement dit des gestes, de la « geste », qui est chantée à partir du livre III : De l’embarquement dans l’arche, De l'île amorphe, Des ténèbres hermétiques, etc. Quant à la pataphysique (laquelle, selon Jarry, a pour objet les lois qui régissent les exceptions), c’est là une formule polie - ou mieux : drôle par pudeur - pour désigner une attitude générale devant la vie, dont Jarry ne s’est pas départi un seul jour; et ce, à son grand dam. Attitude de mépris (sans gestes emphatiques, mais sans appel) envers toute règle ; car l’exception seule est son domaine, son lot, sa loi à lui poète, pour qui il n’est de « règles » que la règle du jeu qu’il a choisi lui-même. Et - peut-être - la pataphysique n’était-elle qu’un synonyme de : libre fantaisie, dans un esprit assez voisin de cet « anarchisme parfait » dont il rêva. Jarry a dû toute sa vie accepter de vagues travaux de plume. Mais il faut mettre à part ses rubriques dans La Revue blanche, laquelle, par malheur, cessa de paraître (voir le recueil de ses articles, récemment réunis sous le titre «ubuesque» qu’il avait lui-même souhaité: La Chandelle verte). Et il devra se rabattre, vers la fin, sur d’obscures besognes de traducteur. Vieilli avant l’âge, perdu d’alcool et de tuberculose il meurt à l’hôpital de la Charité (âgé de trente-quatre ans).
JARRY Alfred. Poète français. Né à Laval (Mayenne) lé 8 septembre 1873, mort à l’hôpital de la Charité, à Paris, le 1er novembre 1907. Son père, qui répondait au prénom d’Anselme, dirigeait une fabrique de toile : de ce côté, rien à signaler. Par contre, du côté de sa mère, Caroline Quernest, personnage excentrique qui eut un goût fort prononcé « pour le travesti », on peut faire état d’une hérédité chargée, puisque la mère de cette dernière passa une grande partie de sa vie internée. Après le petit Lycée de Laval, Jarry poursuivit ses études au Lycée de Saint-Brieuc, sa mère s’étant installée dans cette ville vers 1885. En octobre 1888, un nouveau déménagement l’amena à finir sa rhétorique au Lycée de Rennes, où il se montra aussi bon élève en français qu’en mathématiques ou en sciences physiques. Il passa ses deux baccalauréats très brillamment, et même avec la mention « bien » pour le second. Octobre 1890 : le voici à Paris, au Lycée Henri-IV, où il prépare l’École Normale. Il a Bergson pour professeur et pour condisciple Léon-Paul Fargue en compagnie duquel, délaissant bien vite les cours, il arpente les rues de la capitale. Ensemble ils font leur entrée dans les milieux littéraires : au Mercure de France où ils fréquentent, Jarry se lie plus particulièrement avec Vallette, Rachilde et aussi Remy de Gourmont, qui dirigera avec lui en 1894-1895 L’Ymagier, revue d’art paraissant en fascicules trimestriels. Dans le même temps, Jarry se fait connaître par deux ouvrages de vers : Les Minutes de sable mémorial (1894) et César Antéchrist (1895), qui le classent d’emblée parmi les « poètes décadents ». En 1895, il perd à huit jours d’intervalle son père et sa mère. Grâce à l’héritage qui lui échoit, il prend un appartement boulevard Saint-Germain, appartement qu’il quittera plus tard pour le « Tripode », wagon de marchandises déclassé qu’il plantera en pleine campagne au Coudray, près de Corbeil, dans un champ entouré au préalable de grillage à lapin. De 1896 à 1903, c’est pour lui une époque de tranquillité matérielle, au cours de laquelle il écrit ses principales œuvres : L’Amour en visites (1898), L’Amour absolu (1899), Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien (écrits en 1898, publiés seulement en 1911), Messaline (1901) et Le Surmâle (1902). Jarry collabore régulièrement à La Revue blanche — ce qui lui assure sa vie quotidienne — et parallèlement travaille aux côtés de Lugné-Poe comme secrétaire général du Théâtre de l’Œuvre. C’est d’ailleurs dans ce théâtre que fut montée, le 10 décembre 1896, la pièce qui l’a immortalisé : Ubu roi : Gémier tenait le rôle d’Ubu et Louise France celui de Mère Ubu. Les décors avaient été brossés par Bonnard, Vuillard, Lautrec, Ranson et Sérusier, l’équipe de peintres qui fréquentaient La Revue blanche. Claude Terrasse, qui avait composé la musique d’accompagnement, était lui-même au piano. Ce fut un beau scandale : dès le premier mot — le fameux « Merdre » lancé d’une voix tonitruante par Gémier — la salle fut debout et hurlante. Jules Renard et Courteline, présents, s’opposèrent vivement à la pièce; Francisque Sarcey, le critique dramatique alors le plus en vue, tint à manifester son indignation en quittant le théâtre. Quant à Jean de Tinan, il s’efforçait de réconcilier adversaires et partisans, en applaudissant à tout rompre dans le même temps qu’il sifflait avec une conviction qu’on aurait pu croire entière. Il n’y eut en définitive qu’un seul critique pour défendre la pièce, Henry Bauer, ce qui d’ailleurs lui coûta sa place de rédacteur à L’Echo de Paris. Écrit en 1888, alors qu’à peine âgé de quinze ans Jarry était encore élève au Collège de Rennes, Ubu roi eut non seulement les honneurs de la scène, mais fut aussi édité par Le Mercure de France (quelques mois avant qu’il ne fût représenté), grâce à la clairvoyance de Vallette. Ubu est un personnage essentiel tant à cause de la place qu’il occupe dans l’histoire littéraire que par celle qu’il ne devait cesser de tenir dans la vie même de Jarry. Ainsi que l’ont noté tous ses biographes, et en particulier ceux qui l’ont connu, Jarry s’est toute sa vie efforcé de s’identifier au personnage qu’il avait créé, et bon nombre des épisodes ou des anecdotes que l’on rapporte a son sujet perdraient leur véritable signification si on ne les confrontait avec Ubu, personnage bouffon et trivial né de la plus violente des révoltes qu’un adolescent ait entretenue contre la bêtise triomphante des adultes, et qui reparut entre autres dans Paralipomènes d’Ubu, publiés en 1921. A la disparition de La Revue blanche (1903), Jarry se trouva dans une situation des plus précaires. Après d’infructueux essais pour faire du journalisme, il entreprit, en compagnie de son ami le Dr Jean Saltas, de traduire du grec le roman de Jean Rhoïdès : La Papesse Jeanne (publié en 1908). Mais désormais sa santé est ruinée. Désemparé, ne vivant qu’au prix des plus dures privations, le corps miné par l’alcool, il ne produira plus d’œuvre importante, si ce n’est La Dragonne, roman d’ailleurs inachevé. Après un séjour à Laval, au printemps de 1906, où il était allé se reposer auprès de sa sœur, il ne revint à Paris que pour y mourir. Transporté à l’hôpital de la Charité par le Dr Saltas et Vallette, il y agonisera, frappé d’une méningite tuberculeuse, après avoir demandé que lui soit donné — dernier trait de cet humour qui ne s’avoua jamais vaincu — un cure-dent.
♦ « Ces débauches de l’intelligence où les sentiments n’ont pas de part, la Renaissance seule permit qu’on s’y livrât, et Jarry, par un miracle, a été le dernier de ses débauchés sublimes. » Guillaume Apollinaire.
Né à Laval en 1873, Alfred Jarry, fils d'un marchand de toile, est un élève brillant. Monté à Paris pour achever ses études, il les abandonne pour se consacrer à la littérature. Esprit excentrique, doté d'un humour destructeur, il collabore à des revues littéraires et s'enivre d'absinthe dans les cafés littéraires, dilapidant l'héritage de ses parents. En 1896, c'est la première d’Ubu Roi. Bien que vivant misérablement, avec le seul secours de ses amis, il s'obstine à écrire une œuvre prolifique qui ne le nourrira jamais. Il meurt à 34 ans d'une méningite tuberculeuse.