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JAMMES Francis

JAMMES Francis 1868-1938
Sauf le temps de ses études, faites pas très loin, à Bordeaux, Jammes, qui est né à Tournay (Hautes Pyrénées), ne quittera jamais longtemps sa campagne, où il puisera l’essentiel de son inspiration. Promenades en montagne, vie provinciale, premiers poèmes, que Gide et Mallarmé remarquent. Ils seront rassemblés dans De l’Angélus de l'Aube à l'Angélus du Soir et disent, avec une grande ingénuité, dans des vers libres très simples mais très mélodieux, la vie de tous les jours, ses menus accidents, ses rêveries d’enfant. Jammes rencontre le succès, ce qui ne change en rien sa vie de provincial paisible. En 1901 paraît Le Deuil des Primevères où perce plus de mélancolie, puis — entre-temps il s’est converti sous l’influence de Claudel — Clairière dans le Ciel, dont le ton est plus grave. Vers 1910, le Jammisme est à son apogée. Après la guerre, d’autres mouvements poétiques viendront, qui lui dameront la vedette, d’autant qu’il aura perdu dans les nombreux recueils qu’il publiera jusqu’à sa mort — survenue à Hasparen, au Pays Basque — cette fraîcheur savante qui faisait, pour une grande part, l’attrait de sa poésie (Le Livre des Quatrains (1925) et De tout Temps à jamais (1935). Le succès populaire qu’a rencontré Francis Jammes, le fait que des générations d’écoliers ont ânonné, c’est le cas de le dire, ses poèmes (J’aime l’Ane si doux), l’ont rendu suspect à la critique. On lui a beaucoup reproché sa facilité, en l’accusant de complaisance, même, et d’un parti-pris d’enfantillage. Il n’en demeure pas moins vrai qu’à la différence de beaucoup d’autres qui connurent une gloire équivalente, lui par sa simplicité vraie et sa sensibilité à la terre et à la nature continue de nous émouvoir.
JAMMES Francis
1868-1938
Poète et conteur, né à Toumay dans les Hautes-Pyrénées. D’abord clerc de notaire, il écrit, à vingt-huit ans, un recueil de poèmes qui lui vaut l’admiration de Mallarmé. De plus André Gide, à qui le liera une longue amitié (leur Correspondance a été éditée par Robert Mallet en 1948), va payer de ses deniers la publication « à compte d’auteur » d’Un jour (1895). Mais c’est avec les recueils suivants, De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir (1898), et Le Deuil des primevères (1901), que la personnalité du poète s’affirme, tout à la fois ingénue et ingénieuse. Dans le même temps, et peut-être avec plus de bonheur encore, il donne de courts récits en prose, Clara d’Ellébeuse (1899), et Almaïde d’Étremont (1901). Il y chante des jeunes filles imaginaires (« ancienne », dit-il de l’une d’elles). L’éloge des félicités douillettes et casanières de la province s’y mêle à la nostalgie des terres lointaines, exotiques (et ici, des souvenirs familiaux se mêlent à son expérience d’un voyage en Afrique du Nord avec Gide). Aussi à son aise, sinon davantage, dans la compagnie des bêtes, il se fait le mémorialiste et biographe des ânes, ou mieux encore, des « pattes pelues » (Le Roman du lièvre, 1903). Carco, qui l’admirait et le fréquenta, nous a décrit son glorieux aîné, marchant au bord des rivières, « la barbe au vent et un herbier de métal en bandoulière, sur lequel il a écrit au pinceau son nom avec des pleins et des déliés : Francis Jammes, poète ». Sur le tard, ce naïf un peu roué, se rangera, se mariera. Il va guinder sa piété naturelle dans les Géorgiques chrétiennes (1912), Ma France poétique (1926), etc. Son souffle s’amplifie, sa rythmique naguère déhanchée et buissonnière apparaît plus ferme et plus stricte. Le voilà devenu grave; grand même, adulte; et content de cette promotion. Il philosophe à l’occasion dans les Quatrains (1923-1925). Il écrit des romans pleins d’idées (dont Les Robinsons basques, 1925, et le curieux Élie de Nacre, dit aussi - malencontreusement - l’Antigyde, 1932). Mais cette deuxième manière n’ajoute rien à sa gloire.


JAMMES Francis. Poète français. Né à Tournay (Hautes-Pyrénées) le 2 décembre 1868, mort à Hasparren (Pyrénées-Atlantiques) le 1er novembre 1938. Son grand-père, Jean-Baptiste, docteur en médecine, et son père, Victor, étaient nés à Pointe-à-Pitre; sa mère était originaire de Sisteron; son père quitta la Guadeloupe à sept ans pour rejoindre sa famille à Orthez, puis vécut à Tournay et devint receveur de l’enregistrement à Bordeaux. Le futur poète fit ses études aux Collèges de Pau et de Bordeaux, et fut quelque temps clerc de notaire à Orthez, où il demeurera plus de trente ans. Ses premiers poèmes, de forme très régulière, parurent en de minces cahiers par les soins d’un imprimeur orthézien (Six Sonnets et deux recueils intitulés Vers), en 1891 et 1892. Une troisième plaquette, plus étoffée, en 1893, toujours titrée Vers, inaugura la vraie manière du poète : « J’ai fait des vers faux, écrivait-il dans sa préface, et j’ai laissé de côté, ou à peu près, toute forme et toute métrique... Mon style balbutie, mais j’ai dit la vérité... » On y lisait une dédicace à Hubert Crackanthorpe et à Charles Lacoste (peintre depuis réputé). Le premier de ces amis, en regagnant l’Angleterre, déposa le petit volume chez Mallarmé, de qui Jammes reçut immédiatement un merci délicieux : « Il faut, ajoutait-il, que ceci ne passe pas inaperçu. » Dès l’année suivante, par l’entremise d’Arthur Chassériau, de Loti, de Régnier et de Gide, aiguillonné par Mallarmé, la librairie Ollendorff acceptait de publier un troisième ensemble de Vers, où étaient repris en partie les premiers cahiers et le volume de 1893. Tout le milieu symboliste accueillait avec une sympathie mêlée de surprise cette flûte gauche aux accords dissonants, mais d’une incontestable et neuve mélodie. André Gide, particulièrement séduit, tint à acquitter, en 1895, les frais d'Impression d’Un jour, dialogue rustique, dédié à Régnier, au Mercure de France. Jammes se décida à visiter ses nouveaux amis, et fit à Paris la connaissance d’Henry Bataille, de Rodenbach, de Samain, de Marcel Schwob. Après un voyage à Biskra, où il retrouva Gide et sa jeune femme, et une rencontre de Coppée à Pau, il reçut, à Orthez, Samain et le musicien Raymond Bonheur et leur lut sa nouvelle œuvre, La Mort du poète. En 1898, à la suite de touchantes Litanies en l'honneur de Francis Jammes dans l'Ermitage, il invita Charles Guérin : ce dimanche des Rameaux orthézien marque une date au calendrier de la poésie et de l’amitié; de Biarritz, peu après, Jammes recevait l’admirable pièce votive O Jammes ta maison..., qui allait prendre place dans Le Cœur solitaire, alors que Guérin s’enchantait du premier livre compact de son ami, paru deux mois plus tôt : De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir. Quelques mois après Jammes fit un séjour à La Roque-Baignard, en Normandie, chez Gide; il y composa la merveilleuse Elégie quatrième, qui devint l’un des joyaux du Deuil des primevères : c’est l’avènement de sa seconde phase poétique, où s’épanouit un registre libre, sans procédé mais non sans mystère. Puis, entre 1899 et 1904, Jammes s’affirmera prosateur de grande classe, avec le triptyque de ses jeunes filles mélancoliques ou naïves : Clara d’Ellébeuse, Almaïde d’Etremont, Pommes d’anis : prose, en vérité, aussi mélodieuse, plus subtile encore que ses vers, moderne en une atmosphère de l’ancien temps. Période agitée, que celle-là, coupée de voyages en Provence, à Paris, où Jammes est présenté à Debussy, à Redon, à Claudel; à Bruxelles, où il est salué par Thomas Braun et Max Elskamp, et jusqu’à Amsterdam. Féconde aussi pour la poésie, puisqu’elle voit naître l’épopée villageoise de Jean de Noarrieu, les Tristesses, reflet d’une déconvenue amoureuse, et l’exquise geste en prose du Roman du lièvre. En 1906, un pèlerinage au Cayla lui inspire son premier poème vraiment chrétien, En Dieu, sur quoi s’ouvre Clairières dans le ciel. Durement frappé par la mort soudaine de Charles Guérin, son meilleur ami, il est sauvé du désespoir par une jeune fille de Soissons, Geneviève Gœdorp, que les Tristesses ont enthousiasmée; il l’épouse à Lourdes à la fin de 1907. Sa destinée est désormais fixée dans un climat de paisible et fécond bonheur. Après les beaux distiques des Géorgiques chrétiennes, des sonnets placés sous le vocable de la Vierge sont groupés autour du Cantique de Lourdes. Jammes s'imposait dès lors comme l’un de nos meilleurs poètes catholiques, aux côtés de Le Cardonnel, de Péguy, de Claudel. Les jeunes l’entouraient, le vénéraient, accomplissaient le pèlerinage d’Orthez comme un rite. En 1921, la famille émigrait au Pays basque, dans une demeure plus vaste du village d’Hasparren, léguée par une vieille admiratrice. Jammes y rédigea ses Mémoires, pittoresques et pleins de bonhomie; il y écrivit encore des récits, d’émouvants Quatrains, et les frais paysages de Ma France poétique, enfin les souples décasyllabes d'Alouette, des Sources et des Feux. Ces quinze dernières années furent une apothéose. En 1937 eut lieu, pour l’Exposition, son dernier voyage à Paris; une longue causerie sur lui-même y charma un nombreux et fervent auditoire. Ce fut, hélas ! sa suprême joie. Un mal impitoyable envahit soudain cet organisme qui semblait construit pour durer un siècle. A la Toussaint de 1938, il expirait après une longue et douloureuse agonie, le jour même ou l’une de ses filles prenait le voile à Lyon. ♦ « J’aimais mieux sa rosée que son eau bénite. » Anna de Noailles. ♦ « Francis Jammes avait pleinement conscience de son importance; dans le mouvement littéraire contemporain, elle est considérable et peut justifier son orgueil. Je crois qu’il fallait cet orgueil pour lui permettre de s’affirmer, et dès ses tout premiers poèmes, avec une aussi intransigeante originalité. Jammes rompait net avec les écoles et la tradition poétique. Son œuvre n’est dans le prolongement de rien; elle part à neuf et du sol même; c’est une source où les altérés, où ceux qui ont le coeur pur, viennent boire, Jammes est d’une authenticité ravissante. » André Gide. ♦ « Il ne s’agit pas d ’un poète, dans le sens professionnel du mot, il ne s’agit pas de prosodies, il ne s’agit pas d’écriture, il s’agit d’une voix, et jamais accent plus pur et plus naturel ne s’était élevé de notre terre chrétienne et baptisée. » Paul Claudel. ♦ « Cher Jammes, poète grand et doux, votre œuvre est ce gave bondissant entre les aulnes qui jaillit sans fin d’un cœur sanctifié, J'honore en vous et dans tous les inspirés, vos frères, une de ces images indiscernables de la bonté de Dieu en ce monde… Un vers de Jammes, un air de Mozart, il n’en faut pas plus pour savoir que si l’humanité s’enfonce dans ces ténèbres où le sang d’Abel n’a jamais fini d’être répandu, cette lumière n’en existe pas moins dont vous êtes le témoin et le héros, cette lumière et cette joie. » François Mauriac.