JACOBI (Friedrich Heinrich)
JACOBI (Friedrich Heinrich), philosophe allemand (Düsseldorf 1743-Munich 1819). Conseiller des Finances pour les duchés de Berg et de Juliers, il se consacra aux lettres et à la philosophie. Sa philosophie de la croyance (David Hume et la croyance, 1787) comme seul moyen de connaissance véritable de la réalité, le panthéisme exprimé dans son ouvrage Sur la philosophie de Spinoza (1785) ont profondément influencé la philosophie de Fichte (la 3e partie de la Destination de l'homme, sa Théorie de la science de 1801) et l'interprétation que Hegel devait donner de Spinoza.
JACOBI Friedrich Heinrich. Philosophe allemand. Né à Düsseldorf le 25 janvier 1743, mort à Munich le 10 mars 1819. Dès son enfance, il manifeste des goûts et des attitudes qui seront le ferment le plus actif et la justification la plus intime d’une doctrine professionnellement non exploitée : un fort sentiment religieux, une tendance à l’introspection, les effusions du cœur contemplatif. Il vit à part : aux jeux avec ses compagnons, il préfère la lecture de la Bible et d’ouvrages édifiants en compagnie d’une domestique; après sa confirmation, il devient membre d’une société dont le but est la discussion des problèmes religieux. Chez lui, son comportement ne le fait pas juger digne d’entreprendre des études universitaires auxquelles on destine, au contraire, son frère aîné, le poète Johann Georg; son père, commerçant, pense se faire de lui un aide, puis un successeur à la direction de son entreprise; il l’envoie donc comme apprenti dans une maison de commerce à Genève où le mathématicien Lesage l’initia à la philosophie. Là, Jacobi réalisa l’accord entre ses inclinations d’enfant solitaire et l’esprit du temps, et trouva dans l'Émile les plus exactes correspondances à ses aspirations. La certitude du vicaire savoyard, à savoir que l’homme existe parce qu'il sent et que la sensation est le plus sûr témoin de la réalité d’un monde extérieur, sera le point de départ de son réalisme. Rentré dans son pays en 1762, il se consacra à la lecture de Spinoza, et son attention fut particulièrement appelée par les solutions que Kant et Mendelssohn apportèrent au thème proposé en 1763 par l’Académie de Berlin : sur l’évidence dans les sciences métaphysiques. Son activité matérielle accrue (en 1764, il assuma la gestion de la maison de son père) ne le détourna cependant pas de l’étude de la philosophie; cette même année il épousa Betty de Clermont, femme riche et intelligente, qui pendant vingt ans fut pour lui une compagne affectionnée. En 1772, il abandonna le commerce, ayant été appelé à une charge de conseiller des finances. Entre-temps il avait fait la connaissance de Wieland avec lequel il publiera le Mercure allemand, et sa maison de campagne de Düsseldorf était devenue le centre des intellectuels allemands. Le 21 juillet 1774, Goethe lui-même y passa, et au sujet de sa visite il écrivit : « Les pensées dont Jacobi m’a fait part jaillissaient directement de son senti ment; et comme j’en fus pénétré lorsqu’il m’ouvrit avec une absolue confiance les plus profondes exigences de son âme !... Nous nourrissions le vif espoir d’une activité commune et je le priai de décrire, sous une forme quelconque, tout ce qui s’agitait en lui. » Plus tard le jugement de Gœthe devint moins enthousiaste et plus critique. Jacobi répondit aux sollicitations de Gœthe par la publication de deux romans philosophiques : Lettres d’Alwill et Woldemar, dont les personnages veulent exprimer le dépassement du « Sturm und Drang », du « génie original », dans la recherche intérieure de la foi et de l’absolu. En janvier 1779, Jacobi est à Munich où le prince électeur l’a fait appeler comme conseiller secret et rapporteur ministériel pour les douanes et le commerce; mais en juin il regagne Düsseldorf à cause de différends nés de ses idées « libérales » contre l’extension des octrois. Un article de lui contre les obstacles dirigistes dans le commerce paraît dans les Baierische Beitrage. En 1780, un entretien avec Lessing sur le spinozisme et la lecture de la Critique de la raison pure de Kant l’aident à préciser sa position philosophique. En 1784, tandis qu’il séjourne à Bad Hofgeismar, anéanti par la mort de sa femme et d’un de ses enfants, il échange une correspondance avec Moses Mendelssohn au sujet du spinozisme et, lorsque l’année suivante paraissent les Matinées de Mendelssohn, il publie Sur la philosophie de Spinoza, lettres à Mendelssohn qui, dans la seconde édition de 1789, comprendront en appendice un résumé du dialogue de Bruno : Cause, principe et unité. Dans cette œuvre, le noyau central de la pensée de Jacobi est désormais constitué : la nécessité d’aller au-delà de la connaissance démontrable, au-delà du savoir intellectuel dont, justement, le spinozisme est, pour lui, l’expression la plus rigoureuse et la plus solide, pour puiser à une connaissance immédiate de l’absolu. Les œuvres qui suivent sont nées, bien plus que pour marquer les étapes du développement complexe de sa doctrine, de la nécessité de réfuter ou de mettre au point la position mystique et antirationaliste des Lettres, ou ont été occasionnées par des polémiques. Ainsi : David Hume et la foi, ou idéalisme et réalisme [1779], enrichi d’un appendice Sur l’idéalisme transcendantal; Lettres à Friedrich Nicolai [1788]; Missive à Fichte; le mémoire Sur l’entreprise du criticisme d’amener la raison à l’intelligence 1801], sont-ils des ouvrages dictés par les circonstances. En 1794, Jacobi abandonna Düsseldorf pendant quelque temps, à l’approche des troupes françaises, et quitta définitivement cette ville dix ans après, lorsqu’une débâcle financière l’eut privé des deux tiers de ses revenus. Ce fut alors qu’il accepta l’offre de se rendre à Munich pour y constituer cette Académie des Sciences dont il devint le président, et ce fut également dans cette ville qu’il publia son autre ouvrage fondamental Des choses divines et de leur révélation (1811), et qu’il s’occupa de l’édition complète de ses œuvres. Jacobi a eu une grande importance dans l’histoire de l’idéalisme allemand; on lui doit, à son corps défendant, la remise en lumière de la philosophie de Spinoza, et sa critique de Kant, comme ses polémiques avec les « encyclopédistes » berlinois, avec Fichte et Schelling, seront fécondes en stimulants. Hegel, qui fut le plus sévère critique de sa pensée, devait pourtant écrire que la toute nouvelle philosophie allemande commençait à lui et à Kant.
♦ « J’ai fait, ces jours derniers, une curieuse lecture : celle des lettres de Jacobi et de ses amis [publ. en 1825-27]. C’est un livre des plus remarquables et vous devez le lire non pour y apprendre quelque chose, mais pour avoir d’abord un aperçu de la civilisation et de la littérature dont on n’a aucune idée. » Goethe.
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