ironie
L’ironie est une figure de type macrostructural, qui joue sur la caractérisation intensive de l’énoncé : comme chacun sait, on dit le contraire de ce que l’on veut faire entendre. Il importe de bien voir le caractère macrostructural de l’ironie : un discours ironique se développe parfois sur un ensemble de phrases parmi lesquelles il est difficile d’isoler formellement des termes spécifiquement porteurs de l’ironie (mais en cas d’antiphrase cela est possible) ; d’autre part, c’est tout l’entourage du passage qui concourt à le faire interpréter ironiquement, l’ironie pouvant toujours n’être point perçue. Ex. :
Quiconque succombe est coupable et sans mérite [...] Dramatiste juré, tout en regardant les Girondins comme de pauvres diables parce qu’ils sont vaincus, n’en tirez pas moins de leur mort un tableau fantastique : ce sont de beaux jeunes hommes marchant couronnés de fleurs au sacrifice [...] Lui, M. Thiers, grand seigneur de Renaissance, voyage en nouvel Atticus, achète des objets d’art et ressuscite la prodigalité de l’antique aristocratie : c’est une distinction.
Ce qui caractérise cet extrait des Mémoires d’outre-tombe, c’est le ton général et son insertion dans une zone de pamphlet qui permet d’en interpréter toute la portée en négation de la valeur apparente de ses phrases, chacune pouvant recevoir d’autres formes matérielles d’expression (question esthétique mise à part) sans que disparaisse la figure globale d’ironie.
=> Figure, macrostructurale; antiphrase; diasyrme, astéisme.
Ironie. Figure de pensée, qui consiste à dire le contraire de ce que l’on veut dire. L’ironie n’est décelable que dans un décalage entre ce qui est dit et la situation qui est visée, et à laquelle les paroles ne s’adaptent pas. Elle suppose, pour être perçue, la connaissance des normes de celui qui l’utilise. L’ironie, qui crée souvent un effet comique, a une visée critique et les grands ironistes, comme La Bruyère ou Voltaire, se sont attaqués aux défauts de l’homme ou de la société. C’est une arme précieuse dans l’argumentation, en particulier polémique, où elle se rattache souvent à l’argumentation par l’absurde.
L’ironie utilise essentiellement l'antiphrase :
Champagne, au sortir d’un long dîner qui lui enfle l’estomac, et dans les douces fumées d’un vin d’Avenay ou de Sillery, signe un ordre qu’on lui présente, qui ôterait le pain à toute une province, si l’on n’y remédiait. Il est excusable : quel moyen de comprendre, dans la première heure de la digestion, qu’on puisse quelque part mourir de faim?
(La Bruyère, Les Caractères)
l’exagération comme dans cette fin du portrait de l’amateur d’oiseaux, Diphile, du même La Bruyère :
Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche; il rêve la nuit qu’il mue ou qu’il couve, l’opposition :
Onuphre n’a pour tout lit qu’une housse de serge grise, mais il couche sur le coton et sur le duvet; de même il est habillé simplement, mais commodément, je veux dire d’une étoffe fort légère en été, et d’une autre fort moelleuse pendant l’hiver.
(La Bruyère, Les Caractères)
ou encore ce que Perelman et Olbrechts-Tyteca appellent l’illustration inadéquate, comme lorsqu’on loue quelqu’un en ne citant de lui que des actes blâmables :
Le Celte dit que les Scythes, ses ancêtres, étaient les seules gens de bien qui eussent jamais été au monde; qu’ils avaient, à la vérité, quelquefois mangé des hommes, mais que cela n’empêchait pas qu’on ne dût avoir beaucoup de respect pour sa nation [...]
(Voltaire, Zadig ou la destinée)
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