Hume: Qu'est-ce que le moi ?
Hume est connu pour son empirisme, c'est-à-dire pour sa critique du rationalisme cartésien. Pour lui, le psychisme tire ses idées des sensations. Sans l'expérience, l'esprit humain ne pourrait pas construire de raisonnement.
Problématique
Il n'y a pas de moi sans expérience. Je rencontre toujours une perception, c'est-à-dire un contenu de l'esprit. En d'autres termes, le moi pur n'existe pas. Le moi est une réalité en acte et non le résultat d'une déduction logique.
Enjeux
Hume critique les conceptions abstraites du moi. Pour lui, la perception du moi ne peut se faire qu'indirectement. La continuité de l'existence est alors une illusion. Le moi, tel qu'il est conçu habituellement, est une abstraction. En d'autres termes, la conception traditionnelle du moi est une perception idéale de soi-même, en quelque sorte une reconstruction. Dès lors, ne pourrait-on pas définir le moi par l'expérience ? En fait, je m'aperçois que celle-ci me vient directement du monde qui m'entoure : ce que je crois être "moi" résulterait-il, en fait, de l'ensemble des influences que j'ai subies ? L'idée que je me fais de moi-même viendrait alors de l'image que me renvoient ceux qui m'entourent, de sorte que je ne suis moi qu'à travers les autres qui, à leur tour, ne sont des "moi" qu'à travers les autres, et ainsi de suite. (Cf. Nietzsche, Aurore, § 105). La question qui se pose alors est la suivante : notre réalité se réduit-elle à ce que nous avons reçu des autres ? Ou bien avons-nous la possibilité de décider ce que nous allons être, à partir d'un certain stade ?
Qu'est-ce que le moi ?
Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La plus forte sensation et la plus violente passion, disent-ils, au lieu de nous distraire de cette vue, ne font que l'établir plus intensément ; elles nous font considérer leur influence sur le moi par leur douleur ou leur plaisir. [...] Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à l'expérience elle-même, qu'on invoque en leur faveur ; et nous n'avons aucune idée du moi à la manière qu'on vient d'expliquer ici. En effet, de quelle impression pourrait dériver cette idée ? À cette question, il est impossible de répondre sans contradiction ni absurdité manifestes ; pourtant c'est une question à laquelle il faut nécessairement répondre, si nous voulons que l'idée du moi passe pour claire et intelligible. Il doit y avoir une impression qui engendre toute idée réelle. [...] Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière, ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser, ne sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.
- annihilé : synonyme de "détruit". Pour Hume, la vie suppose des sensations, conditions de toute pensée. Si le flux des sensations s'arrête, rien de moi ne peut prétendre subsister.
- moi : conscience de son individualité sur un plan empirique. C'est aussi le fondement de la personnalité.
Liens utiles
- David HUME (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, Ve section, 1re partie
- Hume et Lévi-Strauss (questions)
- ‘‘DE LA NORME DU GOUT’’ CHEZ HUME AU CONCEPT DE ‘‘BEAU SANS CONCEPT’’ CHEZ KANT
- Explication David Hume, Traité de la nature humaine livre 1, partie IV, section VI
- Hume - Traité sur la nature humaine