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HOFMANNSTHAL Hugo von. Ecrivain autrichien

HOFMANNSTHAL Hugo von. Ecrivain autrichien. Né à Vienne le 1er février 1874, mort à Rodaun le 15 juillet 1929. C'est avec une précocité digne de Rimbaud qu'il composa, entre seize et vingt-cinq ans - période pendant laquelle il se lia avec Stefan George qui dirigeait Feuilles pour l'art, la revue du symbolisme allemand — toutes ses Poésies et ses premiers drames lyriques : Hier, La Mort du Titien, Le Fou et la mort, La Dame à la fenêtre, La Mine de Falun L'Aventurier et la cantatrice, l'ensemble formant un « petit théâtre du monde » comme l'indique le titre d'un de ses drames. Le poète habita tout d'abord à Vienne, et fut fêté dans les salons et les cercles littéraires; il devint l'ami de Schnitzler et de Bahr. Encore qu'il se rendît souvent à Paris, ce fut Venise qu'il choisit à plusieurs reprises pour y camper les personnages de son théâtre. C'est en Italie qu'il connut D'Annunzio et la Duse, qu'il admira fort. Suivirent alors des tragédies d inspiration grecque ou élisabéthaine: Electre, oedipe et le Sphinx, Venise sauvée. La critique littéraire du temps qualifiait l'auteur d'enfant prodige, de poète décadent et d'esthète. Mais Hofmannsthal se gardait bien d'être un esthète, et avec La Femme sans ombre il accéda à la maturité et aux problèmes que pose l'homme dans la société et l'homme en tant qu'être moral. C'est de cette époque que datent celles de ses oeuvres en prose qui comptent parmi les meilleures qu'ait produites la langue allemande (v. Andréas, La Femme sans ombre). Il s'attacha à rendre vie aux traditions et exalta la patrie. Enfin il prit conscience des responsabilités du poète, et son oeuvre se fit lourde de sens métaphysique. Quelques comédies délicates lui furent inspirées soit par le XVIIIe siècle, Le Voyage de retour de Cristine , soit par l'époque contemporaine, Le Difficile, qui est une sorte d'autoportrait; puis viennent un mystère: Jedermann, des livrets d'opéra pour Richard Strauss — Le Chevalier à la rose, Arianne à Naxos, La Femme sans ombre , Hélène d'Egypte, Arabella. Hofmannsthal mit la dernière main à son oeuvre, en écrivant deux grands drames religieux et politiques : Le Grand Théâtre du monde de Salzbourg et La Tour, qui constituent en quelque sorte son testament spirituel. Ces deux oeuvres, mises en scènes par Reinhardt devant les façades des églises baroques de Salzbourg, proches des oeuvres de Claudel que Hofmannsthal admirait, glorifient la Providence. Établi à Rodaun, près de Vienne, au début de 1900, le poète ne s'en éloigna que pour de brefs voyages dans les pays Scandinaves, et pour remplir une mission en Grèce et en Afrique du Nord. Il mourut d'une crise cardiaque le jour de l'enterrement de son fils, Franz, mort par suicide. ? « Un adolescent bizarre, tantôt frisant la précocité, tantôt se donnant avec des naïvetés, des lourdeurs; hautain, et, dans sa hauteur, insinuant; enfant, et déjà d'une maturité effrayante; à la moindre excitation prenant feu, mais par le cerveau, le coeur restant de glace; enjoué, mondain, et au milieu du monde esseulé, triste, terriblement, avec tout son précoce art de vivre. » Bahr. ? « J'admire les petits imbéciles de la critique de Genève, qui lui font la leçon... Ils ne se doutent pas qu'ils ont affaire à un des plus parfaits artistes qui aient jamais manié la langue allemande... » Romain Rolland. ? «r J'aurais voulu parler d'Hofmannsthal. Il est assez curieux qu'après deux heures de conversation avec lui je n 'en trouve rien à redire... Et pourtant il m'a beaucoup plu. Mais la part de l'ombre chez lui ne m'a pas paru très vaste, ni cacher grand-chose de divin. » André Gide. ? «D'après Hofmannsthal le poète est le contemplateur, le compagnon caché, le frère silencieux de toutes les choses. Il ne peut fermer les yeux devant aucun être, aucun objet, aucun fantôme, aucune illusion d'un cerveau humain; la seule loi à laquelle il est soumis est celle de n 'interdire à aucune chose d'entrer dans son âme. » Auguste Folz. ? « Où Hofmannsthal excelle, c'est à suggérer l'indescriptible, l'insaisissable, les états d'âme oubliés, évanescents, engloutis, la nostalgie et le rêve, tout ce qu'il y a de léger au monde : des silences, des lueurs, des parfums, un regard, un soupir de flûte, une rougeur au couchant. Mais c'est aussi la joie forte de vivre, la volupté d'être au monde. Cependant il peint cette joie plutôt dans le passé ou dans l'avenir que dans le présent, colorée de rêve ou de regret, un peu effritée dans le souvenir, un peu inconsistante dans l'espoir. L'adolescence et la vieillesse, l'enfance et la mort, le rêve et le deuil de l'amour et de la puissance sont aux pôles de son inspiration. Douceur et terreur mêlées, abandon voluptueux à tous les souffles de l'atmosphère, docilité un peu languide au dessin, telle est la couleur de son univers moral. Nous dirons, empruntant le terme à Hofmannsthal lui-même, que toute son oeuvre en est le mythe éblouissant et touchant, d'une rare unité décorative et musicale. » Geneviève Blanquis.

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